Cette France là

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jeudi 20 décembre 2012

Plus ça change et plus c'est pareil

Je n'ai pas le courage, trop de tristesse, de rédiger moi même un texte, je reprends, à quelques mots près, un mail reçu ce matin. Plus ça change, et plus c'est pareil. C'est même pire pour ceux qui avaient, malgré tout, une vague espérance.

Ce matin lundi 17 décembre 2012, à 6h10, la police a encerclé le hangar, situé face à ***, non loin de la ***. (hangar occupé en majorité par des roms roumains venus se réfugier là après l'expulsion du camp de ***, juillet 2012). Des cars de police un peu partout, derrière, devant, sur les deux côtés du hangar et un rideau d’hommes qui arborent des protections multiples, aux jambes, aux bras, sur la tête. La police a pénétré à l'intérieur vers 7h et, sous une pluie fine et le froid, a fait sortir les habitants. Avec la centaine de policiers et de gendarmes, est également présente une dizaine de policiers municipaux.

Diantre ! aurions-nous affaire à de dangereux malfaiteurs, à des envahisseurs de énième génération ?

Et derrière tout ce petit monde circulent le directeur des services de la préfecture, des personnes du CCAS, de Roms-actions et même la *** (société de surveillance). Face à eux des militants, des sympathisants et quelques passants pour la plupart scandalisés. Dans le hangar, les adultes s'organisent, empaquettent, ficellent ; les enfants, nombreux et hauts comme 3 pommes, franchissent les jambes bien plastifiées de la police pour venir nous voir, parfois nous sourire et se réfugier dans nos bras, parfois juste nous regarder aussi, ne comprenant pas, pas plus que nous ; les plus grands ont le visage fermé et d'une grande tristesse.

Dans la cour du hangar un chapiteau est dressé et les familles, selon un scénario bien rôdé, passent devant les représentants des différentes institutions : papiers, contrôles.... Puis un passage s'ouvre et un couple arrive, puis une famille, une autre …. Certaines personnes nous ont confié des sacs, un vélo. A ce moment là, et seulement à ce moment là, nous avons pu échanger quelques mots ; ne sachant pas ce qui les attendait, ni où elles allaient être orientées, hébergées (où ?, comment ?, quelle structure ?) leurs visages sont remplis d'inquiétude. Des personnes du CCAS nous répètent que les enfants vont aller à l’école, des militantes s'en étonnent : comment partir à l’école ?

La pluie s’interrompt, recommence, les familles passent devant nous, on leur attrape la main, on échange des sourires, ils disparaissent dans des véhicules. Quelques scènes décalées arrêtent le regard : un père roumain, de notre côté, qui demande à son fils, de l'autre côté des policiers, d’aller chercher 2 pneus et il part plus loin avec ses roues ; un enfant, agrippé à une veste en fourrure, totalement silencieux, nous regarde, presque immobile dans l’agitation générale, on le photographie ; une petite fille passe entre les jambes sombres d'un policier et une personne commente : « elle est plus petite que les cuirasses » (de ces mêmes jambes).

On ne peut traverser la rangée bien alignée des policiers, des journalistes sont passés (3) et l’une d’entre eux a pris des photos, des enfants surtout, ce que l’un des membres de notre association a fait aussi mais lui s’est tout de suite reçu une volée de commentaires par l’un des flics qui voulait l'empêcher de prendre les photos, « c’est interdit », « pas du tout, on est encore en démocratie, j'ai le droit », « Je vais voir mon chef et on verra bien »… Il n’est jamais revenu,il tentait juste d’impressionner pour empêcher les traces de leur présence et de leur activité matinales de circuler. Les familles sont embarquées dans des mini-cars, avec un minimum d'affaires, et conduites au C.A.I. (centre d'Accueil Intercommunal) ; après un contrôle social (composition de la famille...) elles seront conduites vers un des 2 sites prévus et équipés d'Algeco et l'aire de stationnement aménagée et prévue pour les Gens du Voyage, derrière ***.

Un couple s'est vu notifier une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) de 30 jours, et une personne a été conduite au CRA (Centre de Rétention Administrative) de ***. [ Commentaire d’un des policiers quand la personne reçoit une OQTF : « Allez, bonnes vacances » !

Une fois le hangar vidé de ses occupants ce sont les employés de la voirie et les engins de travaux publics qui sont entrés en action ; drôle de ballet ; présence aussi des camions-plateaux qui emmènent les caravanes. Tristesse.

Il y aura eu 37 roumains (enfants, les 2/3, et adultes) et une dizaine de hongrois d'expulsés ce matin, sous un ciel blafard.

Que peuvent espérer ces familles qui disent : on voudrait travailler, on voudrait que nos enfants aillent à l'école, on voudrait une maison... Elles ont, en tous cas, tout à redouter de l'avenir dans ces hébergements, au milieu de nulle part, et que les responsables eux-mêmes qualifient de provisoires.

vendredi 26 octobre 2012

Zone à défendre

Il aura fallu huit jours pour que l'information parvienne à la surface de nos médias paresseux. Paresseux? voire... Il y a des nouvelles, et même parfois de fausses nouvelles, qui voyagent à la vitesse de la lumière. Celle-ci a fait son pti bout de chemin à pied, avec des chaussettes trempées dans de gros souliers boueux. Il s'agissait pourtant d'une guerre annoncée: dès le 15 octobre, Basta, que je consulte régulièrement et que j'aime bien, pouvait écrire:

Tout est donc prêt du côté des « forces de l’ordre » : l’assaut des zones squattées de la ZAD (zone à aménagement différé du projet d’aéroport, rebaptisée Zone à Défendre), pour la karchériser de tous ses pouilleux, aura lieu avant le 1er novembre 2012. Des centaines de gendarmes, CRS, sont prêts. Les mardi 16 et 25 novembre sont évoqués de manière insistante, peut-être le samedi 27, ça peut être un leurre pour épuiser les militants avant le véritable déclenchement dans la semaine. Cinq à huit lieux de vie sont concernés par chacune des opérations, pour disperser les forces.

C'est fait depuis une semaine. En fait, "ni fait ni à faire", comme on disait autrefois d'un boulot saboté. Car c'est malgré tout pas fini.

Les lieux ont été saccagés par une armée de plusieurs centaines de nos "gardiens de la paix" accompagnés de bulldozers et autres sympathiques engins foulant les taillis avec la délicatesse qu'on leur connaît (sauve qui peut les hérissons!). On n'en fait pas autant pour les "terroristes", qu'ils soient réels ou supposés. Le potager, défriché en janvier 2012, cultivé toute l'année a été intensivement gazé au point de rendre les légumes inconsommables. Certains "occupants sans titre" se sont réfugiés dans les arbres, dont la police a dû les déloger, sans toujours y parvenir. L'écrasement des cabanes a été suivi d'un ramassage minutieux des matériaux, héhé, on connaît l'acharnement de ces feignants, zétaient capables de reconstruire avec les débris. Les maisons ont été détruites au plus vite: on chuchote même que l'inspection du travail a dû intervenir pour cause d'amiante et de procédures obligatoires non respectées, ah mais c'est qu'il y avait urgence, d'ailleurs, l'amiante c'est pas dangereux dans l'immédiat, alors on s'en fout un peu, hein? Les maisons qu'on pouvait pas détruire de suite (certains recours n'ont pas été définitivement jugés) ont été murées. Une semaine intense, comme chacun voit: notre police et nos impôts sont bien utilisés, d'ailleurs la Confédération Paysanne, dès le 16 octobre, se demandait: "L'État n'a-t-il rien d'autre à faire?"

Ben non, hein, pas grand chose de plus important que de seconder activement Vinci, entreprise emblématique des "Grands Projets Inutiles". Par contre nos médias étaient très occupés: ailleurs. Je vous fais pas la liste des futilités dont nous avons été accablés toute cette semaine: ça me (ça vous) démoraliserait. Pourtant, la dernière en date, sur les amours d'Anne Sinclair, dont Arrêt sur Images a jugé bon de nous informer, avec distance journalistique, bien sûr, qu'est-ce que vous alliez imaginer, sous le titre "vous n'êtes pas obligés" (c'est vrai, j'aurais pu me dispenser) et dans la rubrique des "Vite dit", en accès libre. Zètes pas obligés, non plus, de cliquer sur le lien, hein!

