vendredi 4 novembre 2011

Graines d'utopie

Bon, c'est décidé, je commence cette année à "faire mes graines".

Ça m'est venu, dommage, à la fin de l'été. Donc, pour les tomates, c'est râpé, j'ai ramassé l'autre semaine les dernières tomates vertes pour en faire quelques pots de confiture. Les courgettes, pareil: la saison a eu beau se prolonger, j'ai mangé les dernières au début des vacances avec mes deux petites princesses qui ne veulent pas de légumes mais aiment bien les courgettes. Du côté des potirons, je réserve dès à présent les graines de "Butternut", ma préférée. Les deux autres variétés que j'ai semées cette année (Kaboscha et Buttercup) appartenant toutes deux au groupe A se sont probablement un peu mélangées, du coup je peux bien ramasser les graines, mais je sais pas trop ce qu'elles vont donner. Les oignons? ma récolte de cette année a été carrément ridicule, exit les oignons. Les pommes de terre? Toutes mangées. Elles étaient bonnes, merci, mais les Rattes m'ont beaucoup manqué, je ne les oublierai pas l'an prochain, tant pis si elles sont peu productives. C'est troooop bon, cuit vapeur, avec du fromage blanc ou, plus classique, du beurre. Et chacun épluche les siennes, c'est ça qui me fait le plus plaisir.

Bon, alors, vu la saison, il me reste quoi? Essentiellement les bisannuelles: les légumes qu'on mange la première année et qui fleurissent l'année d'après. Justement, il me reste une très belle laitue. Je vais soigneusement la repérer et la laisser fleurir au prochain printemps. C'est une variété dont j'achète les plants au marché, une batavia brune qui ressemble à la Grenobloise, mais beaucoup plus craquante, et qui se comporte mieux chez moi: la Grenobloise a une tendance fâcheuse à noircir en bordure de feuilles, vous imaginez la corvée pour trier ça? Cette laitue rappelle un peu, à la consistance, la "Reine des Glaces" délicieuse mais que j'ai du mal à réussir. Celle-là, j'ignore son nom. D'après les photos de Biau Germe, ce pourrait être la "Goutte de sang". Les maraîchers qui vendent des plants prennent peu à peu, sous la pression des clients, l'habitude de mentionner la variété, mais c'est pas encore descendu jusqu'aux laitues.

Les choux, j'ai déjà l'habitude d'en laisser fleurir un ou deux au printemps: même les choux qui ont fait nos délices pendant l'hiver sont susceptibles, si on ne les arrache pas, de faire des pousses nouvelles et de fleurir, donc de grainer. Faut juste que j'en choisisse un beau. Trois plutôt, puisque j'ai planté ce printemps trois variétés de choux: un lisse, un cloqué, tous deux inconnus (plants du marché) et un rouge semé par mes soins, mais qui, d'habitude splendide, très sain, résistant aux attaques, semble assez piteux cette année. Les poireaux, n'en parlons pas, je renonce définitivement cette fois ci. Fausse joie d'abord, ils semblaient, cette année, intacts. La déroute totale de l'an passé, pas UN rescapé sur une centaine de plants, m'avait dégoûtée, j'avais décidé de ne pas acheter de plants. Mais, quand même, sur le conseil de "janot lapin", j'en avais semé une raie. Bingo! une bonne centaine de plants parfaitement sains et qui semblaient vouloir le rester. Un vol tardif de "mineuse", et vlan, voilà ma récolte sournoisement minée. Si un d'entre eux veut bien aller à graine, pourquoi pas? J'aime bien les fleurs de poireau, ces petites boules laineuses qui se balancent en hauteur, et la manière dont elles contrastent, en fin de saison, avec les graines charbonneuses, d'un noir profond, qui finissent par en sortir. Une culture que j'ai particulièrement bien réussie cette année, ce sont les bettes à carde rouge. Elles sont magnifiques à voir, leur couleur explose dans le jardin, quel dommage de perdre tout cela à la première gelée... mais impossible de tout manger, il y en a trop. Il faudra que je pense à en protéger un pied, ou alors me confier au hasard qui fait que certains survivent à l'hiver alors que d'autres pourrissent. Ma paresse naturelle vote pour le hasard.

Restent les légumes racines. J'ai eu une très belle récolte de carottes, des blanches de Küttingen et des oranges, de Colmar. En fin d'été, j'ai voulu ramasser les dernières pour une soupe. Grosses comme mon petit doigt et pas très enthousiasmantes, mais surtout: une magnifique chenille de Machaon me faisait concurrence. Bon, d'accord, je te la laisse, ta carotte. D'autant que, cet été, je n'ai pas eu le plaisir de voir un seul Machaon sur mes Buddleias, et d'ailleurs, très peu de papillons, va savoir pourquoi? Quand je suis remontée les mains vides, mon homme était perplexe: tu cultives des carottes pour nourrir les chenilles? Aucun sens de la poésie. Donc, pas graines de carottes. Les betteraves rouges que j'avais semées puis éclaircies sont finies, mais j'en avais repiqué quelques unes qui continuent de nous faire plaisir et qui sont énormes. Il me suffira d'en garder une. Ma récolte de panais commence à peine. En soupes, purées, pot au feu, ils sont délicieux, un goût légèrement anisé, une onctuosité parfaite. Là aussi, il me suffira d'en laisser un terminer son cycle.

Je n'ai pas, pour l'instant, l'intention de "faire" toutes mes graines. Juste de tester la faisabilité, d'essuyer les premiers plâtres. Mon manque de rigueur me promet quelques déconvenues, que je ne manquerai pas de vous raconter. Mon fournisseur préféré, Biau Germe, continuera de l'être, bien sûr. Pour moi, produire mes propres graines n'est que symbole et amusement. Pour les paysans, tous les paysans du monde, c'est beaucoup plus important. C'est l'indépendance de la paysannerie dans les pays pauvres qui est en jeu. Chez nous aussi, probablement: très peu de paysans produisent encore leurs propres graines en France, pourtant un mouvement naissant existe, de production et d'échange de semences, tout petit, mais assez grand pour que les gros semenciers se sentent menacés et tentent de le tuer dans l'oeuf. Suite à leur intense lobbying, le Sénat a voté en juillet un texte de loi qui vient à présent devant les députés. Pour taxer les semences auto-produites!!! "Ils" nous feront toujours rire, après l'eau, la terre, les graines, ils finiront par s'approprier l'air qu'on respire. C'est déjà bien avancé, l'air est tellement pollué que nous serons bientôt obligés de l'acheter en bouteilles.

lundi 17 octobre 2011

Octobre rouge, octobre noir

J'avais 17 ans et je ne me souviens de rien. À dix sept ans, on n'est plus une enfant, pourtant, même si à l'époque on faisait le maximum pour nous tenir à l'écart de tout ce qui compte, de tout ce qui vaut, de tout ce qui sera notre vie d'adulte. Ce qui est étrange... (ou pas?), c'est que je me souviens très bien par contre de Charonne, quatre mois plus tard, de l'émotion pour ces manifestants tués par la police, accidentellement disait-on alors, mais quand même... J'ai un souvenir aigu et ému de l'immense manifestation aux obsèques de ces victimes. Comment se fait-il qu'aucune trace ne me soit restée de cet octobre sanglant, de cet octobre des "noyés par balle".

Je ne vois qu'une explication à ce paradoxe: 9 cadavres blancs pèsent plus lourd que 200 cadavres de "Nord-Africains" comme on disait alors.

