Petites bêtes

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vendredi 16 mars 2012

Mar(r)e des crapauds

Depuis 15 jours, je me promène dans mon jardin avec une lampe de poche à la nuit tombée, et j'inspecte soigneusement la mare le lendemain matin. Pas un crapaud, pas une ponte, rien, désespérément rien. Il faut laisser faire la nature, je me dis, pas s'affoler ils vont bien finir par la découvrir, la mare que nous avons creusée et aménagée en famille, rien que pour eux. Bon, c'est vrai, pas rien que pour eux, pour les libellules aussi, pour le lotus, pour le plaisir. Mais quand même...

C'est d'autant plus rageant que la petite route qui conduit chez nous en est pleine, de crapauds, la nuit. Et le matin... on y compte les cadavres.

Pourtant, je relis le Gilles Leblais "J'aménage ma mare naturelle" et plus particulièrement le chapitre intitulé "Peut-on introduire des animaux aquatiques", et il me confirme que c'est carrément déconseillé. Et d'ailleurs interdit. Diable.

Pourtant, hier soir, on a craqué. Après avoir lentement zigzagué en voiture entre les crapauds amoureux figés dans leur pose d'attente, leur museau triangulaire pointé vers la lune, après avoir évité de justesse cet étrange couple, un crapaud qui a trouvé sa crapaude et l'a escaladée pour s'y encastrer douillettement et se faire porter jusqu'à l'étang, nous revenons avec un seau, des gants, une lampe de poche. Et ploc, ploc, ploc, nos captures s'entassent. Croâ croâ, on ne sait pas si c'est d'étonnement, de réprobation, ou bien s'ils se saluent simplement, vouzici, quelle surprise, j'imagine que nous allions au même endroit, et que va-ton faire de nous?

Sur cinquante mètres, quinze bestioles. Et on est sûrs d'avoir au moins une femelle, puisqu'on a capturé un couple. Et nous voilà déversant notre cheptel sur le bord de la mare. Ils partent dans la même direction, ça grouille un peu, ils s'escaladent les uns les autres, puis certains plongent. Deux ou trois sont partis en sens inverse pourtant, vers les broussailles, et semblent y tenir puisque, remis sur le "droit" chemin, ils font demi tour, ma foi, chacun sa route, chacun son chemin.

Je relis mon bouquin-conseil et je me déculpabilise un peu. Mon jardin est un vrai paradis pour crapauds, des tas de bois qui pourrissent dans les coins, le compost où je sais qu'ils aiment se nicher, les tas d'herbes en décomposition que je laisse traîner ça et là... et puis la prairie toute proche, les broussailles en bordure, les touffes de hautes plantes vivaces... les limaces, les limaces surtout. Et, last but not least, l'an prochain, pas besoin de traverser sous les roues des bagnoles pour leurs ébats amoureux.

Voyez, c'était pour votre bien, vous me remercierez plus tard.

vendredi 16 septembre 2011

Crapaud mon bel ami

Deux billets le même jour? Eh oui.

Je remonte à l'instant du jardin, toute émue: je viens de voir un crapaud nager dans la mare. Il était là, tout près de moi, sa tête affleurant l'eau. Je crois qu'il s'apprêtait à sortir. Mais il m'a vue, il a fait demi tour et a disparu dans l'eau trouble. Je suis restée longtemps à le guetter, inutilement.

Bon, un crapaud dans une mare, me direz-vous, c'est plutôt banal, pas de quoi en faire un plat. Mais vous comprenez pas? C'est le premier crapaud dans une mare qui n'a que quelques semaines. Elle est même pas finie! J'en suis encore à aménager les abords. Je couvre, jour après jour, selon mes envies et mon courage, le plastique noir du liner sous des touffes d'herbe prélevées ça et là avec leurs racines, en espérant qu'elles voudront bien se stabiliser et s'installer. Parmi les herbes choisies, il y a la menthe sauvage, elle apprécie l'eau et se contente d'une couche de terre peu épaisse. J'ai repéré aussi, il y en a pas mal dans les coins herbeux de mon jardin, une petite rampante nommée lysimaque nummulaire. Ses tiges discrètes se glissent entre les herbes, elle ne se fait remarquer, si peu, que par ses petites fleurs jaunes, mais la mienne fleurit peu. Elle peut devenir couvrante si on lui laisse de la place (une pierre, une bordure en béton). Elle aime bien l'eau, où elle devient flottante. La plante idéale en bordure d'une mare sur plastique qui essaie de camoufler son caractère artificiel. J'attends de voir si elle tiendra ses promesses.

Comme le terrain est pentu, je commence à stabiliser les berges du côté remblai, en y plantant des touffes de marguerites, des tiges de saponaire, bref des plantes sur lesquelles on peut compter pour empêcher le glissement de la terre. J'ai semé cet été de la salicaire, qui aurait fort belle allure en compagnie des iris jaunes, déjà installés près du déversoir. Malheureusement, mon semis a coïncidé avec une vraie explosion d'herbes sauvages, juste après la première pluie qui a suivi la sécheresse: mon jardin était devenu brusquement tout vert, couvert de minuscules plantules: on aurait dit que la sécheresse avait mis les graines dans des starting-blocks. Et comme j'ignorais à quoi ressemble la salicaire quand elle vient de germer, le désherbage précoce était impossible. Face à cette armée de concurrentes, la salicaire, je crois bien, a capitulé. Si je veux en planter cet automne, il me faudra en trouver en jardinerie.

En jardinerie, je vais y aller, de toutes façons: il me faut un nénuphar. Celui qui fait de grosses fleurs blanches. Je compléterai par deux ou trois bricoles, pas trop. Juste encourager la nature, en lui laissant le plus de place possible.