Je vous parle spécialement d'Arrêt sur Images parce que j'y suis abonnée. Eh oui, personne n'est parfait. D'ailleurs, en choisissant bien, j'y trouve mon compte, et j'aime intervenir sur les forums. Cette semaine, je les ai harcelés. En rouge. À propos et hors de propos. Faut dire que pendant l'été, ils y avaient même envoyé un correspondant, à Notre Dame des Landes. Il devait être en vacances dans le coin. Mais en plus, dans la foulée, ils avaient fait une émission dessus. Alors, bêtement, je m'attendais qu'ils suivent l'affaire. Ben non. Dix jours, pas un mot, même pas dans la rubrique des "Vite dit" sous le titre "Vous n'êtes pas obligés". Faux espoir à l'instant, en allant chercher le lien que zètes pas obligés de suivre: la rubrique de "Matinaute" de 9h15, celle écrite par le chef en personne, Daniel Schneiderman soi-même, parlait de Jean Marc Ayrault. Paraît qu'il est aux côtés des habitants de Laguiole. Zont de la chance, les habitants de Laguiole, vont pouvoir (peut-être?) récupérer leur couteau confisqué par une grosse boi-boîte. Eh ben, vous savez quoi? Zen ont pas parlé au 20 heures. Zaiment mieux être méchants que gentils avec ce pauvre JMA. Ouais, mais alors, pourquoi rater l'occasion d'être méchants avec lui en parlant de Notre Dame des Landes?

Pourtant, on dirait que ça se réveille là dedans: je suppose que, le plus gros du boulot étant fait, on ne risque pas de nuire au bon fonctionnement de ceux qui nous protègent des malfaisants. On va donc parler à la télé de Notre Dame des Landes. Du coup, @si va regreter ses dix jours de silence. Ouvrez bien les yeux et les oreilles. Cerise sur le gâteau (ou déclencheur?) onze associations se mobilisent pour réchauffer le coeur des "pouilleux".

Et moi, je faisais quoi, toute cette semaine? De la militance (!) sur Google, en cherchant qui en parlerait (ou pas). On a les militances qu'on peut. Il ne vous a pas échappé que rien ne se passe sur ce blog depuis avril. Je cuvais cinq ans de ***. J'espérais pas grand chose de §§§, mais quand même. Puis il y a eu les Rroms, expulsés deux fois plus vite qu'avant. Le smig, saupoudré de quelques grains de poivre. Les cafouillages sur le nucléaire et les gaz de schistes. Les j'avance/je recule précipitamment, effrayé par quelque pigeons. Finalement, j'étais aussi accablée, l'amertume en plus, que sous le règne de ***. À quoi bon militer, même pour le jardinage bio? Mon objectif était pourtant modeste, mais c'était encore trop. J'avais dû fermer l'accès aux commentaires, parce que des robots imbéciles venaient régulièrement déposer des ordures non biodégradables sur mes plates-bandes pour m'inciter à spéculer, c'est bien le moment!

Je termine par un hommage spécial à Corse Matin. Qui s'est débrouillé, qui sait comment, à avoir un envoyé spécial sur la ZAD de Notre Dame des Landes, et c'était même pas les vacances.

Ah, et puis, si vous êtes dans le coin, ou si vous avez envie de voyager, ils prévoient, pour la semaine à venir et peut-être ce week end, une deuxième vague d'expulsions, les occupants sans titres de la Zone à Défendre, et ils vous invitent à "surfer". Petit détail: ils ont besoin, entre autres, de chaussettes sèches. Je peux vous le dire, ya rien de pire pour le moral que d'avoir les pieds mouillés.

samedi 21 avril 2012

L'art d'être grand mère

L'art d'être grand père faisait écrire Victor Hugo. L'art d'être grand mère ne me donne même pas le temps d'y penser. C'est ça, la différence entre un homme et une femme.

Je fais des plantations avec ma petite Gazelle, je lui fais vider régulièrement le pluviomètre, on regarde les araignées d'eau sur la mare et quelques bestioles bizarres qui pourraient bien être des larves de libellules. On fait un petit tour en draisienne, un grand tour à pied quand le ciel ne menace pas trop. Un peu de balançoire. Allumer la cheminée le soir. Vider le lave vaisselle le matin. Lire des barbapapa (je vous recommande, prémonitoire, "La maison des Barbapapa". Ou encore, des histoires améliorées d'un petit Chaperon Rouge farceur, qui désespère tellement le loup avec ses "pourquoi" que ce pauvre loup finit par se faire hara-kiri pour se débarrasser de son imprudent déjeuner.

Un enfant seul, tous les parents le savent, ça occupe plus que plusieurs, qui vont jouer ensemble et vous laisser prendre un peu de distance.

Je garde le temps de lire, pourtant, un peu. Le livre dont je vous ai parlé il y a maintenant presque un mois n'a pas beaucoup avancé: trop difficile de se concentrer. Par contre, voici un article de Florence Aubenas, pas très gai dans son contenu, mais plein d'espoir quant à une nouvelle manière de faire du journalisme.

Ils et elles sont nombreux, nombreuses, qui pourraient assurer la relève de ces insupportables éditocrates qui nous expliquent comme c'est impossible d'augmenter le Smic, et ne se demandent jamais comment c'est possible de vivre avec 1.000 euros par mois. Florence Aubenas, elle, se la pose et nous la pose. Pourquoi "Le Monde" nous fait-il tant de gros titres bidon, et ne nous colle pas ça en première page, sur trois colonnes, ou même sur cinq?

vendredi 10 février 2012

Le bon sens et l'évidence

Le bon sens et l'évidence nous disent que le soleil tourne autour de la terre. Je me lève le matin, il est sur ma gauche. Puis je le vois, à l'évidence, monter dans le ciel, redescendre, et enfin disparaître à ma droite. En réalité, le bon sens et l'évidence ne vont même pas jusque là, car ils pensent, ils voient bien, que la terre et plate. J'ai rayé "ils pensent", le bon sens et l'évidence évitent de penser.

Le bon sens et l'évidence sont allés jusqu'à foutre en taule ceux qui disaient que la terre était ronde (les idiots!) ou qui prétendaient que non seulement le soleil ne se levait ni ne se couchait mais qu'en plus c'était la terre qui lui tournait autour et qui tournait sur elle même. Autour du soleil en un an. Sur elle même en 24 heures. Si elle tournait sur elle même, la terre, ça se saurait. On le sentirait, non? On verrait les arbres défiler... euh le soleil bouger... bon, peu importe.

Le bon sens et l'évidence me disent que ma manière de vivre, de penser le monde, de concevoir les relations avec les autres vivants et l'ensemble de la nature sont les meilleures qui se puissent concevoir. Les inquisiteurs le pensaient. Les nazis le pensaient. Notre "admirable civilisation occidentale" (Tintin et Milou, Le Lotus Bleu, page 7) en est persuadée.

Le bon sens et l'évidence, si précieux quelquefois, nous font aussi penser, dire et faire de fameuses conneries. Surtout quand nous tentons d'imposer notre "point de vue" à autrui.

Quand un enfant grandit, vient un moment où il acquiert la capacité de s'extraire de sa vision auto centrée pour se projeter dans l'esprit de l'autre. Moi, je vois ça, se dit-il, mais l'autre, en face, ne voit pas la même chose. J'ai vu ça, mais lui n'était pas là, il ne l'a pas vu, ou inversement, il me raconte quelque chose que je n'ai pas vu moi-même, faut que j'y réfléchisse. Moi, je pense ça, mais elle, à côté, pense différemment. Vient le moment où il est capable de dire, "j'aime pas les épinards, mais mon frère, il adore ça", au lieu de dire "bêêêh, c'est pas bon les épinards".