Comme les vérités sont longues à remonter à la surface. Qui les a lestées de plomb pour qu'elles restent enfouies, que tout un peuple continue à croire qu'il ne s'est rien passé le 17 octobre 1961, ou alors 3 morts et qui l'avaient bien cherché, zavaient qu'à rester chez eux et obéir au couvre feu. C'est seulement à la parution du livre de Jean Luc Einaudi que j'ai découvert l'existence de cette journée tragique. Claire Etcherelli y fait pourtant allusion dans son roman "Élise ou la vraie vie", puisque c'est à ce moment là que l'amoureux de l'héroïne disparaît après son arrestation sans qu'on sache jamais ce qui lui est arrivé. J'ai lu le bouquin et j'ai passé sur cette disparition sans tenter de comprendre, d'approfondir. Pourtant, dans la France fictive à laquelle je croyais alors, comment aurait-on pu disparaître ainsi?

Pour Charonne, il s'est dit à l'époque que les manifestants s'étaient d'eux même engouffrés dans cette bouche de métro, qu'ils s'étaient écrasés les uns les autres parce que les grilles étaient fermées. Accident, je vous dis, malheureuse circonstance, panique des foules. Et c'est le souvenir que j'en avais. C'est seulement il y a quelques années, en lisant le bouquin très minutieusement documenté de Alain Dewerpe, intitulé "Charonne, 8 février 1962", et sous-titré "Anthropologie historique d'un massacre d'État" que j'ai découvert que les grilles n'étaient PAS fermées, que par contre d'autres grilles, celles en fonte qui préservent les arbres du piétinement, avaient été arrachées puis jetées sur les manifestants qui essayaient de prendre le métro pour quitter les lieux.

Et parce que pour moi le passé ne vaut que pour éclairer le présent et nous aider à entrevoir l'avenir, je me demande, je vous demande: Quelles vérités laissons nous couler au fond de l'eau, enfouir dans la boue sans les interroger? Aujourd'hui, par exemple, plus besoin de balles pour "noyer" les malheureux. Eux même s'embarquent sur des rafiots pourris, paient très cher pour ça, puis se noient par milliers sans que ça émeuve beaucoup: zavaient qu'à pas... On le sait "vaguement", on n'approfondit guère, on écoute d'une oreille distraite et oublieuse ceux qui s'indignent (à quoi bon?) et d'une oreille perméable et spongieuse ceux qui nous sussurent à longueur d'antenne qu'on ne peut pas accueillir tout la misère du monde, que ces gens seraient mieux chez eux, qu'ils sont un danger pour nous et notre tranquillité. Que d'ailleurs on va aider (quand?) leurs pays à se développer (comment?).

"Ah, quels gredins que les honnêtes gens", s'écriait le peintre Claude Lantier à la fin de "Le ventre de Paris" de Zola. Sommes nous tous des honnêtes gens?

mercredi 5 octobre 2011

Sportifs du matin, chagrin

Je m'intéresse peu au sport d'habitude. Sauf randonnage et jardinage que je pratique régulièrement. Mais là, je viens de lire un truc que je veux vous faire partager, ya pas de raison que je sois la seule à faire gloups, mi effarement, mi rage: je vous le dis tout net, Valérie Solanas, c'était une midinette, finalement, avec son SCUM manifesto.

Acrimed a pris la peine de transcrire des commentaires prétendument sportifs sur une radio que je considère comme désormais déshonorée... pouah! Je dois leur dire deux fois merci. Merci pour l'information, et merci, j'ai ma dose.

dimanche 2 octobre 2011

Réponse à une devinette

Le 21 juillet dernier, je vous posais une devinette. . Il est temps de donner la solution à mes innombrables lecteurs qui s'en soucient peu:

Ce texte vient de Chine. Il est extrait d'un article paru dans le Monde Diplomatique de juillet 2011, une double page centrale, 14 et 15, rédigée par quatre chercheurs du département de sociologie de l'Université de Pékin qui s'appuient sur les travaux d'un groupe plus large de sociologues appartenant à ce département. Ils réclament des réformes dans leur pays, critiquant à la chinoise, c'est à dire avec modération et fermeté, la façon dont les autorités du pays traitent actuellement les mouvements sociaux nombreux et importants qui ont lieu là bas. Ils essaient de poser les bases de ce que nous pourrions appeler une démocratie respectant la voix du peuple (non, hélas, ce n'est PAS un pléonasme). Le ton et le contenu sont assez étonnants, car ils donnent de la Chine une image fort éloignée de celle que nous en avons à travers le filtre de nos "informations". A plusieurs reprises, en lisant cet article très long et très argumenté, je me suis dit qu'on pourrait, chez nous, en prendre un peu de la graine.

La manière dont ces chercheurs ménagent, sur la forme, la fierté de leurs dirigeants, tandis que sur le fond, ils sont d'une précision et d'une fermeté implacables m'a laissée perplexe. On peut, en Chine, écrire cela? On peut le publier dans plusieurs revues, le diffuser largement sur internet, le faire publier dans une revue étrangère? Ça aussi, ça donne de la Chine une image inattendue. Il se passe là-bas des choses dont nous n'avons aucune idée. Ce mélange paradoxal de prudence et de hardiesse, cette pertinence, la qualité de la réflexion, tout est surprenant.

Une chose m'a fait sourire: dans le second paragraphe, qui parle de l'existence d'intérêts "particuliers et donc divergents", ils glissent qu'il existe "encore" une grande différence entre les groupes sociaux. Trop mignon, cet "encore", cette concession, ce tribut payé à l'orthodoxie. Il est peu probable qu'ils soient dupes: au niveau de réflexion où ils se trouvent, il n'a pas pu leur échapper que les différences entre groupes sociaux ne sont pas vraiment en train de s'atténuer. Mais bon, ne fâchons pas inutilement l'interlocuteur. Faisons comme si le but le plus cher de nos dirigeants aimés était l'égalité des groupes sociaux, de leurs ressources financières et de leurs moyens d'expression.

Bien sûr, je ne veux tirer de ceci aucune conclusion sur ce qui se passe en Chine. Le pays est immense, les tendances les plus contradictoires s'y expriment, les actions les plus destructrices s'y déploient, bien malin qui pourrait y lire un avenir quand nous ne savons même plus ce que sera le nôtre. Je prends cet article comme une petite fissure à travers laquelle on voit un pti bout de réalité. Je n'en demande pas plus.

Il sera prochainement disponible en version intégrale sur le site du Diplo, ne le manquez pas.

vendredi 30 septembre 2011

Ça commence comme ça:

C'est incroyable, ils sont en train de recommencer. Nos gouvernements offrent gratuitement encore plus d'argent des contribuables aux banques!

Il est absolument nécessaire de renflouer la Grèce afin de sauver la Grèce, sauver l'Europe et sauver l'euro. Mais l'actuel plan de sauvetage financier prévoit que nous, les contribuables, renflouions les banques à hauteur de 90% de leurs placements hasardeux. Les Grecs ne reçoivent pas un centime, et nous donnons d'énormes montants aux riches banquiers. Pire encore, près de 30% de notre argent ira aux spéculateurs qui vont faire d'énormes profits en spéculant sur le sauvetage financier!

Ma foi, on avait bien compris que "Sauver la Grèce" c'était pas sauver les Grecs. Mais que faire?

Je reçois de temps en temps des alertes pétition d'Avaaz.org. Je signe rarement. Toutes ces pétitions... c'est facile, suffit de cliquer... mais à quoi bon? Qui s'en soucie? De temps en temps, ça me gonfle trop, alors je signe, je clique, je confirme, j'oublie. Vous aussi, peut-être?

Cette fois, j'en rajoute un peu, en faisant suivre. Qui sait? Ce qui m'a décidée, c'est que sur le site apparaît une nouvelle signature toutes les deux secondes. Et que ça vient de partout. D'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Bulgarie, d'Estonie... et de Grèce bien sûr.