Pour "mon" crapaud (il était énorme, je crois bien que c'était une crapaude), j'ai installé également la souche tarabiscotée d'un vieux plant de cassis qui végétait au mauvais endroit et qu'on a dû arracher en creusant le trou. Un tas d'herbes sèches complétera l'abri. Je veux qu'il elle sente que dans ce jardin elle est la bienvenue. Je ne voudrais pas que notre première rencontre qui l'a effrayée lui ait donné mauvaise opinion de moi.

mercredi 3 août 2011

Pierre qui bouge

Ma terre est pleine de cailloux. C'est en partie grâce à ça qu'elle se ressuie et se réchauffe très vite. Quand même, faut pas exagérer, et je les enlève, les cailloux: trop, c'est trop. Le gros de mon jardin est déjà bien épierré. Mais quand je défriche un nouveau coin, j'ai un aperçu de ce que c'était avant. Un peu de terre entre beaucoup de cailloux. Sans compter les cailloux profonds, pas si profonds que ça.

Comme je suis une paresseuse, je me contente de faire de petits tas, ça et là, que j'enlèverai, c'est sûr, demain. Ou après demain. Ou que je laisserai s'enterrer doucement, pour les redécouvrir à la saison prochaine (mais pourquoi donc une telle densité de cailloux en bordure d'allée?), faire et défaire c'est toujours travailler. J'ai trouvé un truc pas mal, je garde les filets quand j'achète des pommes de terre. Quand un sac est plein, je le vide: j'ai un tas dans les broussailles, qui commence à évoquer ces pierriers qu'on trouve en montagne, entre deux champs autrefois cultivés. Quelquefois, j'attends trop, et le sac se bio-dégrade, ou se fait éventrer par la débroussailleuse: rebelote à ramasser les cailloux éparpillés. Ça donne du boulot, la paresse.

Justement, j'étais en train de ramasser, avec l'aide de ma petite princesse, un petit tas sous une rose trémière. Alors que "mes" cailloux sont plutôt blancs et anguleux, je découvre, sous le tas, une pierre grise, plate et toute ronde. Je la prends... elle est molle et elle bouge. Waouh! un cri de surprise m'échappe, immédiatement doublé en écho par un cri de terreur de ma petite princesse: j'ai dérangé un crapaud!

Pas du tout essayé de l'embrasser (merci à Ziggie pour l'inspiration), vu que j'ai absolument pas besoin de prince charmant, et pas envie non plus depuis que j'ai vu le gominé prétentieux de Shreck. A la limite, je pourrais me sacrifier et embrasser un prince charment pour le transformer en crapaud, vu que les crapauds, c'est très utile.

Bon, celui-là, je lui ai vite mis à disposition un tas d'herbes arrachées de frais. Et nous sommes parties sur la pointe des pieds pour le laisser se remettre de sa grosse émotion.

Tiens, ça me rappelle ma dernière conversation avec un chasseur ennemi des écolos, qui s'enrageait de voir le Conseil Général dépenser l'argent de SES impôts pour construire un crapaud-duc: "Vous voulez vraiment protéger les crapauds? Faut flinguer les hérons!"

Faire comprendre le concept de biodiversité à certains, ben c'est pas gagné.

vendredi 24 juin 2011

Abeilles charpentières et sauge sclarée

Il y a deux ans, j'avais cherché quelques bisannuelles à faire semer à mon petit fils. Bisannuelles, ça veut dire qu'on les sème en été... et que ça fleurit pas avant l'année suivante, bel exercice de patience et de mémoire. L'avantage des bisannuelles, c'est qu'elles sont aussi, presque toujours, vivaces. C'est à dire que la racine subsiste l'hiver sous terre, et que la plante repousse au même endroit, parfois un peu dégradée mais souvent plus belle l'année suivante. Parmi ces bisannuelles, la sauge sclarée. Non seulement elle pousse et repousse magnifiquement d'année en année, mais elle se ressème. Cette année, la sécheresse n'y est pas pour rien, elle est particulièrement belle. Plus haute que moi. Elle illumine le fond de mon jardin de sa couleur si subtile, qui vire du bleu pâle au gris argenté à mesure que le temps passe. La souche d'origine, plus deux touffes essaimées que j'ai épargnées en les reconnaissant. Il y en avait d'autres, mais faut bien laisser un peu de place pour les légumes que je suis censée cultiver.

Sur le blog où je vous ai envoyé(e)s pour les photos, les commentaires disent plein de mal de l'odeur de la sauge sclarée. Des goûts et des couleurs, dit-on, ben faudra rajouter les odeurs. C'est assez étonnant comme la manière dont on apprécie les odeurs peut varier. Entre personnes, déjà: est-ce qu'on sent ou pas la même chose? Mais aussi, pour la même personne, entre un jour et un autre. Plus fort, il m'est arrivé de ne plus "sentir" la même chose une fois que je savais d'où venait l'odeur. Il y a enfin, très extraordinaire, la puissance d'évocation d'une odeur. Avant même de l'avoir reconnue, on est ramené, par le souvenir, à la situation, même très ancienne et très oubliée, à laquelle elle est liée. Comme si le passé vous sautait au visage. Je crois que, finalement, j'aime presque toutes les odeurs. Celle de la sauge sclarée, je ne l'ai pas repérée tout de suite. Elle n'a rien d'un "parfum" et surtout pas "floral". Elle est un peu acide, vivifiante et très originale. Un peu "animale" peut-être?