Plus tard, au lieu de s'exclamer "Comment peut-on être Persan?", il deviendra capable de s'émerveiller en découvrant d'autres manières de voir le monde, de s'interroger sur ces différences. Il ira peut-être même (sacrilège, blasphème, hurlait la Sainte Inquisition) jusqu'à prendre des distances avec ses propres évidences.

Ma foi, nous avons placé à des postes dirigeants, nous avons confié nos vies et notre avenir à des gens qui n'ont pas encore atteint ce stade de... développement, et qui en sont fiers. De très vieilles ombres sont de retour, elles nous fixent sans trembler.

lundi 23 janvier 2012

Les enfants du placard

"Les conditions dans lesquelles les enfants ont été détenus, pendant quinze jours, dans un milieu d’adultes, confrontés à une forte présence policière, sans activités destinées à les occuper, ajoutées à la détresse des parents, étaient manifestement inadaptées à leur âge. Les deux enfants, une fillette de trois ans et un bébé, se trouvaient dans une situation de particulière vulnérabilité, accentuée par la situation d’enfermement. Ces conditions de vie ne pouvaient qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme."

Dites moi, je dois pleurer ou me réjouir? Pleurer à cause de tous ces enfants (combien sont-ils?) à avoir été arrachés à leur vie d'avant pour se retrouver ne serait-ce que quelques jours dans ces placards que nous appelons pudiquement centres de rétention? Me réjouir parce qu'il semble que la Cour Européenne des Droits de l'Homme se soit enfin aperçue de quelque chose, me réjouir parce que désormais il n'y aura plus d'enfants en centre de rétention?

Ou pleurer parce que ça a été possible cette honte, mais surtout parce que ça ne va rien changer aux pratiques de "cette France là" qui enferme certains enfants dedans, d'autres enfants dehors, et d'autres enfin dans des immeubles voués à l'incendie par leur vétusté.

Cette même "France" qui trouve qu'on attaque "LA FAMILLE" en parlant de toucher au quotient familial dans les déclarations de revenus.

lundi 17 octobre 2011

Octobre rouge, octobre noir

J'avais 17 ans et je ne me souviens de rien. À dix sept ans, on n'est plus une enfant, pourtant, même si à l'époque on faisait le maximum pour nous tenir à l'écart de tout ce qui compte, de tout ce qui vaut, de tout ce qui sera notre vie d'adulte. Ce qui est étrange... (ou pas?), c'est que je me souviens très bien par contre de Charonne, quatre mois plus tard, de l'émotion pour ces manifestants tués par la police, accidentellement disait-on alors, mais quand même... J'ai un souvenir aigu et ému de l'immense manifestation aux obsèques de ces victimes. Comment se fait-il qu'aucune trace ne me soit restée de cet octobre sanglant, de cet octobre des "noyés par balle".

Je ne vois qu'une explication à ce paradoxe: 9 cadavres blancs pèsent plus lourd que 200 cadavres de "Nord-Africains" comme on disait alors.

Comme les vérités sont longues à remonter à la surface. Qui les a lestées de plomb pour qu'elles restent enfouies, que tout un peuple continue à croire qu'il ne s'est rien passé le 17 octobre 1961, ou alors 3 morts et qui l'avaient bien cherché, zavaient qu'à rester chez eux et obéir au couvre feu. C'est seulement à la parution du livre de Jean Luc Einaudi que j'ai découvert l'existence de cette journée tragique. Claire Etcherelli y fait pourtant allusion dans son roman "Élise ou la vraie vie", puisque c'est à ce moment là que l'amoureux de l'héroïne disparaît après son arrestation sans qu'on sache jamais ce qui lui est arrivé. J'ai lu le bouquin et j'ai passé sur cette disparition sans tenter de comprendre, d'approfondir. Pourtant, dans la France fictive à laquelle je croyais alors, comment aurait-on pu disparaître ainsi?

Pour Charonne, il s'est dit à l'époque que les manifestants s'étaient d'eux même engouffrés dans cette bouche de métro, qu'ils s'étaient écrasés les uns les autres parce que les grilles étaient fermées. Accident, je vous dis, malheureuse circonstance, panique des foules. Et c'est le souvenir que j'en avais. C'est seulement il y a quelques années, en lisant le bouquin très minutieusement documenté de Alain Dewerpe, intitulé "Charonne, 8 février 1962", et sous-titré "Anthropologie historique d'un massacre d'État" que j'ai découvert que les grilles n'étaient PAS fermées, que par contre d'autres grilles, celles en fonte qui préservent les arbres du piétinement, avaient été arrachées puis jetées sur les manifestants qui essayaient de prendre le métro pour quitter les lieux.

Et parce que pour moi le passé ne vaut que pour éclairer le présent et nous aider à entrevoir l'avenir, je me demande, je vous demande: Quelles vérités laissons nous couler au fond de l'eau, enfouir dans la boue sans les interroger? Aujourd'hui, par exemple, plus besoin de balles pour "noyer" les malheureux. Eux même s'embarquent sur des rafiots pourris, paient très cher pour ça, puis se noient par milliers sans que ça émeuve beaucoup: zavaient qu'à pas... On le sait "vaguement", on n'approfondit guère, on écoute d'une oreille distraite et oublieuse ceux qui s'indignent (à quoi bon?) et d'une oreille perméable et spongieuse ceux qui nous sussurent à longueur d'antenne qu'on ne peut pas accueillir tout la misère du monde, que ces gens seraient mieux chez eux, qu'ils sont un danger pour nous et notre tranquillité. Que d'ailleurs on va aider (quand?) leurs pays à se développer (comment?).

"Ah, quels gredins que les honnêtes gens", s'écriait le peintre Claude Lantier à la fin de "Le ventre de Paris" de Zola. Sommes nous tous des honnêtes gens?

samedi 30 juillet 2011

Encore une perle

« Supprimer le défilé militaire du 14 juillet ? Avec tout le respect qu’on lui doit, il faut dire à Eva Joly que cette idée respire la naïveté inconséquente et que la candidate écologiste aurait mieux fait, ce jour-là, d’aller s’occuper de son jardin bio. » (Laurent Joffrin, directeur du Le Nouvel Observateur)

Voyez donc, les coïncidences! Il y a peu, en plus de cultiver mon jardin (bio), je vous faisais souvenir de l'ami Georges Brassens qui restait dans son lit douillet le jour du quatorze juillet, pour cause de peu d'affinité avec "la musique qui marche au pas", et j'imaginais que le moustachu tranquille aurait été solidaire de la norvégienne (française, certes, mais norvégienne, hein, pas oublier).

Et voilà que Laurent Joffrin prétend que c'est mieux de cultiver son jardin (bio) que de dire que la fête nationale n'est pas obligatoirement celle des tanks et des mitrailleuses sans compter les bombardiers.

Comme si on pouvait pas faire les deux, et même les trois: cultiver son jardin (bio), aimer Georges Brassens ET ne pas apprécier la pub pour les marchands de canon?

vendredi 15 juillet 2011

Quatorze juillet

Le jour du quatorze juillet, Je reste dans mon lit douillet. La musique qui marche au pas, Cela ne m'intéresse pas.

Je ne fais pourtant de tort à personne En n'écoutant pas le clairon qui sonne!

Mais les brav' gens n'aiment pas que...

Brassens solidaire de Eva Joly. Décidément, il nous manque, comme nous manquent Coluche, Pierre Desproges, et quelques autres.

mercredi 22 juin 2011

Vilains petits fraudeurs!