Voici le lien. Allez voir, au moins.

jeudi 29 septembre 2011

Charmante et insuffisante

Je devrais pas ouvrir mon ordi aux aurores. Ça me met rarement de bonne humeur. La perle de ce matin (chagrin), je ne résiste pas à la partager avec vous:

Le Monsieur envisage dès maintenant de se présenter aux législatives: il ne veut pas bâcler sa campagne car il respecte ses électeurs (mais pas ses électrices, vous allez voir). En fait, il a déjà repéré, comme une bagnole qui cherche parking, quelqu'un qui pourrait libérer une place: un député qui ne se représentera pas. Une femme (hein? une femme?) sera peut-être la candidate. Ce qui autorise au Monsieur cette réflexion délicate:

"(...) une femme, en l’occurrence son assistante parlementaire, toute jeune élue de Z..., charmante mais …cela risque de ne pas être suffisant !"

Insuffisante et charmante, ça commence fort, non? En tout cas, voilà une double étiquette que le Monsieur ne craint pas. Charmant... aucun risque. Insuffisant, certainement pas. Il est au contraire très "suffisant".

Bouffi de suffisance.

mardi 20 septembre 2011

Nelumbo nucifera

Il n'a vraiment pas fière allure, quelques rares feuilles jaunies qui se traînent, pas du tout raccord avec le glorieux nénuphar que je venais chercher dans cette jardinerie qui se dit écologique. Bon, mais il est en solde, et pour cause: le rayon des plantes aquatiques est sur sa fin, assez misérable lui aussi. C'est au printemps, me dit le vendeur, que les arrivages importants se font. Mais au printemps notre mare n'était encore qu'un trou informe envahi par les herbes, promis à une incertaine destinée. En bordure d'allée, en paquets rectangulaires, eux aussi à moitié cachés par les herbes, attendaient le liner de six mètres sur huit, et le feutre destiné adoucir la terre caillouteuse pour éviter les crevaisons.

Ça fait bien longtemps que je rêve d'une mare au fond de mon jardin. J'avais, il y a dix ou quinze ans, acheté un livre de Terre Vivante que je ne retrouve plus. ni dans leur catalogue, ni dans le bazar qui me sert de bibliothèque. En fait, à l'époque, j'avais dû le prêter à un copain qui l'a réalisée, lui, sa mare. Il a probablement gardé le bouquin, et pourquoi pas, les livres sont faits pour circuler. Au printemps 2010, Terre Vivante a de nouveau sorti un livre sur l'aménagement d'une mare. Bon, pourquoi pas recommencer à rêver? Douze euros pour quinze nouvelles années de rêve, c'est donné.

L'été suivant, il se trouve que le papa de mon petit roitelet et de la princesse de septembre (tiens, elle vient d'avoir trois ans, la princesse) passe chez nous une partie de ses "vacances". Précisons que vacances, pour lui, ça veut dire bosser à d'autres trucs: il s'installe avec son ordi dans une chambre bien isolée et se contraint quasiment à des horaires de bureau. Qu'on soit capable de ça, ça me dépasse, moi qui ne peux suivre une idée que jusqu'à ce qu'elle en rencontre une autre, que je suivrai à son tour pas longtemps, c'est fou ce que ça circule dans ma tête. Une vieille chanson de Georgius, justement,vient y trottiner, menaçant de faire bifurquer, encore, mon billet.

Bon. Donc, le voilà qui bosse. Quand il bosse, il a besoin d'exercice. De vrai. Genre travail de force. Avec un pic, une cognée. Ou alors du vélo qui monte au ciel et qui descend dans la caillasse. Je pense que dans une autre vie, il aurait été bûcheron. Il tombe sur mon bouquin, le feuillette. Eh, je peux te la creuser, ta mare. Là, maintenant? Tout de suite? Ben euh... C'est pas rien, un rêve qui cesse d'en être un pour devenir réalité. Comme les billets de banque dans Crésus, ça fait peur. Je reprends mon souffle, le temps de réaliser vraiment. En même temps, quelle chance. À saisir au vol, non? Nous voilà dans le jardin à projeter la mare. Faut qu'on puisse tourner autour, pas trop près du mur, pas trop près du ruisseau, pas trop dans la pente non plus. A force de pas trop ceci, pas trop cela, pas trop grande, pas trop petite, profonde mais pas trop, quelque chose émerge d'assez précis pour que j'aille chercher les outils.

On a décidé, justement à cause du nénuphar qui me trotte dans la tête, environ 80 centimètres de profondeur. Comme ni lui ni moi ne voudrions noyer les enfants, il faut des paliers très progressifs, une pente douce. Une pente douce et un trou profond sur une petite surface, cherchez l'erreur. Imaginez qu'on y est arrivés quand même. Quand je dis on, j'étais plutôt dans le rôle de l'admiratrice incrédule.

Entre temps, ya eu un gag. Ce fond de jardin avait toujours été d'une fertilité très inégale. Assez vite, la raison en est apparue; un mur souterrain. Pile poil dans la diagonale la plus longue de la future mare. Un sacré mur, soixante centimètre de large, voire quatre-vingt, avec du vieux mortier genre chaux et sable. Pas indestructible, certes, à coeur vaillant rien d'impossible, mais bon... Et au dessus du mur.... un dépotoir. On y a même trouvé un vieux broc émaillé, rouillé et percé mais bien reconnaissable, et, plus inquiétant pour la suite, quantité de bouteilles brisées. Ennuyeux pour une mare qu'on va étanchéifier avec un liner plastique: un morceau de verre oublié, un trou, une mare qui se vide.

Ce mur a fait la fierté de mon petit roitelet: joint après joint, pierre après pierre, il en a démantelé une bonne partie. Le maniement du pic n'a plus de secrets pour lui. Moins glorieux, plus minutieux mais absolument indispensable, la chasse aux débris de verre. Là aussi, il a été d'une efficacité plus que symbolique. La petite princesse venait admirer son papa. Dans l'année qui a suivi, elle ne s'approchait pas du trou sans me rappeler que c'était son papa qui l'avait creusé.

L'été s'est achevé, la maison s'est vidée, le chantier s'est arrêté. Une année ou presque. Impossible d'en rester là, quel déshonneur. J'ai commencé à nettoyer le site. il s'était diablement enrichi entre temps, la végétation qui l'avait envahi posait quelques problèmes. Les cardères, les onagres et les laitues sauvages ont des tiges très dures qu'on ne pouvait se contenter de couper, il fallait les arracher. Sans trop éroder la terre. Pour le reste, on pouvait se contenter de tondre. Mais il y avait les diaboliques éclats de verre, bien difficiles à repérer parmi les herbes. Avec mon petit roitelet, on passait de longs moments à les rechercher. Chaque fois qu'on y revenait, on en trouvait d'autres. Désespérant. Une consolation: le liner que nous avions choisi, haut de gamme, était censé ne pas fuir tant que l'objet perforant restait en place.

De toutes façons, l'été finissait, on pouvait difficilement laisser passer un autre hiver. Alors j'ai motivé mes troupes: mes deux garçons et leur père se sont mis au boulot un dimanche. Le feutre, d'abord, qu'il fallait doubler aux endroits les plus problématiques (les restes du mur et du dépotoir). Puis le liner, dont un coin était abîmé, il fallait le placer dans la bonne longueur et que le trou soit hors la mare. Ce qui a pris le plus de temps, c'est de se mettre d'accord sur les manières de procéder. Deux qui discutent, moi qui mets mon grain de sel ou de poivre, et "le petit" qui observe en silence, fataliste et distancié.

Maintenant, le remplissage. Heureusement, la fontaine coulait encore un peu. Très peu. On a siphonné les deux bassins pour aller plus vite. C'est dans cette mare, creusée par son papa, que mon petit roitelet a appris à nager. La configuration de la mare était idéale: il partait du fond, où il avait tout juste pied, et s'élançait vers le bord. Entraînement intensif sur trois jours. Parce que le quatrième jour, ça commençait quand même à devenir un peu verdâtre. Bio, mais verdâtre.