La sauge sclarée attire les abeilles charpentières, c'est écrit dans Wikipedia. Pas de panique, moi non plus je savais pas ce que c'était. J'avais bien repéré ces énormes volatiles (oui, c'est pour rire, c'est pas "vraiment" des oiseaux, mais ça vole, alors...), deux ou trois centimètres de long et plus d'un centimètre de large, d'une couleur très spéciale: un bleu métallisé tirant sur le noir. Chaque fois que je fais mon pti tour au jardin, j'en repère deux, parfois trois, en train de visiter une par une chaque fleur, méthodiquement. Petit détail rigolo, à force, elles ont le dos tout poudré de blanc. J'ai pas de souci à me faire, les fleurs seront bien fécondées, les graines bien fertiles, et mon seul souci sera de ne pas laisser les sauges sclarées prendre toute la place. Ou alors, faudra agrandir mon jardin. Pourquoi pas?

dimanche 19 juin 2011

Un amour de coccinelles

Je sais pas vous, mais je n'ai jamais vu autant de coccinelles dans mon jardin que cette année. C'en est hallucinant: je peux pas poser mes yeux où que ce soit, sur un légume ou une herbe sauvage, sur un arbuste ou une fleur, sans y trouver une, deux, trois coccinelles, voire davantage. Bon, les pucerons aussi, ont largement profité de la sécheresse, ainsi que les fourmis. Trois petites bêtes souvent associées sur mes légumes: les fourmis installent les pucerons, et les coccinelles viennent se fournir dans ces supermarchés de rêve. Les pucerons, plus nombreux, ne font pourtant guère plus de dégâts, plutôt moins, que les années précédentes. Sauf sur les fèves,bien sûr, vous vous souvenez? Ils sont par contre, me semble-t-il, beaucoup plus fréquents sur les herbes sauvages, dont vous savez qu'elles prolifèrent dans mon jardin dépeigné, vu que non seulement je ne les arrache pas très systématiquement, mais que même je les introduis.

Hier matin, comme je m'apprêtais à arracher (quand même, faudrait pas pousser!) une des nombreuses touffes de liseron qui s'incrustent dans mes plates bandes, ma main s'est suspendue: du rouge au milieu de la touffe. Non pas une, mais deux coccinelles. Une assez grosse, rouge pâle. L'autre, plus petite, rouge vif. Des coccinelles à sept points, bien de chez nous, pas les envahisseuses maladroitement introduites dont la prolifération pose de menus problèmes au point qu'elles sont désormais étiquetées nuisibles mais pourtant toujours commercialisées, allez comprendre...

Comme pour les crapauds, chez qui un petit mâle s'incruste, au propre comme au figuré, sur une grosse femelle, la plus petite est dessus. Elle agite frénétiquement ses minuscules pattes, tandis que l'autre se lisse nonchalamment les antennes. Puis la petite se met à remuer fébrilement du croupion, façon danse des canards. Et ça dure, ça dure...

Je finis par me sentir indiscrète et je me retire sur la pointe des pieds.

lundi 22 novembre 2010

Des asticots au plafond

Ce jour là, j'avais de la visite. Et parmi les visiteurs, une copine paradoxalement aussi résolument féministe que bonne ménagère. Je conçois volontiers qu'on puisse être les deux, mais mon féminisme à moi s'enracine si profondément dans une totale incapacité ménagère que ça m'étonne pourtant toujours. Je ne VOIS littéralement pas le désordre, les araignées, la poussière, la crasse s'accumuler autour de moi. Généralement, c'est un(e) autre qui tire la sonnette d'alarme: mon conjoint, quand il a invité sa famille, une copine pleine de commisération, voire, plus récemment, mes propres enfants, un brin donneurs de leçons (mais faites donc, je vous en prie, j'avale toutes les hontes du moment que vous passez le balai et la serpillère, toujours ça de gagné!).

Ce jour là, la copine, passant dans le couloir, lève les yeux. Je vous le demande, pourquoi lever les yeux dans un couloir? Ça se conçoit à la rigueur dans un salon, quand, les pieds sur la table basse, on se prépare à un petit somme ou à une simple rêverie, ou après un repas légèrement trop arrosé, quand on se renverse sur son siège pour se dégager l'estomac, mais dans un couloir? Faut de la malignité!

Elle lève donc les yeux et s'exclame: "Il y a des asticots au plafond". Ah? Bon? Des asticots? Tiens tiens...

J'imagine assez logiquement des vers de farine. Pas la première fois (quoique jamais au plafond) car les provisions de céréales bio plus ou moins mal gérées par une handicapée du ménage me réservent souvent ce genre de surprise. Laissez un fond de paquet de farine blanche dans un recoin de votre placard un an, deux ans, plus si affinités, jamais la moindre mite alimentaire n'aura l'idée saugrenue d'y pondre. La mite est une mère avisée, elle se soucie de ce que va bouffer sa progéniture, on ne saurait en dire autant de tous les parents. Mais un sac de farine complète, là... surtout à l'automne, je ne sais pas trop pourquoi, probable que les mites, en bonnes écologistes, se soucient des rythmes saisonniers.

J'ai un souvenir cuisant de mes débuts enthousiastes en consommation biologique. Quelques mites voletant de ci de là ne m'avaient guère alertée, en tous cas pas dans la bonne direction: pour moi, les mites, ce pouvait être que dans de vieux lainages insuffisamment gavés de naphtaline, j'avais exploré mes placards à vêtement, rien trouvé d'inquiétant, j'étais passée à autre chose tandis que le nombre de papillons augmentait résolument. Jusqu'à devenir vraiment gênant, même pour moi dont le seuil de tolérance est, je l'ai dit, assez élevé. Je ne sais plus quand et comment j'avais fini par découvrir le pot-aux-mites, je me souviens simplement que la situation était alors complètement désespérée. Pas un de mes sachets, farine, semoule, polenta n'avait échappé. Plus grave, il y avait des cocons dans tous les recoins des placards, dans les fissures du bois, sous les étagères, dans les charnières, partout. Les mites réapparaissaient périodiquement chaque année quels que soient mes efforts.