Encore une petite perle, de celles qui me font rigoler grinçant. Merci à "Arrêt sur images" qui me fournit assez souvent de telles occasions. Là, c'est dans la rubrique "vite dit", en accès libre permanent. Daté du 22/06/2011 à 9h15. Vous aurez remarqué comme on nous bassine avec ces 20 milliards par an de beaux euros envolés ou plutôt enfouis dans les malhonnêtes poches des pauvres, salauds de pauvres! Hé bé, voilàtipa que finalement ces 20 milliards vont aux trois quarts, sinon aux quatre cinquièmes, dans les poches des riches excusez moi, des patrons excusez moi, je cherche un mot qui ne soit pas laidement entaché de populisme, et je trouve pas. Tant pis, lisez plutôt:

"Ces fraudes sociales, donc, seraient estimées à 20 milliards par an. Ce montant amalgame étrangement les fraudes aux cotisations sociales (cotisations salariales et patronales non versées en raison du travail au noir, entre 8 et 15,8 milliards), et les fraudes aux prestations, objet de la vigilance du Figaro Magazine (arrêts maladie, allocations familiales, RSA, entre 2 et 3 milliards). (...) Les mathématiciens super-chevronnés ne manqueront pas de noter que les fraudes patronales représentent un montant quatre à cinq fois supérieur à celui des fraudes imputées aux allocataires. C'est tout à fait exact. C'est sans doute la raison pour laquelle la plupart des mesures préconisées par le rapport, et citées par l'AFP, concernent la part minoritaire des fraudes aux prestations".

A la décharge de nos "journalistes" (héhé) de radio-télé-machins, on peut pas exiger d'eux, pas plus que d'un ministre de l'éducation, qu'ils sachent faire une règle de trois, d'ailleurs zont pas le temps, à peine s'ils ont le temps de relire sans réfléchir, de recracher tels quels et de nous seriner quinze fois par jour tous les poissons d'avril qu'on leur donne pour mission de fourguer au peuple.

dimanche 29 mai 2011

Comme un cochon qu'on égorge

Deux expressions mystérieuses, parmi tant d'autres, ont accompagné mon enfance. On ne faisait pas de compliments aux enfants, c'était pas bon pour leur éducation. Il arrivait parfois, rarement, qu'une remarque particulièrement judicieuse "pour mon âge" attire l'attention d'un adulte. Une petite étincelle (admiration ironique) s'allumait alors dans ses yeux: "On f'ra kékchose de toi... si les ptits cochons te mangent pas". Moi, je savais pas trop si c'était du lard... ou du cochon, justement. Parce que la surprise admirative était instantanément effacée par la moquerie, et un zeste de menace. J'ai su plus tard qu'en effet, dans les anciennes fermes où cochons et enfants voisinaient en liberté et sans guère de surveillance, il arrivait qu'un tout petit ait de graves ennuis avec le cochon: c'est omnivore, un cochon. Mais dans la banlieue ouvrière où nous vivions, on ignorait tout des cochons. Ma grand mère en avait pourtant élevé un, et aussi une chèvre (pas ensemble, successivement) dans un petit appentis voisin de la maison, avec les poules et les lapins. Mais nous, jamais. Ma mère craignait les animaux, même les chiens et les chats, elle aimait pas trop. Alors un cochon....

L'autre expression, c'était quand, lors d'une dispute entre frangins et frangines, l'un de nous, vaincu et révolté, se mettait à hurler. "Comme un cochon qu'on égorge" disait ma mère. Ça non plus, je voyais pas bien ce que ça voulait dire. J'avais presque trente ans quand j'ai compris, vraiment compris. Un après midi d'automne, dans le village du Vercors où j'habitais alors, je suis alertée par des hurlements terrifiants, interminables. Impossible de faire autrement, je sors, je marche, je vais vers ce cri qui me guide, m'attire, m'épouvante et me fascine. Dans la cour de la ferme voisine, on est en train de tuer le cochon.

J'avais souvent vu mon grand père tuer les lapins. Mais là, rien à voir. Le lapin ne criait pas, ou alors, c'est que le pépé avait loupé son coup, il était pas content de lui, un lapin, ça se tue proprement. Mais un cochon, pas possible. D'abord, un cochon, c'est intelligent, ça comprend assez vite où on veut en venir. Et puis, c'est gros, c'est fort, un cochon. C'est violent. Celui-là, ils l'avaient attaché sur une échelle. Vaut mieux que l'échelle soit pas vermoulue. Quand je suis arrivée, il avait cessé de hurler. Une phase moins gore, plus technique commençait. C'est passionnant de voir dépecer un cochon. Pourtant, l'émotion a dû me brouiller la mémoire, je ne me rappelle pas grand chose: le ventre ouvert qui ressemblait à une planche d'anatomie humaine, les boyaux qu'on déplie et qu'on lave pour le boudin, le chaudron où l'on brasse le sang soigneusement recueilli, les quelques morceaux que l'on prélève pour les manger de suite, la fameuse fricassée qui fait du jour du cochon une fête. Tout le reste sera conservé. De la viande pour l'année, autrefois, dans ces montagnes paumées, de la viande qui coûtait pas cher. Le cochon recyclait tout, les patates trop petites pour qu'on les épluche, il serait rien resté, les épluchures, le petit lait, les croûtons trop durs, les restes de repas. Pour me prouver combien j'étais "chameau", ma mère racontait l'histoire des pâtes qui avaient fini dans "le seau du cochon": caprice pour ne pas les manger, puis tentative de les récupérer dans le seau, jamais contente!

Le cochon d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec ça. Souvent, il était seul, chaque famille avait le sien. On savait ce qu'il bouffait, à peu de chose près la même chose que ses maîtres. On l'aimait, ce cochon, compagnon d'une année, petit et rose, tellement mignon au début, puis grisonnant, massif et gras, éveillant alors une sympathie beaucoup moins désintéressée. Pour les paysans pauvres de nos montagnes, c'était l'assurance de manger un peu de viande tout au long de l'hiver. Bien grasse, la viande, car il en fallait du gras pour se réchauffer dans les maisons sombres et glacées, pour carburer aux durs travaux. Peu de viande, mais saine. Dans les vivres qu'on en tirait, jambon, saucisson, lard, boudin, on savait ce qu'il y avait. Je suppose bien qu'on lui donnait pas d'antibiotiques à ce cochon là. Pourtant, quand on raconte des histoires d'épidémies, de bêtes qui crèvent en nombre sans qu'on sache trop pourquoi, il est rarement question de cochon. Est-ce que les maladies épargnaient les cochons? Aujourd'hui les cochons sont élevés par milliers, dizaines de milliers, dans des usines, nourris de farines mystérieuses, gavés de médicaments préventifs, amputés de la fameuse queue en tire-bouchon des comptines pour éviter qu'ils se bouffent les uns les autres. Puis ils sont tués, silencieusement, à la chaîne, estourbis avant d'avoir pu comprendre (quoique?). Les charcuteries sont imprégnées de produits divers qui donnent aux jambons bas de gamme une consistance de caoutchouc. Le cochon pollue la terre, l'eau et la mer. La viande de cochon reste une des moins chères, le cochon continue à nourrir le peuple, mais à quel prix?

Comment, dans une culture qui a, pendant des siècles, tué rituellement le cochon, assumant sans angoisse ses hurlements désespérés et quasi humains, trouve-t-on aujourd'hui des plaisantins qui s'indignent de moutons qu'on égorge dans une baignoire et tentent de faire du cochon un quasi drapeau national? .

Un lien rigolo trouvé et rajouté le 30 mai, comme quoi mon histoire de cochons est en plein dans l'actu!

mercredi 13 avril 2011

La banalisation du nucléaire

Je suis en train de lire un vieux livre, La supplication, de Svetlana Alexievitch. Il commence par le témoignage de la femme d'un des tout premiers "liquidateurs" de Tchernobyl. Il continue par d'autres témoignages, ceux qu'on a obligés à partir, ceux qui ont tout fait pour rester (les vieux, crever pour crever autant crever chez soi, comme je les comprends), et d'autres, beaucoup d'autres. Je crois pas que j'arriverai au bout. Je crois que je vais me contenter de lire quelques sous-titres, le contenu est insoutenable, ce contraste entre l'horreur et la tristesse fataliste des témoignages.