Une intervention de rattrapage a quand même été nécessaire: le bord remblayé s'était un peu trop tassé, il manquait dix bons centimètres pour que le niveau soit correct. On a rafistolé en relevant le plastique, pas très orthodoxe mais quoi, pas possible de faire autrement. Un garnissage de cailloux, une couche de terre. Top, parfait. Mon boulot à moi, maintenant, c'est de couvrir la bordure plastique avec des mottes de terre herbeuses récupérées ici ou là. Et de repiquer des touffes qui retiennent bien la terre pour soutenir la partie remblayée. J'ai aussi prévu de planter en bordure sud-ouest des iris jaunes (j'en ai de belles touffes mal placées qui apprécieront leur nouvelle demeure). A l'époque du ruisseau, mystérieusement asséché aujourd'hui, il y avait une magnifique touffe de "populage des marais" appelé aussi souci d'eau, mais elle semble avoir disparu: forcément, sans eau... et noyée par contre dans les ronces et les orties, elle a dû se sentir mal aimée. Dommage, je l'aurais bien déplacée, elle aussi, sur le bord de la mare.

Revenons à mon nénuphar. On était perplexe, mon compagnon et moi, devant la bête. Pas très engageante, je l'ai déjà dit, placée dans un bac de trente par trente qu'il allait falloir sortir de l'eau, mettre dans le coffre, et surtout, surtout, installer dans la partie profonde de notre mare. De plus, c'est pas exactement ce que je voulais: c'est un lotus, pas un nénuphar. C'est plutôt mieux, notre copine vietnamienne va apprécier. Mais je sais pas trop si c'est gélif ou pas, ça vient quand même d'un pays chaud, et aussi, j'aime bien les feuilles qui flottent à la surface, comme des plateaux avec leur petit rebord. Celles du lotus sont soit émergées, soit immergées, mais elles ne flottent pas. Le prix nous a décidé: divisé par deux. Allons-y: le vendeur nous sort le bac de l'eau, le met dans un grand sac poubelle, puis sur un chariot, jusqu'à la voiture. Ah, je m'informe du nom exact, en latin s'il vous plaît, de ma nouvelle acquisition: Nelumbo Nucifera.

Nous voilà rentrés. Autant je suis du genre "ne fais surtout pas aujourd'hui... ce que tu seras peut-être finalement dispensée de faire", autant pour mon compagnon c'est TOUT DE SUITE. Il pleut, il fait froid, ça peut pas attendre demain, non? Justement, la météo... Il écoute pas, il dit rien, il fait. Voilà le bac dans une brouette, lui en maillot de bain, direction la mare. Heureusement c'est rapide, avancer la brouette dans la mare avec précaution pour pas abîmer le revêtement, descendre dans l'eau (lui, pas moi, misère!, moi j'assure juste, à pied sec, l'équilibre de la brouette) prendre le bac, bien viser pour qu'il tombe juste au bon endroit. Pouf, c'est fait.

Un lotus sacré. Au printemps prochain, on lui donnera des compagnons plus modestes. Et moins exotiques.

vendredi 16 septembre 2011

Crapaud mon bel ami

Deux billets le même jour? Eh oui.

Je remonte à l'instant du jardin, toute émue: je viens de voir un crapaud nager dans la mare. Il était là, tout près de moi, sa tête affleurant l'eau. Je crois qu'il s'apprêtait à sortir. Mais il m'a vue, il a fait demi tour et a disparu dans l'eau trouble. Je suis restée longtemps à le guetter, inutilement.

Bon, un crapaud dans une mare, me direz-vous, c'est plutôt banal, pas de quoi en faire un plat. Mais vous comprenez pas? C'est le premier crapaud dans une mare qui n'a que quelques semaines. Elle est même pas finie! J'en suis encore à aménager les abords. Je couvre, jour après jour, selon mes envies et mon courage, le plastique noir du liner sous des touffes d'herbe prélevées ça et là avec leurs racines, en espérant qu'elles voudront bien se stabiliser et s'installer. Parmi les herbes choisies, il y a la menthe sauvage, elle apprécie l'eau et se contente d'une couche de terre peu épaisse. J'ai repéré aussi, il y en a pas mal dans les coins herbeux de mon jardin, une petite rampante nommée lysimaque nummulaire. Ses tiges discrètes se glissent entre les herbes, elle ne se fait remarquer, si peu, que par ses petites fleurs jaunes, mais la mienne fleurit peu. Elle peut devenir couvrante si on lui laisse de la place (une pierre, une bordure en béton). Elle aime bien l'eau, où elle devient flottante. La plante idéale en bordure d'une mare sur plastique qui essaie de camoufler son caractère artificiel. J'attends de voir si elle tiendra ses promesses.

Comme le terrain est pentu, je commence à stabiliser les berges du côté remblai, en y plantant des touffes de marguerites, des tiges de saponaire, bref des plantes sur lesquelles on peut compter pour empêcher le glissement de la terre. J'ai semé cet été de la salicaire, qui aurait fort belle allure en compagnie des iris jaunes, déjà installés près du déversoir. Malheureusement, mon semis a coïncidé avec une vraie explosion d'herbes sauvages, juste après la première pluie qui a suivi la sécheresse: mon jardin était devenu brusquement tout vert, couvert de minuscules plantules: on aurait dit que la sécheresse avait mis les graines dans des starting-blocks. Et comme j'ignorais à quoi ressemble la salicaire quand elle vient de germer, le désherbage précoce était impossible. Face à cette armée de concurrentes, la salicaire, je crois bien, a capitulé. Si je veux en planter cet automne, il me faudra en trouver en jardinerie.

En jardinerie, je vais y aller, de toutes façons: il me faut un nénuphar. Celui qui fait de grosses fleurs blanches. Je compléterai par deux ou trois bricoles, pas trop. Juste encourager la nature, en lui laissant le plus de place possible.

Pour "mon" crapaud (il était énorme, je crois bien que c'était une crapaude), j'ai installé également la souche tarabiscotée d'un vieux plant de cassis qui végétait au mauvais endroit et qu'on a dû arracher en creusant le trou. Un tas d'herbes sèches complétera l'abri. Je veux qu'il elle sente que dans ce jardin elle est la bienvenue. Je ne voudrais pas que notre première rencontre qui l'a effrayée lui ait donné mauvaise opinion de moi.

Les ronces vont à dame

Quand j'étais petite, je jouais aux dames avec mon grand père. Pas le jardinier, l'autre. Ça durait jamais longtemps. J'avançais mes pions au petit bonheur la (mal)chance, je me faisais "souffler" des pions pour n'avoir pas vu que je devais "prendre", puis tout d'un coup, le pépé, toc-toc-toc, avançait en zig-zag à travers mes pions dispersés, allait à dame, et à partir de là, carnage. 'Si ça gagne pas, ça débarrasse" disait le pépé, ravi.

J'ai compris plus tard, je ne crois pas qu'il me l'ait jamais expliqué, qu'il avançait ses pions "en coin", sans laisser entre eux le moindre trou, juste le contraire de ce que je faisais moi. Mais quel plaisir un adulte confirmé pouvait-il bien trouver à écrabouiller ainsi, en quelques minutes, une gamine de huit/neuf ans? Je crois que mon pépé avait gardé quelque rancoeur de son enfance et de sa vie "douze métiers, treize misères". Si ça gagne pas, ça débarrasse, il n'y gagnait rien en effet, mais ça devait le débarrasser, fugitivement, de quelque chose.