Depuis, j'ai fait quelques progrès: quand je vois voleter l'ange gabriel annonciateur la mite annonciatrice, je passe en revue mes provisions. Normalement, elles sont déjà enfermées dans des bocaux hermétiques: pots twist'off de différentes contenances ou bocaux de stérilisation inutilisés (en plus de nulle ménagère, je suis très velléitaire, et j'ai toujours envie de faire des conserves, envie qui ne dépasse que rarement le stade "achats de bocaux". Il reste pourtant toujours un paquet de farine qui n'a pas son bocal, soit que j'aie fait traîner la mise en sécurité, soit que mon achat ait dépassé la contenance d'un bocal, soit que j'aie racheté de la farine en oubliant que j'en avais encore tout plein. Je vide alors le paquet de farine dans une passoire à grille fine, je tamise tout ça dans un saladier, je retrouve au fond de la passoire les petits paquets agglomérés de filaments, et basta, je remets le reste en bocal. Il m'est arrivé aussi de devoir expurger un paquet de riz de ses charançons. C'est pratique avec le riz, la couleur tranche, avec les lentilles c'est plus délicat. Ne dites surtout rien à ma petite famille, ils n'aimeraient pas l'idée d'avoir mangé du riz ou des lentilles aux charançons ou de la sauce blanche clandestinement enrichie en protéines.

Mais là, bon sang, c'étaient pas des vers de farine, un peu trop longs, plutôt de petites chenilles. La copine suggéra amicalement qu'un rat crevé pourrissait quelque part. Pour les combles, une visite rapide nous rassura: pas de cadavre. On se débarrassa des bestioles en remettant au lendemain l'exploration des placards. Mais le passage de mes placards à l'inspection n'expliqua pas le phénomène. D'autant que, deux jours plus tard, nouvelle invasion, cette fois dans la pièce voisine. Et là, lumière: nous avions déplacé entre temps, pour en brûler le contenu, un fond de cagette contenant le reste de notre récolte de noix 2009. Quand la récolte suivante est faite, les anciennes noix ont tendance à rancir et c'est tellement désagréable de croquer dans une noix rance que ça ne vaut pas la peine de faire des économies. Sauf que là, en plus d'être (peut-être) rances, elles étaient véreuses. J'ignore tout du cycle du carpocapse de la noix, qui est paraît-il le même que celui des pommes et des poires, mais il est probable que celui-ci a été perturbé par la température, comme celui de la piéride du chou de l'an dernier.

Bref, on a sorti la cagette, et depuis, ma terrasse est pleine de mésanges attirées par l'aubaine. J'avais déjà cultivé des pucerons pour nourrir les coccinelles, j'ai élevé cet été des doryphores pour échapper à une malédiction (billet complémentaire à venir), et voilà que maintenant, j'élève des vers et des mites pour nourrir des mésanges. Aucune limite à ma générosité écologique.

vendredi 22 janvier 2010

Un papillon en hiver

Plutôt inattendu, ce papillon blanc qui est apparu un jour dans la maison, avec le petit carré noir des piérides sous ses ailes, alors que dehors la neige recouvrait toute la campagne d'une couche épaisse. Il a voleté de ci de là pendant plusieurs jours, tandis que nous nous interrogions: que faire pour lui? Il n'avait pas plus d'avenir dehors que dedans, et si l'on admet que le destin d'un papillon durant sa courte vie c'est de s'abreuver du nectar des fleurs afin de s'accoupler et de pondre... ben celui là, rolex ou pas, avait bel et bien raté sa vie. Ni fleur, ni partenaire, et pas la moindre feuille de chou à l'horizon.

Quand il s'est posé, épuisé, sur le carrelage de la cuisine, j'ai déposé près de lui une petite flaque d'eau sucrée. Je ne sais s'il en a profité. Finalement échoué sur le bord d'une vitre, ses ailes jusque là bien jointes se sont dépliées, étalées, rendant visible la marge noire de leurs pointes, puis il n'a plus bougé. Il y est encore.

Cet été, sous sa forme précédente de chenille, je l'avais traqué sans état d'âme, écrasant les petits oeufs orange, pulvérisant du "bacillus thurigiensis" sur les minuscules chenilles qui en sortaient. Ce qui ne plaisait pas trop à mon petit fils: Petit Jardinet s'était découvert une passion pour les chenilles, et peu lui importait qu'elles ravagent mes choux, il aime pas trop le chou. Pour lui faire plaisir, j'avais coupé une feuille envahie, l'avais placée dans un plat en verre muni d'un couvercle, et il avait nourri ses pensionnaires de feuilles fraîches, qu'elles dévoraient de plus en plus vite à mesure que leur taille s'accroissait. Je mange, donc je grossis, et plus je grossis plus je mange. Et plus je chie, on occulte toujours, par bienséance, cet aspect des choses, et en vase clos, ça devenait de moins en moins ragoûtant. Pendant que je tentais de maintenir un semblant d'hygiène dans mon bocal, certaines ont dû s'échapper et coller leur cocon dans un coin discret, je ne suis pas, heureusement, une ménagère très méticuleuse. Petit Jardinet s'intéressait alors à d'autres chenilles, une noctuelle qu'il aimait particulièrement pour l'avoir sauvée d'une attaque de fourmis (on s'attache plus à ceux que l'on a aidés qu'à ceux qui nous ont aidés, c'est une facette paradoxale de l'égoïsme humain).

Et aussi une chenille de sphinx.