Alors, chipoter sur la définition du millisievert pour savoir si oui ou non je peux manger les épinards que je viens d'acheter au marché, hein... On peut même plus utiliser le mot "indécence", il est contaminé par les pro-nucléaires.

samedi 26 mars 2011

N'être

J'ai reçu ça:

Amel est une jeune mère de famille, elle élève avec son mari deux charmantes petites filles. Lui travaille comme ouvrier, elle reste à la maison pour s'occuper du dernier né de trois mois. Leur séjour en France est totalement légal : ils disposent d'une carte de séjours de dix ans. A la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis, où ils habitent, tout cela est relativement habituel, du moins on pourrait le croire, car cette famille vit en fait un cauchemar : leur nourrisson est un « touriste de passage pour 3 mois ».

Amel est enceinte de sept mois quand elle doit partir en urgence en Algérie au chevet de sa mère gravement malade. Elle ne sait pas que ce voyage la conduira dans un monde kafkaïen. Elle accouche prématurément en Algérie à sept mois. Après cet épisode difficile à vivre, elle a hâte de rentrer auprès de sa famille. Hélas, la loi française ne le permet pas. Son enfant étant né à l'étranger, elle ne peut le ramener directement. Elle doit attendre un visa provisoire pour l'enfant, si elle veut revoir ses filles. Sinon, elle doit entamer une procédure de rapprochement familial. Amel s'effondre. Elle vit une dépression. Il faut absolument rentrer. Son mari et ses enfants lui manquent. Elle choisit le visa. Le retour à la maison ne résout pas le problème, loin s'en faut : une cascade de difficultés l'attend. La préfecture lui signifie qu'au terme du visa, elle doit retourner en Algérie et demander pour l'enfant le regroupement familial, ce qui peut prendre beaucoup de temps. En France, le bébé n'a aucun droit, même pas celui d'être rattaché à la Sécurité sociale de son papa, puisqu'il y est en séjour provisoire.

C'est cette situation qu'Amel me raconte un soir de janvier, quand elle m'amène le bébé qui a de la fièvre. Je le soigne et, bien forcé par la situation, je rédige l'ordonnance au nom de sa grande sœur en espérant que le pharmacien ne tiquera pas trop sur la posologie inadaptée.

Et je m'indigne ! Comment cela est-il possible ? Cet enfant a un papa qui travaille, qui cotise à la Sécurité sociale, qui a des droits. Je me renseigne auprès des personnes connaissant mieux que moi ces situations : eh bien, non, cet enfant n'a pas de droit, car il a eu le tort de naître où il ne fallait pas. Nous faisons le « forcing » à la CPAM du 93 pour procurer une couverture sociale à ce bébé car, si par malheur il devait être hospitalisé, le coût serait rédhibitoire. Il faut du temps et de la pugnacité, mais heureusement, nous y arrivons, car aujourd'hui, l'enfant est hospitalisé pour une infection des voies respiratoires. Mais cela ne change pas la situation du bébé qui va bientôt être clandestin, puisque tout le monde conseille à Amel, même les institutions sociales, de ne pas retourner en Algérie.

De toute façon l'état psychologique d'Amel ne le permet pas, état psychologique encore plus aggravé par la décision de la Caisse d'Allocation Familiale, qui demande le remboursement de la prime de naissance (eh oui, il y a là suspicion de fraude !) et qui, pour être certaine d'être remboursée, supprime le versement des autres prestations. Nous supposons que, comme d'habitude, quand il y a un problème déclaratif ou autre, la CAF suspend tout les allocations, fait son enquête, et prend sa décision. On remarquera qu'habituellement, en vertu des principes constitutionnels, il faut d'abord faire l'instruction avant de prononcer le jugement, mais pour la CAF, les principes constitutionnels sont accessoires ! Outre que la suppression arbitraire des prestations auxquelles elle a droit enfonce un peu plus cette famille dans la précarité, la violence institutionnelle qu’elle traduit projette Amel et les siens dans l’incompréhension et la détresse.

Comment en est-on arrivé là ? Dans quel monde vivons-nous, pour fabriquer des bébés clandestins ? Quelle faute Amel a-t-elle commise pour être autant punie ?

Je voudrais connaître celle ou celui qui au consulat de France a refusé de délivrer les papiers à cette jeune mère de famille. Il ou elle a appliqué la loi, me dira-t-on. Quelle loi ? Celle qui est écrite sur le fronton de son bâtiment : liberté, égalité, fraternité ou celle d'un Etat français redevenu ouvertement xénophobe. Je voudrais comprendre ce qui se passe dans la tête de tous ces acteurs de la préfecture qui, au nom de la France, perdent leur humanité. Les lois et les règlements ne cessent de brimer les étrangers. La France a-t-elle si peur qu’elle doive craindre la venue sur son territoire d'un nourrisson de trois mois ? Voit-elle en lui un possible perturbateur de l'ordre public ?

Comment peut on oublier à ce point les missions et les valeurs de la protection sociale, pour que la CAF se conduise de cette manière, est-ce le poison de la suspicion face à la fraude qui provoque ce comportement d'exclusion ?

Que puis-je dire à cette famille ? Que ce monde est devenu fou, de cette folie qui conduit à ne plus savoir faire la part des choses. Que la loi fixe les conditions de la vie en société, mais qu'elle n'est jamais à l'abri de devenir stupide et ignoble dans son application. Que la citoyenneté que les hommes et les femmes politiques prétendent défendre n'existe pas pour un bébé né de parents maghrébins.

La loi que nous allons appliquer pour cet enfant, c'est la loi de la cité, celle qui est faite de solidarité, de soutien, d'amour et de fraternité. Et nous allons nous mobiliser pour rendre à ce bébé ses droits, pour que son arrivée dans la vie ne soit pas à jamais marquée par la culpabilité d'être né où il ne fallait pas.

Docteur Didier Ménard Médecin généraliste à la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis

Ce texte, vous pouvez le retrouver sur le site du syndicat de la médecine générale qui soutient l'initiative du docteur Ménard par un communiqué de presse. Exceptionnellement, au lieu de donner simplement le lien, j'ai souhaité le recopier in extenso. Si, grâce à ce soutien, Amel et sa famille obtiennent de retrouver la paix, n'oublions pas tous les autres, qui n'ont pas la chance de rencontrer un être humain déterminé à les aider, et qui s'enfoncent jour après jour dans le désespoir.

Quand on lui arrachait une régularisation, notre préfet disait cyniquement qu'il en expulserait un autre, inconnu de nous....

Cette planète... tu l'aimes ou tu la quittes?

vendredi 25 mars 2011

Préférence nationale... pour l'atome

Pas bien mon habitude, d'aller rôder sur le site du Front National. Je l'ai pourtant découvert récemment, et je dois dire qu'il est pas mal. Simple et de bon goût, étonnant, non? Allons, brisons les tabous, cliquons sur "Programme". Apparaît un fort joli damier de photos, suffit de cliquer une deuxième fois, tiens, sur "énergie". C'est de saison, non, au moment où le Japon perd complètement le contrôle de ce qui se passe dans les enceintes à trous de ses monstres nucléaires, et plus particulièrement du réacteur alimenté en MOX, ce carburant futuriste fourni par AREVA et dont l'extrême instabilité, en cas de catastrophe, redouble la dangerosité.

Poursuivre l’effort sur l’énergie nucléaire : les filières de 3e et 4e générations seront programmées, la construction du surgénérateur sera relancée et les études sur le Thorium 232 reprises. Parallèlement toutes les recherches permettant de transformer les produits de fission (déchets haute-activité issus des anciennes et actuelles filières) en produits de période courte seront accélérées. Le projet ITER sur la thermofusion nucléaire contrôlée sera bien sûr largement encouragé et soutenu.

Bah, au moment où tous nos politiques font des contorsions pour dire que oui, mais non, on peut pas s'en passer, mais on va tout passer au peigne fin, ayez confiance, ayeeeez confiaaaance, on peut pas leur reprocher la langue de bois, hein?