Finalement, avec sa manière de jamais rien expliquer, de toujours être dérisoirement le plus fort, de faire des blagues pourries qui me mystifiaient et m'enrageaient, il m'a appris une certaine forme de vigilance: qu'est ce qui se cache derrière les choses, derrière ce que font, ce que disent ces adultes tout puissants et pourtant si faibles, souvent. Et il m'a appris, paradoxalement, le respect de l'enfance.

Bon, mais il était question de ronces. C'est la saison où les ronces, comme mon grand père, vont à dame. Le processus est saisissant. Comme avec le pépé, j'y vois rien d'abord. Une tige monte sournoisement, se perd dans le feuillage d'un arbuste ou s'appuie sur une herbe haute. Puis elle redescend, toujours aussi discrète. Elle cherche la terre. Quand elle la trouve, il se produit une bizarre modification: la pointe devient à la fois plus charnue et plus pâle, elle tourne légèrement sur elle même, elle se plante en terre et un feu d'artifice de racines explose. Il est encore temps de déraciner ces marcottes spontanées. La tige de la ronce est très solide, il faut des gants bien sûr car elle est aussi féroce, mais l'arrachage est d'autant plus facile que la ronce, cette petite futée, détecte les endroits où la terre est assez meuble. Ce qui facilite son boulot... et le mien.

Plus tard, il sera trop tard. Déraciner, plus possible, la tige est solidement amarrée. Couper, bien sûr, on peut toujours. mais on a là le point de départ d'une touffe vigoureuse et obstinée. Qu'il faudra couper et recouper avant qu'elle se décourage. Oubliez-la une saison, elle est repartie de plus belle. Attendez davantage, de saut en saut, le buisson de ronce peut gagner des dizaines de mètres en peu de temps. Jardinière bio convaincue, je comprends pourtant que certains se soient laissés séduire par les produits miracles qui vous nettoient définitivement un roncier en deux coups de vaporisa-tueur.

Mais ils ne savent pas ce qu'ils perdent.

vendredi 9 septembre 2011

Tordre puis arracher

"Tordre et arracher, pas couper surtout. Tordre, puis arracher."

J'ai trois grosses touffes de rhubarbe dans mon jardin. Elles disparaissent en hiver, comme de nombreuses vivaces, et reviennent fidèlement au printemps. De bizarres oeufs rougeâtres d'abord, assez surprenants quand on ne connaît pas: quel oiseau étrange aurait pondu là... à moins que ce ne soient les cloches, mais Pâques est encore loin. Puis, très vite, ça se déplie, la tige, épaisse, s'allonge, la feuille, énorme, prend ses aises. Bientôt, la première récolte. Presque la seule, jusqu'à cette année. De la touffe déplumée ne sortaient plus guère ensuite que des tiges grèles, sèches, pas toujours mais souvent filandreuses. A vous dégoûter de la cueillette, parce qu'une seul tige filandreuse, comme un haricot qui a pris le fil, une amande amère ou une noix rance, vous gâche tout le reste.

Je pensais que c'était la faute de ma terre, pas assez profonde, la rhubarbe a une énorme racine qui doit pouvoir s'enfoncer dans le sol sans rencontrer le tapis de cailloux de moraine qui affleure facilement par ici. Ou alors, la faute à la sécheresse, la rhubarbe aime les terrains frais et je n'avais pas toujours le courage de charrier les deux ou trois arrosoirs qu'il faut à une grosse touffe. Ou peut être qu'elles étaient trop vieilles, mes touffes, qu'il aurait fallu les dédoubler, les déplacer, les renouveler?

Jusqu'à cet avertissement bizarre, donné par un compagnon de mes petites randonnées du mardi: tordre, puis arracher. Les jardiniers ont plein de ces petits rituels indispensables auxquels ils croient ou pas mais qu'ils respectent scrupuleusement, si ça fait pas de bien, hé, ça peut pas faire de mal. Au début, moi aussi, je faisais comme ça, tordre puis arracher, pour avoir toujours vu ma grand mère le faire. Mon grand père, lui, avait son "Opinel" dans la poche, mais les chromosomes (ou les hormones?) féminin(e)s interdisaient le port de l'Opinel. Donc, pensais-je, si mémé ne coupait pas les tiges de la rhubarbe, c'est faute de couteau. Mais moi qui suis une femme libérée, j'ai droit au couteau, que je plante d'ailleurs souvent n'importe où (faute de poches), que je perds, bien sûr, que je retrouve sans manche et avec une lame qui fait pitié deux ou trois saisons plus tard ou alors dans le compost.

Comme quoi les anciens avaient peut-être raison de refuser aux femmes le droit à l'Opinel. C'est toute une culture, ça s'improvise pas. Celui de mon grand père était soigneusement entretenu, lame aiguisée régulièrement, nettoyée dans la terre et bien essuyée ensuite, je revois le geste par lequel il le repliait avant de le glisser dans sa poche. Et bien sûr il ne l'aurait jamais prêté à personne, et surtout pas à un malandrin anonyme qui aurait utilisé la lame en guise de tournevis et l'aurait irrémédiablement ébréchée, comme ça m'est arrivé récemment. C'est pas moi, c'est pas moi, c'est pas moi, diraient tous les malandrins de mon entourage si je faisais l'erreur de les questionner. Ce dont je m'abstiens, bien sûr, sagement, depuis que je suis vieille. Avant j'aurais appelé la Sainte Inquisition.

Je vous parlais de rhubarbe, non? Donc, depuis ce printemps, je suis revenue à mes pratiques primitives, je ne coupe plus les tiges de rhubarbe. Je prends la tige le plus près possible du sol, à pleine main, je la vrille fortement tout en tirant vers moi. Elle s'arrache ne laissant une blessure, il arrive que s'arrache avec elle un bourgeon naissant, tant pis.

Et vous savez quoi? J'ai eu de belles tiges de rhubarbe tendres et charnues, tout l'été et encore maintenant. Une ou deux fois par semaine, j'en arrache une dizaine, que j'épluche soigneusement avant de les couper en tronçons, deux ou trois centimètres. Je prépare un mélange type clafoutis: six oeufs, un verre de farine, deux verres de sucre (l'acidité de la rhubarbe est redoutable sinon), plus une dose (20 ou 25 centilitres) d'une de ces crèmes végétales bio, amande, épeautre, riz, avoine que j'utilise en remplacement de la crème-crème. Trente minutes au four, hop là, dessert nourrissant et sympa. Bon, il arrive que de petites mains de princesse ou de roitelet écartent soigneusement les tronçons de rhubarbe sur le bord de l'assiette, tant pis. Les enfants, savent pas ce qui est bon!

jeudi 8 septembre 2011

Cochonnerie

J'avais 20 ans et le souvenir que j'ai de cette cochonnerie, pardon de cette porcherie, est bien vague. Une copine, qui ne voulait pas y aller seule, m'avait embarquée pour la Normandie. Un stage "Connaissance de le France". Franco allemand, c'était novateur en 1964. Je ne connaissais quasiment rien à rien, à peine quelques questions sur la torture en Algérie parce que des bouquins peu accessibles m'étaient pourtant tombés sous les yeux, peut-être aussi parce qu'une copine, une autre, m'avait dès 1958 parlé de son frère, revenu de là-bas irritable, solitaire, triste et hors d'atteinte. Mais c'est une autre histoire. Pour ce qui est de l'Allemagne, j'étais, bien sûr, pour la réconciliation, même si ma mère prétendait entendre encore le bruit de "leurs" bottes.

Nous étions en Normandie, à Caen, une vingtaine de jeunes français et françaises, une vingtaine de jeunes allemands et allemandes qui découvraient avec ravissement des plateaux de fromage dont ils ne savaient même pas que ça pouvait exister. Qui découvraient aussi les plages du débarquement, les musées patriotards, les immenses cimetières, et les micro-trottoirs où ils se faisaient parfois traiter de "sales boches". Ce n'étaient pas n'importe quels allemands, pour avoir choisi la France et qui plus est la Normandie, mais quand même, "sales boches".... pas facile à avaler, quand on est né "après", qu'on est plein de bonne volonté réconciliatrice et de culpabilité désolée mais impuissante.