Je l'avais découverte à terre, en débroussaillant un roncier. Son vert fluo la rendait très visible, et une longue épine dressée sur son dos imitait vaguement l'aileron de requin. Un petit livre répertoriant "100 papillons faciles à voir" nous avait permis une identification première: pas d'erreur, la corne au bout de l'abdomen est caractéristique des sphingidés, c'était donc une chenille de sphinx. Mais de quel sphinx? Quand j'étais petite, on appelait "oiseau-mouche" ces insectes dont le battement d'ailes est si rapide qu'il évoque plutôt le bourdon que le papillon. Et la trompe qu'il déplie pour atteindre le nectar au plus profond des fleurs est si longue qu'on croirait qu'il ne fait que voler sur place pour les admirer. Je me souviens avoir cru, naïvement émerveillée, que c'était vraiment un oiseau, un tout petit oiseau au bec très long et très fin. J'ai perdu mes illusions mais gardé ma tendresse. J'étais donc très heureuse d'avoir capturé une chenille de cet oiseau-là.

Sur mon petit bouquin, assez sommaire, aucune chenille ne présentait de ressemblance vraiment convaincante avec notre pensionnaire, nous avons décidé arbitrairement que ce devait être un sphinx du peuplier, et l'avons approvisionné en feuilles de l'arbuste vaguement apparenté aux saules qui poussait sauvage tout près du lieu où je l'avais trouvé. La bestiole est restée léthargique dans son assiette de verdure. Mais un matin, elle avait disparu. Nous avons vite rattrapé la noctuelle qui lui tenait compagnie et qui s'enfuyait de toute la vitesse de ses petites pattes. Elle, nous avons eu du mal à la retrouver, et pour cause: nous cherchions une chenille vert fluo, nous avons fini par en (re?)trouver une brune. Mise à part la couleur, tout était conforme, le petit sabre recourbé sur le dos, les rayures obliques sur le côté. Retour au bouquin dans lequel nous avions précédemment farfouillé, et voilà qu'une chenille que nous avions négligée, précisément à cause de sa couleur foncée, se révélait exactement ressemblante. Celle du sphinx du liseron. La fuyarde ayant réintégré son assiette, nous avons couru faire provision de liserons, pas difficile, avec les ronces c'est ce qui pousse le mieux chez moi.

Et voilà que notre mollassonne chenille s'est réveillée et s'est mise à bouffer avec frénésie. Et à grossir avec enthousiasme. Jamais vu de chenille aussi grosse. On lui fournissait du liseron frais plusieurs fois par jour. Elle allait bien chrysalider un jour, mais comment, et de quoi avait elle besoin? Internet nous a appris qu'elle s'enterrait en fin de parcours, agglomérait autour d'elle un cocon de terre, et formait sa chrysalide à l'intérieur de ce cocon protecteur. Nous avons mis au fond d'un seau une quinzaine de centimètres de terre, la chenille et les liserons par dessus, et attendu. Le jour où la chenille, devenue grosse et longue comme un doigt, a de nouveau disparu, nous avons supposé qu'elle s'était enterrée pour sa mue. Longtemps après, partagés entre la curiosité et la crainte de compromettre la suite de l'histoire, nous avons fini par vider délicatement la terre du seau. Elle était bien là. Le gros cocon terreux, collé contre la paroi, s'est décollé sans se casser, laissant voir une chrysalide d'un marron luisant, comme laqué. Comme le disent et le montrent les références sur internet, la longue et fine trompe repliée en trombone du futur papillon était emballée séparément, dans un fourreau fragile.

J'ai tout remis en place, aussi délicatement que possible, espérant n'avoir rien gâché. Que faire ensuite de ce seau? J'ai pensé le laisser à l'intérieur, je suis heureuse de ne pas l'avoir fait, il serait sorti en plein hiver, comme la piéride. Le laisser dehors? La protection assurée par quelques centimètres de terre dans un seau risquait évidemment de se révéler insuffisante s'il faisait vraiment froid. Et il a fait moins treize, précisément. Solution intermédiaire, le seau, avec son précieux contenu, passe l'hiver sur une étagère, dans une cave pas vraiment fermée mais assez enterrée pour que la température n'y soit pas trop glaciale. Maintenant, je m'interroge: comment faire pour voir sortir le papillon de son cocon? Comment choisir le bon moment pour le rentrer? Il faudrait, bien sûr que mon Petit Jardinet assiste à sa sortie. Les vacances de Pâques... trop tard. Celles de février... trop tôt. Quoique les vacances parisiennes, cette année, empiètent sur la première semaine de mars. Ce sera début mars.

Jusque là, suspense: le mouton a-t-il mangé la rose? La muselière et l'armure ont-ils suffi à protéger la fleur? Rendez-vous en mars pour l'épilogue.

jeudi 10 septembre 2009

La vengeance du doryphore

J'ai promis dans le billet précédent de vous raconter ma rencontre de cet été avec un unique doryphore. C'était en juillet, les vacances scolaires étaient à peine entamées, et Petit Jardinet me tenait compagnie au jardin. "Petit Jardinet" est le pseudo qu'il s'est lui-même choisi pour signer un commentaire après avoir demandé à sa mère l'explication de mon pseudo de "Jardin".

Donc nous étions tous deux accroupis près du carré de patates, quand il poussa un cri joyeux: "Un doryphore!". Et, effectivement, sur la terre déjà desséchée, entre les fanes tout aussi desséchées de mes premières patates, celles plantées fin mars et que je commençais à récolter, un doryphore trottinait malaisément entre les mottes. Plusieurs générations de paysans affamés par ces infâmes bestioles quand elles pullulaient ont soudain fait irruption entre mon bon sens et ma main, et crac, écrasé entre deux pierres le doryphore.

