J'ai des pucerons noirs partout. Sur les fèves, bien sûr, vous vous souvenez que c'est volontaire, j'espérais attirer les coccinelles, ratage total. Je viens de repérer (EN JUIN!) la première et la seule sur mes haricots, couverts eux aussi de pucerons noirs, m'étonnerait qu'elle en vienne à bout, elle est bien seule la pauvre. Et je la retrouve toujours à la même place, faudra que je vérifie si c'est pas une fausse, façon nain de jardin minuscule. Pucerons noirs aussi sur les sureaux, sur la camomille, partout, je vous dis.
Mes choux sont un très efficace élevage de chenilles, la biodiversité des chenilles est étonnante. Il y en a qui sont d'un vert cru, toutes seules au coeur du coeur. Là, on peut dire que le chou est foutu, frappé dans ses forces vives. Discrètes, en plus, sournoises, bien cachées entre les plus petites feuilles. D'autres sont beaucoup plus spectaculaires... et moins nuisibles donc. Etonnant spectacle que ces bestioles en rangs serrés, à l'envers des feuilles donc invisibles au début. Mais très vite, la feuille entière disparaît sous leurs mâchoires voraces et multiples, et la jardinière de pacotille se pose des questions. Découvre, écrase (beurk). Explore les autres feuilles, les autres choux. Olala! d'autres chenilles, plus petites, mais c'est les mêmes. Et puis, d'autres encore, minuscules, leurs dents ont seulement aminci la feuille, trop petites pour la traverser. Puis, ces petits amas de grains jaunes, des dizaines d'oeufs bien serrés les uns contre les autres, on dirait une broderie au point de croix miniaturisée. De chenilles en oeufs, le regard se porte, forcément, sur ces très jolis papillons blancs qui se posent, s'envolent, reviennent, hésitent... des papillons qui papillonnent quoi. Vues de près, leurs ailes sont marquées d'un minuscule carré noir. Des piérides. Et très vraisemblablement des piérides du choux.
Mes démêlés avec les limaces, vous les connaissez déjà. Cette année, j'ai de la chance. Je crois que la neige tardive a tué les premières et fait prendre du retard à l'ensemble, elles sont moins nombreuses et n'ont pas encore atteint la taille adulte qu'elles ont d'habitude en cette saison. Reste que ponctuellement, elles sont redoutables. Un plant de menthe coq, mal placé, trop près d'un muret de pierre où leurs pontes trouvent un abri très efficace, abords mal désherbés, est entre la vie et la mort. Des douze scaroles repiquées un soir, la moitié a disparu le lendemain, mâchouillées jusqu'au coeur. Comme pour le chou, quand le coeur est atteint, adieu la récolte. Mon erreur, les avoir planté trop près d'un tas de mauvaises herbes en train de se décomposer. Pour une armée de limaces lassées de bouffer de la pourriture, mes petites salades vert tendre étaient irrésistibles. Quelle piètre jardinière je fais, pas réagi assez vite. Et dire que la limace est symbole de lenteur!
Il y a environ un mois, je suis intriguée par une touffe de coquelicots, une de ces touffes de fleurs sauvages que j'aime bien, quand je les repère à temps, laisser s'installer au gré de leur caprice entre les rangs de légumes ou même sur le rang. Cette année, j'avais fait un bail amical et gratuit à une dizaine de plants. La première fleur, pas vue. Seule une petite tache rouge plaquée au sol évoquait sa vie éphémère. Mais très vite, la floraison s'était étoffée, petits boutons qui gonflent lentement, redressent peu à peu leurs têtes, puis le rouge vermillon de la fleur qui éclate, puis les pétales qui tombent, laissant cette petite tête noire ébouriffée qu sera bientôt porteuse de milliers de minuscules graines noires ou brunes. Rien à voir avec les champs de coquelicots immortalisés par les impressionnistes, c'est vrai, mais bien contente quand même. Or, ce matin là, sur un plant, toutes les capsules de graines ont disparu. Impossible d'accuser les limaces, ça ne grimpe pas sur la tige poilue des coquelicots, trop souple de surcroît. Même mystère sur les haricots voisins, là ce sont les fleurs encore en bourgeon qui ont disparu, pareil, sommet des tiges proprement tranchés. Et aussi, contre le mur, l'églantier: la pointe des tiges a disparu.