On ne faisait pas que dans la nostalgie pacifiste, on s'intéressait aussi au développement économique de la région. A son développement agricole. On était alors en plein enthousiasme paysan, fini les péquenots aux sabots crottés, l'agro-industrie sortait de terre. Au sens propre, puisque c'est un élevage de cochons hors sol que nous avons visité ce jour là. Je me souviens que pour y entrer, nous avons dû nous déguiser en assistants de bloc opératoire. Sur-chaussures, blouses, chapeaux. Peut être pas masques, mais l'idée y était. Cet élevage, pour protéger les animaux des maladies, était conçu parfaitement isolé du monde extérieur. Confiné de chez confiné.

Je ne connaissais rien à rien, mais j'avais été assez éberluée d'apprendre que, toujours pour protéger les porcelets de ces fameux microbes, les truies n'accouchaient pas: elles étaient césarisées!!! Dites-moi que j'ai rêvé tout ça, je me demanderai si vous n'avez pas raison. En contrepartie, nous expliquait le guide mi-figue mi-raisin mais pas apostat pour autant, une hygiène rigoureuse était indispensable, un seul microbe un peu dégourdi qui rentre et c'est l'hécatombe. D'où les sur-chaussures, blouses et calots.

Je crois me souvenir que c'était expérimental. Je suppose, sans certitude, que les césariennes sur truies n'ont pas tenu le coup longtemps. Mais l'idée était là, qui n'a cessé de s'améliorer. En pleine psychose de la grippe aviaire, quand on nous bassinait sans arrêt avec l'indispensable confinement de nos basses cours minuscules, quand un oiseau sauvage était pire qu'un avion menaçant le WTC, un élevage entièrement confiné de 20000 volailles a été attaqué par un de ces foutus microbes. Elles ont commencé à mourir comme des mouches sous un nuage de Fly Tox. Il a fallu abattre, bien sûr les survivantes, ou plus exactement celles qui tardaient à mourir. Nettoyé en quelques jours, un élevages de bêtes qui n'avaient JAMAIS connu la lumière naturelle.

Joyeux noël: c'étaient des dindes.

mercredi 7 septembre 2011

Personne a touché à ma terre?

Je donne une leçon de grelinette à ma petite princesse de septembre. L'expérience avec son frère m'a montré que même un enfant de trois ans peut en comprendre le maniement. Et, de nouveau, ça marche. Très motivée, la gamine. On plante l'engin, phase délicate, j'en profite pour montrer le danger d'épingler les petits pieds, ouh la la ça ferait très mal, attention, c'est moi qui! Une fois les cinq dents bien positionnées, on enfonce la grelinette. Bon, quand on pèse 14 kilos, même en montant sur la barre transversale, même en sautant dessus (c'est rigolo!), on enfonce pas beaucoup. Je viens à la rescousse, je balance l'engin, un coup à droite, un coup à gauche, c'est encore plus rigolo que de sauter, balan, balan, balançoire... La jardinière en herbe est pressée: non, pas encore, il faut que la barre touche la terre, comme ça. C'est le moment d'incliner l'outil vers soi pour soulever et émietter la terre, puis, prestement, de changer la position des mains pour avoir plus de force, façon madame la taupe (celle qui voulait savoir QUI lui avait fait sur la tête... ou une autre). Les deux manches doivent être presque à l'horizontale. On balance de nouveau, en soulevant cette fois, le manche de droite, celui de gauche. Terminé.

Séquence numéro deux: attention, on ne soulève pas la grelinette, rapport aux petits pieds et aux forces minuscules de leur propriétaire. On la fait glisser vers soi, une dizaine de centimètres, et on recommence. Planter, appuyer, balancer, faire levier, changer la position des mains, appuyer encore, balancer. On ne s'en lasserait pas. La princesse jardinière, observatrice, s'interroge sur la différence de couleur entre la terre d'origine et la terre remuée, qui est "toute noire". Finie la rangée, elle trouve une autre occupation: briser les grosses mottes avec les doigts. Encore une, encore une. Je suis un peu jalouse, moi aussi j'aime bien ça, sentir la terre, ni trop mouillée ni trop sèche, s'effriter doucement entre les doigts. C'est d'ailleurs ce qui m'attriste plus dans la sécheresse prolongée, la perte de cette agréable sensation.

Elle a dû le sentir, ma princesse, car s'étant éloignée quelques minutes elle revient vers moi et me toise d'en bas (mais si, c'est possible!) d'un regard à la fois méfiant et sévère:

"Personne a touché à ma terre?"

mardi 6 septembre 2011

Adieu, vives clartés...

"J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres le bois retentissant sur le pavé des cours"

Mais pas du tout, je ne suis pas synchro avec Baudelaire sur ce coup là! D'abord, les vives clartés, bah, un peu de fraîcheur ne fait pas de mal. Et puis, le bois qu'on rentre pour l'hiver: ces piles bien rangées qui longent par ici les murs des maisons, ça me fait toujours chaud au coeur. On a dû, encore, couper un arbre. Mort de chez mort, il était. L'écorce finissait de se détacher par plaques, les mini-galeries des insectes, mises à nu, avaient beaucoup d'allure, le pic vert venait régulièrement visiter son garde manger. Mais, à quelques mètres d'un toit tout neuf, c'était pas raisonnable de l'épargner plus longtemps. Alors, voilà, un beau petit tas de bois bien sec à ranger lui aussi contre le mur. Le paysan sollicité pour l'abattage a accueilli d'un sourire narquois notre demande de le couper "en chandelle", c'est à dire en laissant environ deux mètres de tronc comme milieu de vie pour les insectes. Encore une bizarrerie de bobo! mais comme c'était loin de lui compliquer la tâche, au contraire, il n'a émis aucune objection.

La maison vide sent un peu la nostalgie. Le bac à sable résonne encore du rire des deux petites princesses, même le souvenir de leurs hurlements rivaux autour d'un vieux râteau édenté (non! à moi! c'est pas à toi!) est devenu romantique. J'ai laissé exprès devant la maison, je le rangerai plus tard, le vélo de mon petit roitelet, devenu en un été roi de la montagne (il est "monté en Sûre", c'est le baptême local), roi de la petite reine (il a fait en vélo des tours héroïques, en râlant... juste le nécessaire), et roi des grenouilles (il a nagé ses premières brasses dans la mare tout juste remplie avant que l'eau vire au verdâtre). Ah, et il a perdu une dent, la cinquième!

Et tout ça est rentré en classe hier.

Il fait soleil, j'ai une mini rando sur le feu, peut-être je vais m'inscrire à la chorale du village. Ya tout mon jardin à nettoyer après les récoltes de l'été qui s'épuisent, et quelques semis d'automne à faire sans tarder. La mare, finis les gros travaux, demande encore beaucoup de soins pour être telle que je la rêve. Hier je suis passée à la bibliothèque, demain je rends visite à mon libraire ami. J'ai repris, plein pot, mes activités associatives. Quoi encore? Un peu plus de temps pour ne rien faire, c'est encore mon occupation favorite.

Entre "Adieu vives clartés de nos étés trop courts" et "Tout l'hiver va rentrer dans mon être, colère", Baudelaire, nigaud, comment t'as pu oublier l'automne?

mercredi 3 août 2011

Pierre qui bouge

Ma terre est pleine de cailloux. C'est en partie grâce à ça qu'elle se ressuie et se réchauffe très vite. Quand même, faut pas exagérer, et je les enlève, les cailloux: trop, c'est trop. Le gros de mon jardin est déjà bien épierré. Mais quand je défriche un nouveau coin, j'ai un aperçu de ce que c'était avant. Un peu de terre entre beaucoup de cailloux. Sans compter les cailloux profonds, pas si profonds que ça.