Mourir, pour la Patri-i-e (bis), c'est le so-ort le plus beau, le plus di-igne d'envi-e (bis)

lundi 14 février 2011

Salauds de pauvres!

1980. Nous habitons un petit village d'environ 300 habitants. Notre maison est tout en haut d'un chemin pierreux. Pour y parvenir, nous passons entre deux bâtiments de ferme. Une quasi ruine. Plus de bêtes depuis longtemps, les portes des étables grandes ouvertes sur un fatras de vieux instruments agricoles. La maison en face n'est guère plus réjouissante. Les tôles du toit menacent, au premier coup de vent, de se transformer en rustiques guillotines. Les vitres sont opaques de crasse. D'ailleurs, la moitié d'entre elles sont remplacées par de vieux cartons. Contre la maison, un énorme tas de bouteilles vides. Au début, nous pensons inhabitée cette maison de cauchemar. Mais la boîte aux lettres décatie laisse parfois dépasser du courrier. A la campagne, c'est pas comme en ville où le facteur et les publicitaires peuvent parfois bourrer jusqu'à la gueule la boîte d'un appartement vide. Ici, si le facteur met du courrier, c'est qu'il SAIT qu'il y a quelqu'un. Et il y a quelqu'un en effet.

Un jour que nous passons à pied, un vieux paysan nous invite à entrer. Souci de ne pas blesser un voisin... plus un peu de curiosité, reconnaissons le, nous acceptons. Le dedans est pire que le dehors. Un canapé défoncé couvert de vieilles hardes, une table encombrée de je ne sais trop quoi, des chaises qui menacent de s'effondrer. Nous restons prudemment debout. Sous l'épaisse couche noire qui les couvre, nous finissons par repérer un frigo et une gazinière. Au milieu de la pièce, deux cuvettes... pour les jours de pluie, quand le toit laisse couler ses gouttières à travers le plancher du premier. Les verres qu'on pose devant nous sont comme les vitres: opaques. Une petite gniôle? Maintenant que nous sommes là, comment refuser sans offense? va pour la gniôle, ça désinfecte. Nous apprendrons à connaître nos hôtes (tout le village se fera une joie de nous en dire plus que nous ne voudrions), mais plus d'invitation, hé? merci!

Ce sont deux frères. Derniers rameaux d'une riche famille. "Les plus belles terres d'ici" nous répète avec consternation la dame qui garde nos enfants. Ils ont tout vendu, parcelle par parcelle, et même la maison que nous habitons est construite sur un de leurs anciens terrains. Bradé un jour de soûlerie (tope là, voisin!) comme le prix dérisoire qui figure sur les papiers du notaire le laisse supposer. Le plus jeune porte encore beau, les jours où il se soigne un peu pour descendre en ville. Faut pas le chatouiller, il peut être violent, enfin, de la gueule plutôt, mais il fait peur. Le plus âgé rigole tout le temps, ses dents noires et tordues font peine à voir, il est gentil, un peu collant. Il doit parfois rêver de femmes car un soir il s'incruste chez moi et me serre d'un peu près: "Il est pas là, le patron?". Justement, le "patron" est de garde et ne rentrera pas ce soir, mais il me suffira de hausser un peu le ton pour que le pauvre diable, maté, renonce à ses maigres espérances.

Or depuis peu, le village est en ébullition: la nouvelle municipalité a un projet qui fait jaser dans les chaumières: la construction de logements sociaux! à Trifouillis-les-épines, non mais je rêve? En fait, les jeunes du pays ne trouvent plus à se loger, les vieux aimeraient bien garder près d'eux leurs enfants, finalement le projet ne déplaît pas, sauf pour quelques attardés qui fantasment des barres du genre MInguettes ou La Duchère. Nos charmants voisins sont de ceux là. Un soir, le vieil édenté me fait longuement la conversation. Il s'est placé en travers du chemin, je me laisse poliment accaparer, je souffre en silence. Car il me tient "sous le vent" comme on dit. Et la brise du soir me fait profiter à pleines narines de son odeur puissante, mélange de fumée, d'alcool et de "je ne sais quoi" d'innommable. Il déblatère sur les futures hachélèmes, qu'il imagine déjà énormes et "pleines de bougnoules" dit-il. Avec un grand rire de sa bouche édentée qui achève de m'asphyxier, il lance le mot de la fin: "parce que les bougnoules, hein, ça pue".

Trente ans plus tard, les arguments ont changé. Moins bruts de décoffrage. plus "civilisés", en tous cas dans le mode d'expression. Car pour ce qui est du fond, ça ne varie guère. La petite ville voisine a vertueusement décidé de respecter le quota de 20% de logements sociaux que lui impose la loi, ce qui est bien la moindre des choses, des élus qui décideraient de ne pas respecter la loi, impensable n'est-ce pas? Compte tenu de la situation actuelle, moins pire qu'ailleurs je pense mais pourtant préoccupante, ils vont même demander aux nouvelles constructions prévues de dépasser ce fameux quota. Oulala, mais c'est pas horrible, ça?

Extrait de la prose locale:

"25 ou 30% de logements sociaux à *** va faire de notre ville une ville pauvre, une pauvre ville, et c'est une erreur car faute de pouvoir d'achat notre commerce......au mieux s'adaptera par le bas, au pire disparaîtra !"

Salauds de pauvres, qui tuent le petit commerce en refusant de dépenser l'argent qu'ils n'ont pas!

mardi 18 janvier 2011

Une poule qu'a trouvé un couteau

Euterpe, qui vient parfois commenter sur mon blog (et je visite le sien, je suis effarée du nombre de femmes célèbres inconnues ou méconnues qu'elle fait sortir de l'ombre), me demande de sacrifier à un rite bloguien, le tag. Mouais... C'est difficile, presque impossible pour moi d'écrire sur commande: "çà" vient, ou ça vient pas. Si ça vient, les phrases s'enchaînent toutes seules dans ma tête, et au bout d'un moment, quand je sens que je tiens un bon début, solide et bien planté sur ses quatre pattes, je m'assieds à l'ordi et j'écris. Je corrige très peu, sauf pour finasser, déplacer un morceau de phrase, enlever une répétition, supprimer ce qui me semble trop ceci-cela, emphatique, redondant (j'aime bien ça, mais je me soigne), espacer des paragraphes, et, bien sûr, faire la chasse aux fautes de frappe, d'orthographe, de ponctuation.

Donc, écrire sur commande, pas capable. Je le déplore d'ailleurs, n'allez pas croire que je m'en vante (quoique...).

En plus, le sujet... zavez vu le sujet? Si "la gauche" (???) peut "gagner" (!!!) en 2012. Je le tourne et le retourne, le sujet, je le picore, ça résiste, manifestement ça se mange pas, j'essaie de l'attraper du bec, c'est lourd, ça glisse, ya pas de prise. Une poule qu'a trouvé un couteau. Et tout ça serait parti de Cohn Bendit qui aurait dit... ma foi, je sais plus, et devinez? je m'en fous un peu. Après, yen a qui parlent de DSK. DSK, je m'en fous pas, vous l'avez tous vu et entendu serrer la Tunisie de Ben Ali sur son coeur, et prétendre qu'elle était tellement bien dirigée économiquement qu'elle avait rien à craindre de longtemps. DSK, ce qu'il aime, c'est les pays riches dont la population est pauvre. Et, c'est bien connu, pas de meilleur moyen pour devenir un pays riche que d'appauvrir le peuple. Celui des autres pays de préférence, mais baste, si on a pas la chance d'avoir un autre pays, plusieurs autres pays sous la main botte, alors faut bien se contenter du sien. Ça a des inconvénients, ça oblige à prendre l'avion et à s'expatrier, mais heureusement très rarement, et on peut retrouver à l'étranger un train de vie équivalent, quelques lingots en poche, sans tous les soucis que draine avec lui le pouvoir, bonne affaire. Par ailleurs, DSK, j'ai un compte personnel à régler avec lui.