C'était particulièrement stupide: ma récolte, déjà bien avancée, n'avait plus rien à craindre, et d'éventuelles larves issues d'éventuels oeufs de cette pauvre bête avaient peu de chances de trouver une nourriture assez abondante à cette période de l'année. Mais le geste avait été instinctif. Petit Jardinet me regarda d'un air consterné et s'exclama avec une indignation incrédule: "Tu l'as tué!?" Immédiatement consciente de l'énormité de ma faute, je bafouillai quelque chose de très mauvaise foi sur la nuisance des doryphores (dans les années 50) et sur mon grand père qui me les faisait ramasser dans une boîte de conserve rouillée pour les écraser d'un pied déterminé sur les allées impeccables de son potager. Mais on n'est guère convaincant quand on n'est pas convaincu.

Petit Jardinet poursuivait douloureusement "C'était le premier que je voyais en VRAI!". Ses yeux charmeurs et chaleureux ne l'étaient plus du tout et se plissaient dangereusement, je capitulai: "Tu as raison, j'ai pas réfléchi, j'ai eu tort, j'aurais pas dû, j'ai fait trop vite, sans réfléchir". Ben oui, qu'est-ce qui m'a pris, quoi? Dès ses trois ans, je lui avais acheté un chouette bouquin sur les coléoptères, la coccinelle en était évidemment l'héroïne principale, mais le doryphore y tenait un second rôle de qualité. Il y avait même un mécanisme tournant qui faisait apparaître dans une fenêtre les différentes étapes du cycle de vie de l'insecte, les petits oeufs collés au dos d'une feuille, la larve grasse et goulue, la nymphe qui passe l'hiver en terre, l'insecte qui sort au printemps et recommence la saga.

Par ailleurs, j'avais jadis acheté pour mes enfants qui n'en avaient cure une petite boîte en plastique cylindrique, avec un couvercle aéré doté d'une loupe de bas étage qui permettait d'observer les insectes retenus momentanément prisonniers pour les relâcher ensuite rapidement, le mode d'emploi le précisait bien. Petit Jardinet, vingt ans plus tard, se l'était appropriée et en faisait bon usage. Et il continuait: "Je voulais le mettre dans ma boîte et le regarder. C'était le premier que je voyais. EN VRAI. Et toi, tu l'as tué!". Je n'en menais pas large...

Il me rappela mon crime à plusieurs reprises au cours de l'été. J'eus beau lui laisser sauver d'une fourmilière puis élever dans ma cuisine une noctuelle, ces vers gris qui cisaillent en une nuit la plus belle des salades, ou toute une colonie de piérides ravageuses, j'eus beau lui trouver une magnifique chenille de sphinx (autre histoire que je vous conterai plus tard), le souvenir du doryphore assassiné refaisait surface périodiquement.

A la fin de l'été, je finis par me rebeller: "Eh, oh, c'est pas fini? Ya prescription depuis le temps. Jusqu'à quand tu vas me reprocher cette histoire?". Il me regarda de son air le plus noir: "Jusqu'à ta mort!".

Olala! me voilà poursuivie jusque sur mon lit de mort par un fantôme de doryphore, comment échapper à une telle malédiction? Dès le printemps prochain, vous me verrez guetter fébrilement l'apparition des doryphores sur mes patates, et ce ne sera pas pour les écraser. Le Grand Lapin veuille que le pardon me soit enfin accordé!

mercredi 2 septembre 2009

Des légumes plein les bras

Faut que je me décide à vous donner des nouvelles de mon jardin, sinon vous allez croire que je n'ai récolté que des limaces, des pucerons, des chenilles et autres vermines. Tout juste ce qu'on attend d'une jardinière bio. A ce propos, me revient le ricanement d'un vieux paysan que j'aimais bien: "Ecolos? Rigolos!" J'ai quitté ce village depuis quinze ans, mais j'ai eu la surprise de découvrir ses produits, ou plutôt ceux de son fils, à la "Halte fermière" tout près de chez moi. J'en achète régulièrement, en souvenir, mais aussi parce qu'ils sont bons. Seconde surprise, plus récente, ils sont désormais marqués du label "AB". Le vendeur m'a d'ailleurs précisé que ça ne changeait pas grand chose à leur fabrication. Tel est le paradoxe de la petite paysannerie de montagne, ils faisaient, ils continuent à faire du bio sans le savoir. Il faut croire que les écolos s'y sont bien mal pris pour ne pas se faire d'eux, d'emblée, des alliés.

Pour en revenir à mon jardin, les petits ennuis dont je vous parlais en juin ont été vite écartés. Après avoir presque détruit mes fèves (mais c'était prémédité de ma part) les pucerons noirs, très bien élevés par les fourmis qui fourmillent chez moi, sont restés cantonnés à un ou deux pieds de haricots. La part du pauvre, en quelque sorte. Un petit sachet de poudre "Bacillus Thurigiensis" (merci, Minium) dont j'ai délayé une cuillerée dans un pschitt à vitres désaffecté est venu à bout très vite des différentes chenilles qui avaient décidé de se faire toute ma récolte de choux. Noctuelles qui pondent au coeur, piérides qui ravagent les feuilles ont disparu. J'ai rien vu pour les discrètes et redoutables noctuelles, sauf que les choux ont repris une croissance normale, mais les chenilles de piéride se sont desséchées en quelques jours. Leurs jolis papillons blancs marqués d'un petit carré noir ont pourtant continué à voltiger obstinément au dessus de mon jardin, bien plus nombreux que d'habitude, mais inoffensifs: sont-ils allés planter leurs choux oeufs dans d'autres jardins? Ou sur des sauvages?

D'ailleurs, les papillons en général ont été, cette année, incroyablement nombreux. Les deux buddleias qui se sont invités sans manière juste devant mes fenêtres, le sol y étant aride et pierreux à souhait, étaient en spectacle permanent. Machaons, Flambés, Paons de jour, pour ne citer que les plus spectaculaires, étaient deux ou trois fois plus nombreux que d'habitude. Plus un grand papillon orange et noir, peut être un Tabac d'Espagne, dont plusieurs exemplaires étaient présents en permanence.