Comme je suis une paresseuse, je me contente de faire de petits tas, ça et là, que j'enlèverai, c'est sûr, demain. Ou après demain. Ou que je laisserai s'enterrer doucement, pour les redécouvrir à la saison prochaine (mais pourquoi donc une telle densité de cailloux en bordure d'allée?), faire et défaire c'est toujours travailler. J'ai trouvé un truc pas mal, je garde les filets quand j'achète des pommes de terre. Quand un sac est plein, je le vide: j'ai un tas dans les broussailles, qui commence à évoquer ces pierriers qu'on trouve en montagne, entre deux champs autrefois cultivés. Quelquefois, j'attends trop, et le sac se bio-dégrade, ou se fait éventrer par la débroussailleuse: rebelote à ramasser les cailloux éparpillés. Ça donne du boulot, la paresse.

Justement, j'étais en train de ramasser, avec l'aide de ma petite princesse, un petit tas sous une rose trémière. Alors que "mes" cailloux sont plutôt blancs et anguleux, je découvre, sous le tas, une pierre grise, plate et toute ronde. Je la prends... elle est molle et elle bouge. Waouh! un cri de surprise m'échappe, immédiatement doublé en écho par un cri de terreur de ma petite princesse: j'ai dérangé un crapaud!

Pas du tout essayé de l'embrasser (merci à Ziggie pour l'inspiration), vu que j'ai absolument pas besoin de prince charmant, et pas envie non plus depuis que j'ai vu le gominé prétentieux de Shreck. A la limite, je pourrais me sacrifier et embrasser un prince charment pour le transformer en crapaud, vu que les crapauds, c'est très utile.

Bon, celui-là, je lui ai vite mis à disposition un tas d'herbes arrachées de frais. Et nous sommes parties sur la pointe des pieds pour le laisser se remettre de sa grosse émotion.

Tiens, ça me rappelle ma dernière conversation avec un chasseur ennemi des écolos, qui s'enrageait de voir le Conseil Général dépenser l'argent de SES impôts pour construire un crapaud-duc: "Vous voulez vraiment protéger les crapauds? Faut flinguer les hérons!"

Faire comprendre le concept de biodiversité à certains, ben c'est pas gagné.

samedi 30 juillet 2011

Encore une perle

« Supprimer le défilé militaire du 14 juillet ? Avec tout le respect qu’on lui doit, il faut dire à Eva Joly que cette idée respire la naïveté inconséquente et que la candidate écologiste aurait mieux fait, ce jour-là, d’aller s’occuper de son jardin bio. » (Laurent Joffrin, directeur du Le Nouvel Observateur)

Voyez donc, les coïncidences! Il y a peu, en plus de cultiver mon jardin (bio), je vous faisais souvenir de l'ami Georges Brassens qui restait dans son lit douillet le jour du quatorze juillet, pour cause de peu d'affinité avec "la musique qui marche au pas", et j'imaginais que le moustachu tranquille aurait été solidaire de la norvégienne (française, certes, mais norvégienne, hein, pas oublier).

Et voilà que Laurent Joffrin prétend que c'est mieux de cultiver son jardin (bio) que de dire que la fête nationale n'est pas obligatoirement celle des tanks et des mitrailleuses sans compter les bombardiers.

Comme si on pouvait pas faire les deux, et même les trois: cultiver son jardin (bio), aimer Georges Brassens ET ne pas apprécier la pub pour les marchands de canon?

jeudi 21 juillet 2011

Une devinette en six points

Je soumets à votre réflexion et à votre sagacité ce texte dont je dirai plus tard d'où il vient et où je l'ai trouvé. Ceux qui le reconnaîtront, parce qu'ils ont les mêmes lectures que moi, chuuuuut! Par contre, je dois à l'honnêteté de préciser que j'ai censuré un mot, un tout petit mot, anodin en lui même, mais qui donnait un indice précieux. Héhé... vous voilà intrigués, j'espère.

1- Un premier dispositif permettrait l'accès à une information ouverte, transparente, complète, objective, grâce à laquelle les citoyens pourraient comprendre les revendications des différentes couches concernées et prendre en temps voulu les décisions d'intérêt public tout en garantissant les intérêts des parties. Ce mécanisme instaurerait les principes d'une circulation publique de l'information sur les affaires communes et garantirait le droit à l'information, allant de l'accès à la lecture des documents non classifiés à la participation aux audiences publiques.

2- Le deuxième contribuerait à mettre en cohérence les revendications liées aux intérêts particuliers et donc divergentes. Dans la mesure où il existe une grande différence entre les groupes sociaux quant aux ressources financières et aux moyens d'expression dont chacun dispose, une organisation collective de l'expression, de la communication et de la négociation serait évidemment favorable à la défense des couches les plus vulnérables. L'expérience montre que, lorsque les intérêts ont été mis en cohérence, il est plus facile de parvenir à une solution par un processus de négociation et d'arbitrage.

3- Il faudrait établir un système adéquat permettant aux citoyens de s'exprimer de façon efficace, d'augmenter la participation du public dans certains domaines comme les auditions, l'expression d'opinions, la supervision, les réunions de compte-rendu sur toutes les questions d'intérêt général. En même temps, il conviendrait de garantir l'expression des demandes dans les médias de masse.

4- Un autre dispositif viserait à mettre en place des moyens de pression. Actuellement, les groupes sociaux aux ressources financières importantes disposent de moyens de pression pour défendre leurs intérêts; les groupes vulnérables devraient, eux aussi, disposer d'un réel mécanisme de pression - dans un cadre légal évidemment.

5- Un dispositif de consultation et de négociation serait créé, grâce auquel les groupes sociaux pourraient parvenir par eux-mêmes à la résolution des difficultés, de façon juste et efficace. La société ferait ainsi ses premiers pas vers une autogestion, une autorégulation. A ce moment, le gouvernement n'aurait plus à intervenir dans ces affaires, ce qui réduirait d'autant le fardeau de l'administration et le coût de ses dépenses. Dès maintenant il est urgent d'établir le principe de négociation entre les parties représentant le capital et le travail.

6- Un dispositif de médiation et d'arbitrage serait instauré pour tous les cas où les deux parties opposées ne parviendraient pas à trouver un compromis. Et le rôle d'arbitre final dans ces circonstances doit revenir au gouvernement et aux instances judiciaires. Dans le cadre d'un système de ce type, le gouvernement, même s'il n'a pas à s'immiscer directement dans ces affaires pour tout régler, peut en revanche jouer un rôle institutionnel pour faciliter les négociations et, en fin de compte, se porter garant du résultat final.

Pour être efficaces, ces six mécanismes devraient s'articuler les uns aux autres et fonctionner simultanément.


*** Ajouté le 2 octobre: cliquez pour avoir la réponse.

vendredi 15 juillet 2011

Quatorze juillet

Le jour du quatorze juillet, Je reste dans mon lit douillet. La musique qui marche au pas, Cela ne m'intéresse pas.

Je ne fais pourtant de tort à personne En n'écoutant pas le clairon qui sonne!

Mais les brav' gens n'aiment pas que...

Brassens solidaire de Eva Joly. Décidément, il nous manque, comme nous manquent Coluche, Pierre Desproges, et quelques autres.

dimanche 26 juin 2011

Bon appétit, bien sûr!