Pourquoi yen a qui parlent de DSK quand ils se demandent si "la gauche" peut gagner? Je me ballade un peu sur les blogs concernés, et je vois que d'autres parlent de Ségolène Royal, et même de Delanoë. La question serait donc non pas si "la gauche" peut gagner mais si le parti socialiste peut gagner. Et s'il peut gagner... les élections. Ah, mais, ça change tout ça! il s'agit d'élections! Les élections... ben je m'en fous aussi. Je continue assidûment à voter, comme je baisse la voix quand j'entre dans une église, pour pas trop contrarier mes voisins. Vous voulez que je vous dise? C'est truqué les élections. Tout ce qu'ils nous demandent de choisir, c'est la sauce à laquelle on sera bouffés, pour eux on est que des oies. Tiens, un exemple: pourquoi, dans une élection législative, ya des triangulaires alors qu'il yen a pas dans les présidentielles? S'il y avait eu des triangulaires en 2002, Jospin aurait peut-être bien été élu, non? Et je parie que ceux qui ne suivaient pas bien (yen a, et pas mal) avaient pas vraiment compris, vu que les journalistes leur parlaient tout le temps du "troisième homme", qu'il y en aurait que deux au final. Même sur le podium aux Jeux Olympiques, ya trois places.

Mais oui, je fais un peu l'idiote. Je vais essayer d'être sérieuse sur un sujet qui ne l'est pas. La gauche, c'est quoi? J'ose plus utiliser ce mot, tellement il a été traîné dans toutes les boues, faut vraiment le prendre entre le pouce et l'index, le faire tremper, le frotter à la brosse chiendent, et c'est pas sûr qu'on réussira à le "ravoir", comme disaient autrefois les bonnes ménagères d'une tache qu'elles craignaient indélébile. Donc, si je réussis à peu près à comprendre ce que les autres entendent par "gauche" en creusant un peu le contexte, c'est un mot que je n'utilise plus personnellement.

Et gagner? Gagner... en 2012! Mais gagner QUOI? On en parle comme de gagner un match, ou de gagner au loto. Un jour, comme ça, on se lève le matin et c'est pas gagné. Et le soir, on boit du champagne et on a gagné. Ou on a perdu et on pleure dans son verre. Et on attend 2017. On f'ra mieux la prochaine fois, on va changer d'entraîneur (l'était pourri, le Raymond), on va mettre les joueurs au piquet (mangeaient hallal, ces salauds là, comment veux tu gagner un match en bouffant hallal?), on va croiser les doigts en achetant ses billets de loto.

Vous savez quoi? j'ai pas envie d'attendre 2017, ni même 2012. J'ai envie de vivre, là, maintenant, tout de suite. J'ai envie de commencer à le construire, le monde dans lequel je voudrais vivre. C'est pour ça que je cultive mon jardin. Si j'en crois Pierre Rabhi, "Cultiver son jardin est un acte politique". Je cultive le mien, au sens propre, mais aussi au sens figuré. Je me cultive moi-même, en essayant de comprendre quelque chose à ce foutu monde, en essayant de réfléchir à comment le changer. Je cultive l'amour et l'amitié, j'échange des idées, des réflexions, dans le monde réel comme dans le virtuel, pas si virtuel que ça d'ailleurs. J'ai une petite idée de comment il serait, ce monde là. Egalitaire et généreux. Entre NOS mains. Vous aussi? C'est un bon début. On en reparlera dans un autre billet (peut-être).

Par contre, j'ai, pour l'instant, aucune idée de "comment" y arriver. Mais, je vous le dis, on y arrivera certainement pas en se creusant la tête pour aider nos politicaillons à mieux parler au peuple pour lui faire avaler des couleuvres. En 2012.

vendredi 14 janvier 2011

France, terre d'asile....

... des dictateurs? Eh ben non, finalement.

jeudi 21 octobre 2010

La chienlit, c'est lui!

En 1968, De Gaulle avait parlé de "chienlit". Ça veut dire chiendent, une herbe particulièrement envahissante et tenace, qui pousse ses rhizomes sous la terre et ressurgit à l'endroit où on ne s'y attend pas, belle image. Nous, on connaissait pas ce mot, j'étais pas jardinière à l'époque, on pensait que ça voulait plutôt dire qu'on était de la merde à ses yeux. D'ailleurs, c'était peut-être bien ce qu'il voulait dire, son erreur et la nôtre se donnant la main. Une belle affiche sérigraphiée était sortie de l'atelier d'artistes qui nous a laissé de nombreuses oeuvres, futées, drôles, impertinentes, et d'un graphisme reconnaissable entre mille.

En cherchant des reproductions de cette affiche, je m'aperçois que d'autres ont eu une idée voisine de la mienne. Le pastiche de cette affiche mythique avec, en bas à droite, une silhouette cornue et connue. Ça me fait rire, mais c'est pas exactement ce que j'avais en tête.

J'en ai marre de ce mot de "casseurs" qu'on nous sert à toutes les sauces avec des mines horrifiées. Ces jours-ci "on" a cassé, beaucoup, du jeune, du manifestant, on a cassé des êtres humains dont certains gravement. Ce "ON" là , il était casqué, abrité derrière un bouclier transparent, avec à la main une matraque, un flash ball, un lance grenade. Il n'était pas cagoulé (quoique...).

Donc, voilà ce que je voulais dire, que j'ai déjà dit, mais il faut le répéter:

Les casseurs, c'est eux!

vendredi 15 octobre 2010

Les casseurs sont de retour

Première manif en mai 68. Manif étudiante, les ouvriers sont venus plus tard. On est nombreux à être encore "mineurs", la majorité est à 21 ans. Mes souvenirs sont flous, sauf pour une scène bien précise.

Je suis dans les quatre ou cinq premiers rangs. Par militantisme? Par curiosité? Par hasard? Un rang de fantômes noirs masqués genre Dark Vador nous barre la rue qui va vers la préfecture. Une rue très large. Les premiers rangs ne sont pas chauds pour avancer davantage, ils laissent un espace de sécurité, quelques mètres, mais qui se rétrécit peu à peu: derrière, ça pousse, et pour cause: ils ne les voient pas, eux, les robots impassibles qui nous font face. Impassibles? Robots? pas tant que ça, car j'en repère un, souvenir ahuri, peut-être reconstruction postérieure ou "plan de coupe" pris ailleurs, qui caresse amoureusement son bidule, je veux dire son "bâton de défense" (vous saviez pas ça, les ptis malins qui rifougnent au fond de la classe?).

Derrière, ça continue à pousser, nous on résiste comme on peut. Les bas côtés toujours un peu clairsemés se sont remplis et ça pousse encore. Puis, brutalement, je jure qu'il ne s'est RIEN passé, ou alors peut être que le premier rang a fini par "toucher" les intouchables, c'est le déferlement: des coups de matraque qui pleuvent, des explosions, la panique, des jeunes qui courent partout dans la fumée. Un militant qui gueule: "dispersez-vous dans le parking, ils respectent les voitures!"

Moi, je crois bien que je suis restée là, clouée sur place par mon incrédulité, j'ai encore eu le temps de voir une dame sortir d'un immeuble, affolée, "qu'est ce qui se passe, qu'est-ce qui se passe?", et un flic, au passage, distraitement presque, pan sur la tête à la mémé, comme ça tu poseras pas des questions idiotes, non mais! puis j'ai dû refluer, comme la presque totalité de mes copains, vers le parking protecteur. Ce coup de matraque gratuit, sur la tête d'une femme qu'on ne pouvait en aucun cas prendre pour une manifestante, j'ai jamais oublié.

C'est pour ça que je rigole (tristement parfois), quarante ans après, quand j'entends nos majestés des mouches nous jurer que notre admirable et exemplaire police n'a fait que riposter à des casseurs, que c'est eux qui ont commencé.