Les limaces ont été beaucoup moins offensives que d'habitude. Faut dire que le temps ne leur était guère favorable... Un peu de "Ferramol" sur les cultures les plus sensibles, en particulier sur les salades repiquées, a suffi. Précaution cependant indispensable, pour l'avoir négligée après mon premier repiquage je l'ai bien compris: feuilles tendres, un peu fanées, plus arrosage, ce fut la curée, disparition en une nuit de la moitié des plants.

Le chevreuil n'est pas revenu. Sans doute, avec l'automne, se souviendra-t-il de mon sympathique accueil? Mes scaroles sont très belles, pleines de promesses, il pourrait bien, hélas, ne pas tarder à les découvrir... que faire? Par contre, j'ai vu UN doryphore, un seul, je vous raconterai!

Finalement, donc, mon jardin a donné à plein tout l'été. Faut dire que nous avons été assez régulièrement dix à table, plus deux bébé(e)s de 9 et 11 mois, parfois quinze et même jusqu'à vingt. Elle a pas chômé, la vieille! d'où, vous l'avez compris, le long sommeil de ce blog. La sécheresse a diminué la quantité (mais pas la qualité) de certaines récoltes (pommes de terre parfaites pour jouer aux billes, carottes grosses comme le petit doigt), mais je n'ai jamais eu de tomates aussi nombreuses et aussi belles, et les concombres se bousculaient pour se faire cueillir. Pour les haricots, j'ai joué de malheur, ou plutôt d'imprécision dans mes semis. Ma première récolte s'achevait quand tout le monde a débarqué... et la seconde a commencé quelques jours avant les grands départs. J'ai dû, honte à moi, acheter des haricots au marché, locaux et de saison certes... mais filandreux! les miens ne le sont JAMAIS. Les courgettes ont fourni, avec l'aide de poivrons et d'aubergines du marché, de savoureuses ratatouilles. Et quelques potirons nous ont donné un avant goût d'automne. Les choux raves, semés puis repiqués en trop petite quantité pour un plat familial, ont fait le régal des bébées. Omniprésents et invisibles, mais essentiels, j'ai failli oublier ail, oignons et échalotes. Taille modeste cette année, mais qualité parfaite, ils se conserveront longtemps je pense. Ou plutôt ils se seraient conservés longtemps si les provisions n'étaient pas déjà sérieusement entamées.

En début de semaine dernière, la maison a commencé à se vider. Un seul de nos garçons est resté, et encore, vu la place que tiennent les copains et les jeux vidéos dans son emploi du temps, on a pas vraiment l'impression qu'il est là. Cette grande maison silencieuse à nouveau, ça fait tout drôle, à la fois triste et reposant. Le temps s'y est mis lui aussi, pluie, bruine, brouillard sur les montagnes. Et retour des limaces, que je ramasse matin et soir pour les exiler en banlieue et éviter qu'elles ne pondent leurs oeufs chez moi. Je commence à nettoyer un peu (pas trop) les plates bandes dégarnies, je passe au tamis le compost mûr pour faire de la place dans le bac, j'en ai commencé un autre avec les déchets de l'été, du broyat de branches et du crottin de cheval ramassé dans la prairie, dernière activité avec mon petit fils qui était moins euphorique que l'an dernier, mais actif et efficace.

mardi 23 juin 2009

Mon jardin est plus beau que jamais.

J'ai des pucerons noirs partout. Sur les fèves, bien sûr, vous vous souvenez que c'est volontaire, j'espérais attirer les coccinelles, ratage total. Je viens de repérer (EN JUIN!) la première et la seule sur mes haricots, couverts eux aussi de pucerons noirs, m'étonnerait qu'elle en vienne à bout, elle est bien seule la pauvre. Et je la retrouve toujours à la même place, faudra que je vérifie si c'est pas une fausse, façon nain de jardin minuscule. Pucerons noirs aussi sur les sureaux, sur la camomille, partout, je vous dis.

Mes choux sont un très efficace élevage de chenilles, la biodiversité des chenilles est étonnante. Il y en a qui sont d'un vert cru, toutes seules au coeur du coeur. Là, on peut dire que le chou est foutu, frappé dans ses forces vives. Discrètes, en plus, sournoises, bien cachées entre les plus petites feuilles. D'autres sont beaucoup plus spectaculaires... et moins nuisibles donc. Etonnant spectacle que ces bestioles en rangs serrés, à l'envers des feuilles donc invisibles au début. Mais très vite, la feuille entière disparaît sous leurs mâchoires voraces et multiples, et la jardinière de pacotille se pose des questions. Découvre, écrase (beurk). Explore les autres feuilles, les autres choux. Olala! d'autres chenilles, plus petites, mais c'est les mêmes. Et puis, d'autres encore, minuscules, leurs dents ont seulement aminci la feuille, trop petites pour la traverser. Puis, ces petits amas de grains jaunes, des dizaines d'oeufs bien serrés les uns contre les autres, on dirait une broderie au point de croix miniaturisée. De chenilles en oeufs, le regard se porte, forcément, sur ces très jolis papillons blancs qui se posent, s'envolent, reviennent, hésitent... des papillons qui papillonnent quoi. Vues de près, leurs ailes sont marquées d'un minuscule carré noir. Des piérides. Et très vraisemblablement des piérides du choux.