"Mange, mon petit, mange", pensai-je. J'avais reconnu l'emballage. Le producteur était un de mes clients. Tous les mois je lui fournissais plusieurs quintaux d'ovoproduits. En provenance d'une entreprise de recyclage de déchets des environs de Turin qui, au lieu d'écouler les oeufs pourris, cassés, infestés de parasites, en nettoyait la putrescine et la cadavérine et les transformait en une bouillie conditionnée dans de commodes petits bidons de cinq litres, prêts à être versés dans les pétrisseuses des confiseries industrielles. Et le goût ne devait pas être mauvais, vu l'avidité d'adulte avec laquelle le gamin mordait dans son goûter, sans en laisser tomber une seule miette entre les sièges."

Il commence fort, le polar que je suis en train de lire. Je vous le conseille. Il a été publié en 2007, traduit en français en 2010, mais il évoque furieusement une actualité beaucoup plus récente.

"La règle numéro un, c'était de ne jamais exagérer avec le frelatage pour éviter que les consommateurs ne clamsent après avoir avalé un beau plat de spaghetti aux palourdes. (...) La deuxième règle (...) il fallait distribuer le produit en petites quantités, mais dans le plus grand nombre possible de magasins et de supermarchés. La troisième règle, c'était de toujours savoir comment ça avait été trafiqué, parce qu'on ne pouvait faire confiance à personne dans ce business. Des cons pouvaient te refiler un lot qui te bouzillait ta place à vie."

Sur la fin, le héros refile ses contacts "commerciaux" à un ami auquel il ne veut aucun bien:

"Parenti n'avait pas de style, et surtout il n'avait pas compris les délicats équilibres du marché des aliments frelatés. Il ne faisait attention qu'au prix et il allait inonder la Sardaigne d'une merde infâme. Je me gardai bien de le prévenir que le jeu ne tenait que si l'hyper-merde ne représentait que 20% des ventes. Le reste devait être de la merde, un minimum de qualité étant nécessaire pour donner une couverture décente à ce business. Avec ce genre de choix de produits, ils allaient avoir de sérieux problèmes d'ici deux ans au plus tard, mais ce n'était plus mes oignons. "

C'est un polar, on pense que ça force le trait au delà du vraisemblable, et on rigole. On a peut être tort. Le bouquin a été écrit par Massimo Carlotto, qui en a déjà écrit d'autres. Seulement, cette fois, il n'est pas seul: il a travaillé avec Francesco Abate. Qui est... journaliste. Et la quatrième de couverture évoque "une très solide documentation". Gloups.

Bon, comme je vous ai rien révélé de l'intrigue principale et que ce joyeux cynisme est hilarant de bout en bout, rien ne vous interdit de prendre beaucoup de plaisir à la lecture de ce bouquin. Et... bon appétit, bien sûr!

vendredi 24 juin 2011

Abeilles charpentières et sauge sclarée

Il y a deux ans, j'avais cherché quelques bisannuelles à faire semer à mon petit fils. Bisannuelles, ça veut dire qu'on les sème en été... et que ça fleurit pas avant l'année suivante, bel exercice de patience et de mémoire. L'avantage des bisannuelles, c'est qu'elles sont aussi, presque toujours, vivaces. C'est à dire que la racine subsiste l'hiver sous terre, et que la plante repousse au même endroit, parfois un peu dégradée mais souvent plus belle l'année suivante. Parmi ces bisannuelles, la sauge sclarée. Non seulement elle pousse et repousse magnifiquement d'année en année, mais elle se ressème. Cette année, la sécheresse n'y est pas pour rien, elle est particulièrement belle. Plus haute que moi. Elle illumine le fond de mon jardin de sa couleur si subtile, qui vire du bleu pâle au gris argenté à mesure que le temps passe. La souche d'origine, plus deux touffes essaimées que j'ai épargnées en les reconnaissant. Il y en avait d'autres, mais faut bien laisser un peu de place pour les légumes que je suis censée cultiver.

Sur le blog où je vous ai envoyé(e)s pour les photos, les commentaires disent plein de mal de l'odeur de la sauge sclarée. Des goûts et des couleurs, dit-on, ben faudra rajouter les odeurs. C'est assez étonnant comme la manière dont on apprécie les odeurs peut varier. Entre personnes, déjà: est-ce qu'on sent ou pas la même chose? Mais aussi, pour la même personne, entre un jour et un autre. Plus fort, il m'est arrivé de ne plus "sentir" la même chose une fois que je savais d'où venait l'odeur. Il y a enfin, très extraordinaire, la puissance d'évocation d'une odeur. Avant même de l'avoir reconnue, on est ramené, par le souvenir, à la situation, même très ancienne et très oubliée, à laquelle elle est liée. Comme si le passé vous sautait au visage. Je crois que, finalement, j'aime presque toutes les odeurs. Celle de la sauge sclarée, je ne l'ai pas repérée tout de suite. Elle n'a rien d'un "parfum" et surtout pas "floral". Elle est un peu acide, vivifiante et très originale. Un peu "animale" peut-être?

La sauge sclarée attire les abeilles charpentières, c'est écrit dans Wikipedia. Pas de panique, moi non plus je savais pas ce que c'était. J'avais bien repéré ces énormes volatiles (oui, c'est pour rire, c'est pas "vraiment" des oiseaux, mais ça vole, alors...), deux ou trois centimètres de long et plus d'un centimètre de large, d'une couleur très spéciale: un bleu métallisé tirant sur le noir. Chaque fois que je fais mon pti tour au jardin, j'en repère deux, parfois trois, en train de visiter une par une chaque fleur, méthodiquement. Petit détail rigolo, à force, elles ont le dos tout poudré de blanc. J'ai pas de souci à me faire, les fleurs seront bien fécondées, les graines bien fertiles, et mon seul souci sera de ne pas laisser les sauges sclarées prendre toute la place. Ou alors, faudra agrandir mon jardin. Pourquoi pas?

mercredi 22 juin 2011

Vilains petits fraudeurs!

Encore une petite perle, de celles qui me font rigoler grinçant. Merci à "Arrêt sur images" qui me fournit assez souvent de telles occasions. Là, c'est dans la rubrique "vite dit", en accès libre permanent. Daté du 22/06/2011 à 9h15. Vous aurez remarqué comme on nous bassine avec ces 20 milliards par an de beaux euros envolés ou plutôt enfouis dans les malhonnêtes poches des pauvres, salauds de pauvres! Hé bé, voilàtipa que finalement ces 20 milliards vont aux trois quarts, sinon aux quatre cinquièmes, dans les poches des riches excusez moi, des patrons excusez moi, je cherche un mot qui ne soit pas laidement entaché de populisme, et je trouve pas. Tant pis, lisez plutôt:

"Ces fraudes sociales, donc, seraient estimées à 20 milliards par an. Ce montant amalgame étrangement les fraudes aux cotisations sociales (cotisations salariales et patronales non versées en raison du travail au noir, entre 8 et 15,8 milliards), et les fraudes aux prestations, objet de la vigilance du Figaro Magazine (arrêts maladie, allocations familiales, RSA, entre 2 et 3 milliards). (...) Les mathématiciens super-chevronnés ne manqueront pas de noter que les fraudes patronales représentent un montant quatre à cinq fois supérieur à celui des fraudes imputées aux allocataires. C'est tout à fait exact. C'est sans doute la raison pour laquelle la plupart des mesures préconisées par le rapport, et citées par l'AFP, concernent la part minoritaire des fraudes aux prestations".

A la décharge de nos "journalistes" (héhé) de radio-télé-machins, on peut pas exiger d'eux, pas plus que d'un ministre de l'éducation, qu'ils sachent faire une règle de trois, d'ailleurs zont pas le temps, à peine s'ils ont le temps de relire sans réfléchir, de recracher tels quels et de nous seriner quinze fois par jour tous les poissons d'avril qu'on leur donne pour mission de fourguer au peuple.

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