Il faisait quoi, le jeune qui a eu le visage "légèrement" fracassé par un tir de flash ball?

mercredi 13 octobre 2010

De la grammaire et des pommes

Suffit d'un isme pour transformer un beau verbe en nom commun dégueu. Si je vous dis protéger, vous anticipez positif, sous réserve bien sûr du "complément d'objet direct", c'est comme ça qu'on disait de mon temps. Ou plutôt du temps que j'étais à l'école, car ce temps d'aujourd'hui est aussi mon temps. Donc, c'est un réflexe acquis quand j'étais en cours moyen et que je faisais de l'analyse grammaticale, quand on me dit "protéger", je questionne "protéger quoi, protéger qui?". Et selon la réponse, je suis d'accord, ou pas.

Mais si je vous dis "protectionnisme", aussitôt vous pensez beurk. Ben, pourquoi? mais parce qu'on vous l'a dit, et répété mille fois, seriné, martelé. Suffit de répéter indéfiniment un mensonge pour qu'il devienne vrai, une connerie pour qu'elle devienne une évidence. Personne ne se pose de question, parce que protectionnisme est un nom, donc pas besoin de "complément d'objet direct". Ajouter isme à un verbe pour en faire un nom commun rend les gens bêtes et dociles.

Depuis quelques temps, le mot revient pourtant, sur la pointe des pieds d'abord, puis en sonnant de ses gros sabots de plus en plus hardiment.

J'ai acheté une cocotte en fonte décorée du drapeau tricolore, faut le faire. Hé, je dis pas que je l'ai achetée pour ça, j'ai pris ce qu'il y avait en rayon, la liberté de commerce, c'est de vendre ce qu'on veut, pas d'acheter ce qu'on veut, on a tellement le choix que souvent on l'a pas. Essayez seulement d'acheter en grande surface (où, sinon?) une poêle à frire qui ne soit pas T*f*l ou autre mixture anti adhésive? Mais je digresse, je vous parlerai de ça une autre fois. Donc me voilà avec mon drapeau tricolore, je me suis demandé si je devais pas le faire encadrer pour décorer ma cuisine. C'est vrai que faire venir une cocotte en fonte de l'autre bout du monde, vu le poids que ça pèse, c'est une drôle d'idée. D'un autre côté, c'est pas une denrée périssable, ça peut venir, ça vient sûrement, par bateau, ça atténue un peu la connerie.

Ma cousine me racontait que, travaillant dans une usine de lingerie, le travail des ouvrières consistait désormais à rajouter la petite rose brodée entre les seins en même temps que l'étiquette "made in France". Ça va plus vite et ça demande moins de professionnalisme que de fabriquer le soutien gorge en entier, parce que, bien sûr, ils arrivaient à l'usine frrrrançaise par pleines caisses depuis la Tunisie. Mais pourquoi "made in France"? Parce que ça chatouille la petite fibre nationaliste héréditaire (génétique?) qui fredonne au creux de nos petits cerveaux "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, et malgré tout nous resterons français, vous avez pu germaniser la plaine, mais notre coeur vous ne l'aurez.... jamais point d'exclamation".

Voilà qu'à propos des retraites, on nous ramène le protectionnisme honni, quel rapport? Ben, si les jeunes trouvent du boulot, ils pourront financer les retraites, on n'aura plus besoin, nous les vieux, de leur piquer leur boulot avec lequel ils auraient pu financer nos retraites, tandis que là on va devoir continuer à leur piquer leur boulot, et comme ils pourront pas financer nos retraites on devra travailler encore plus tard et bientôt dans ce pays yapuk les vieux qui travailleront. Mais là, non seulement je digresse mais je m'énerve, pas bon pour mon coeur, si je veux pouvoir retravailler quand ma retraite sera devenue trop misérable faut que je me ménage.

Donc, pour que les jeunes trouvent du boulot et que les demi-vieux gardent le leur, faut tout rapatrier chez nous, les usines de ci et de ça, de lingerie et de bagnoles, d'électronique et d'informatique, tout je vous dis. On aura du mal pour le café, mais après tout, l'orge torréfié, on en buvait pendant la dernière guerre, c'est pas mauvais, ya déjà des écolos qui s'y sont mis, comme pour les topinambours. Comment on va convaincre les patrons, déjà qu'on arrive pas à les empêcher de camoufler leur fric dans des tirelires paradisiaques, on nous dit pas. Quand j'étais petite (qu'est ce qu'on a pu me raconter comme conneries, mais ça consolide le sens critique, racontez plus de fadaises à vos gosses, toujours la vérité ça les rend trop confiants dans ce monde de filous) on me disait que c'était facile d'attraper un oiseau, suffisait de lui mettre un grain de sel sur la queue.

Restons Français, donc.

Sont heureux et fiers, les travailleurs de l'amiante frrrançaise, du nucléaire frrrançais (les intérimaires qui ont le choix de se faire irradier en fraude ou de perdre leur boulot), les salariés de Frrrance Télécom qui eux iront pas à 80 ans parce qu'ils ont sauté du pont, et tous les autres, les vivants et les morts comme dit Mordillat. Tiens, je propose de voter une loi pour que ceux qui sont morts au travail ou morts du travail soient enterrés avec le drrrrapeau tricolore sur leur cercueil au son de la Marrrrseillaise. Yaura beaucoup d'employés du bâtiment, zont pas le choix, sont bien obligés de travailler en France. Ah oui mais... sont français, ceux-là? Zont leurs papiers?

Té, voilà où ça mène, le nationalisme, on commence par vouloir brimer les patrons, puis faute de réussir le coup du grain de sel, on rafle les étrangers, sont plus faciles à attraper, à boucler et à expédier, et en plus ça donne du boulot aux Frrançais d'Air Frrrance. Comme le pti voyou de quartier qui pique son sac à la vieille dame paske c'est moins dur que de braquer une banque. Moins dangereux aussi, En même temps, ça rapporte moins. C'est peut-être pour ça que "protectionnisme" est devenu un vilain mot et "made in France" une filouterie.

Ceci dit, si je n'ai aucune sympathie pour un protectionnisme nationaliste, je suis pour acheter local, produire local, vivre local. A quoi ça rime de bouffer des pommes venant d'Australie ou de Chine, quand la voisine vient de m'en donner un plein cageot ramassées au pied d'arbres qu'on n'entretient plus parce que ça vaut rien. Même les professionnels laissent des fruits sur les arbres en fin de saison parce que la vente ne paie même pas le ramassage.

Bon, si j'allais m'occuper de mes pommes, moi?

dimanche 10 octobre 2010

Jamais trop tôt pour mal faire

"L’idée de Douillet serait de créer des maternités extraterritoriales en Guyane et à Mayotte… Pour qu’un enfant de clandestins ne soit pas automatiquement français à sa naissance. «Votre hôpital extraterritorial, l’a recadré Christine Taubira, députée de la Guyane, ce serait en fait un centre de rétention administrative à l’hôpital… Merci pour l’innovation!»

Ils ont commencé par y mettre des hommes et des femmes qui n'avaient rien fait. Puis des enfants de plus en plus jeunes, des bébés. Mais jamais trop tôt pour mal faire. L'idée, la bonne, c'est de transformer les maternités en centres de rétention détention. Ou les centres de rdétention en maternité?

Machiavel expliquait qu'il était naïf, quand on massacrait ses ennemis, de laisser en vie les jeunes enfants. Ils grandissent et n'ont qu'une idée, venger leurs parents.

Machiavel ne rigolait pas. Swift, lui, expliquait comment rentabiliser les enfants de pauvres, au bénéfice de tous: on leur épargne une vie de misère, ils cessent d'être une charge pour leurs parents, ils ne déglinguent plus la société, et ils alimentent (waouh!) l'économie.

« En supposant que mille familles de cette ville deviennent des acheteurs réguliers de viande de nourrisson, sans parler de ceux qui pourraient en consommer à lʼoccasion dʼagapes familiales, mariages et baptêmes en particulier, jʼai calculé que Dublin offrirait un débouché annuel dʼenviron vingt mille pièces »

A l'heure où on se fait du souci pour la croissance qui nous fait la nique 'tu m'attraperas pas, eu", voilà une idée à creuser. Je trouve finalement David Douillet petit joueur.

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