Mes démêlés avec les limaces, vous les connaissez déjà. Cette année, j'ai de la chance. Je crois que la neige tardive a tué les premières et fait prendre du retard à l'ensemble, elles sont moins nombreuses et n'ont pas encore atteint la taille adulte qu'elles ont d'habitude en cette saison. Reste que ponctuellement, elles sont redoutables. Un plant de menthe coq, mal placé, trop près d'un muret de pierre où leurs pontes trouvent un abri très efficace, abords mal désherbés, est entre la vie et la mort. Des douze scaroles repiquées un soir, la moitié a disparu le lendemain, mâchouillées jusqu'au coeur. Comme pour le chou, quand le coeur est atteint, adieu la récolte. Mon erreur, les avoir planté trop près d'un tas de mauvaises herbes en train de se décomposer. Pour une armée de limaces lassées de bouffer de la pourriture, mes petites salades vert tendre étaient irrésistibles. Quelle piètre jardinière je fais, pas réagi assez vite. Et dire que la limace est symbole de lenteur!

Il y a environ un mois, je suis intriguée par une touffe de coquelicots, une de ces touffes de fleurs sauvages que j'aime bien, quand je les repère à temps, laisser s'installer au gré de leur caprice entre les rangs de légumes ou même sur le rang. Cette année, j'avais fait un bail amical et gratuit à une dizaine de plants. La première fleur, pas vue. Seule une petite tache rouge plaquée au sol évoquait sa vie éphémère. Mais très vite, la floraison s'était étoffée, petits boutons qui gonflent lentement, redressent peu à peu leurs têtes, puis le rouge vermillon de la fleur qui éclate, puis les pétales qui tombent, laissant cette petite tête noire ébouriffée qu sera bientôt porteuse de milliers de minuscules graines noires ou brunes. Rien à voir avec les champs de coquelicots immortalisés par les impressionnistes, c'est vrai, mais bien contente quand même. Or, ce matin là, sur un plant, toutes les capsules de graines ont disparu. Impossible d'accuser les limaces, ça ne grimpe pas sur la tige poilue des coquelicots, trop souple de surcroît. Même mystère sur les haricots voisins, là ce sont les fleurs encore en bourgeon qui ont disparu, pareil, sommet des tiges proprement tranchés. Et aussi, contre le mur, l'églantier: la pointe des tiges a disparu.

Un chevreuil! nous en rencontrons parfois la nuit, sur les petites routes. Il nous est arrivé d'en heurter un avec la voiture, heureusement à faible vitesse, la bête qui sortait d'un talus embroussaillé s'était ébrouée et avait re-disparu très vite dans le noir. Il y a trois ans, à l'automne, j'avais eu un carré de salades, scaroles et frisées prêtes à consommer proprement dévasté par ces charmants animaux. Salement, devrais-je dire, car tout ce qu'ils n'avaient pas dévoré avait pourri ensuite. Que faire? Mon jardin n'est pas clos... et pas facile à clore, en pente, avec des murets de pierre qui s'étagent, une forme échevelée, c'était ma fierté de coller au terrain, de suivre les lignes de pente, quand d'autres ont nivelé, étayé, remblayé, enclos de béton gris surmonté de grilles vertes. Le chevreuil revient, soir après soir, croque ici un bout de laitue, là quelques plants de fraisier, je retiens mon souffle, un soir il va inviter des amis à faire la fête chez moi...

Pas un seul doryphore, ça manque au tableau. je me serais régalée pourtant à vous décrire ces coléoptères élégamment rayés de jaune et de brun leurs oeufs collés au dos des feuilles comme ceux des papillons dont sortent de minuscules têtes d'épingles à pattes qui grossissent à la vitesse de leurs mandibules pour devenir de grosses larves ventrues, d'un marron qui hésite entre le chocolat noir et le chocolat au lait, décorées de deux lignes très design de points noirs. La nymphe, jamais vue, que dans les livres. Un jour, la larve tombe, trop bouffé, s'enterre dans le sol, se nymphose, et ressort sous forme d'insecte. Plusieurs génerations peuvent ainsi se succéder en une saison, je vous dis pas le massacre si vous laissez faire, que ce soit par paresse, amour des bêtes (sissi!) ou choix esthétique. Il arrive que l'insecte ne sorte qu'après l'hiver. Parfois, il faut qu'il cherche un peu, il a des ailes, c'est pas pour rien. Des fois, il trouve, des fois pas... En monoculture, banco, il sort au milieu d'un champ de patates, le bonheur!

Oublié de vous parler des campagnols. Un jour, en plein soleil, un plant de patates s'écroule, fané en moins d'une heure. Tiges coupées, et dessous, une galerie facile à repérer. Aïe, sauf piégeage immédiat, toute la rangée va y passer, le campagnol jubile, il a qu'à suivre la ligne et ne va pas s'en priver. Pareil avec les poireaux, l'an dernier, mon fils a manqué de vigilance... ou de détermination, il n'est pas resté un seul poireau sur les 200 que j'avais planté. Cette année, je veille, ils n'auront pas l'Alsace et la Lorraine!

Après cet état les lieux, vous vous demandez pourquoi ma première phrase. D'abord, c'est tout simple. Les ravageurs les plus féroces, c'est comme les impôts, ils en laissent toujours plus qu'ils n'en mangent. Rares sont ceux, en jardinage ordinaire, qui menacent toute une récolte. Et si on doit se passer un an de tomates, ou de pommes de terres, ou de choux, rien de tragique, on aura plus de chance l'an prochain. Pas la peine de se précipiter sur son pulvérisateur de toxiques, dont il parait que les jardiniers du dimanche font un usage déraisonnable. Ce qui me dépasse, car polluer sa propre terre, ses propres légumes...

Il y a une autre raison, j'adore observer les petites bêtes. Et pourquoi pas les grosses? Quelqu'un m'a suggéré de camper dans mon jardin, une nuit, pour le voir, ce fameux chevreuil... Pour mon petit fils qui vient aux vacances, ce serait une fameuse expérience...