Un chevreuil! nous en rencontrons parfois la nuit, sur les petites routes. Il nous est arrivé d'en heurter un avec la voiture, heureusement à faible vitesse, la bête qui sortait d'un talus embroussaillé s'était ébrouée et avait re-disparu très vite dans le noir. Il y a trois ans, à l'automne, j'avais eu un carré de salades, scaroles et frisées prêtes à consommer proprement dévasté par ces charmants animaux. Salement, devrais-je dire, car tout ce qu'ils n'avaient pas dévoré avait pourri ensuite. Que faire? Mon jardin n'est pas clos... et pas facile à clore, en pente, avec des murets de pierre qui s'étagent, une forme échevelée, c'était ma fierté de coller au terrain, de suivre les lignes de pente, quand d'autres ont nivelé, étayé, remblayé, enclos de béton gris surmonté de grilles vertes. Le chevreuil revient, soir après soir, croque ici un bout de laitue, là quelques plants de fraisier, je retiens mon souffle, un soir il va inviter des amis à faire la fête chez moi...
Pas un seul doryphore, ça manque au tableau. je me serais régalée pourtant à vous décrire ces coléoptères élégamment rayés de jaune et de brun leurs oeufs collés au dos des feuilles comme ceux des papillons dont sortent de minuscules têtes d'épingles à pattes qui grossissent à la vitesse de leurs mandibules pour devenir de grosses larves ventrues, d'un marron qui hésite entre le chocolat noir et le chocolat au lait, décorées de deux lignes très design de points noirs. La nymphe, jamais vue, que dans les livres. Un jour, la larve tombe, trop bouffé, s'enterre dans le sol, se nymphose, et ressort sous forme d'insecte. Plusieurs génerations peuvent ainsi se succéder en une saison, je vous dis pas le massacre si vous laissez faire, que ce soit par paresse, amour des bêtes (sissi!) ou choix esthétique. Il arrive que l'insecte ne sorte qu'après l'hiver. Parfois, il faut qu'il cherche un peu, il a des ailes, c'est pas pour rien. Des fois, il trouve, des fois pas... En monoculture, banco, il sort au milieu d'un champ de patates, le bonheur!
Oublié de vous parler des campagnols. Un jour, en plein soleil, un plant de patates s'écroule, fané en moins d'une heure. Tiges coupées, et dessous, une galerie facile à repérer. Aïe, sauf piégeage immédiat, toute la rangée va y passer, le campagnol jubile, il a qu'à suivre la ligne et ne va pas s'en priver. Pareil avec les poireaux, l'an dernier, mon fils a manqué de vigilance... ou de détermination, il n'est pas resté un seul poireau sur les 200 que j'avais planté. Cette année, je veille, ils n'auront pas l'Alsace et la Lorraine!
Après cet état les lieux, vous vous demandez pourquoi ma première phrase. D'abord, c'est tout simple. Les ravageurs les plus féroces, c'est comme les impôts, ils en laissent toujours plus qu'ils n'en mangent. Rares sont ceux, en jardinage ordinaire, qui menacent toute une récolte. Et si on doit se passer un an de tomates, ou de pommes de terres, ou de choux, rien de tragique, on aura plus de chance l'an prochain. Pas la peine de se précipiter sur son pulvérisateur de toxiques, dont il parait que les jardiniers du dimanche font un usage déraisonnable. Ce qui me dépasse, car polluer sa propre terre, ses propres légumes...
Il y a une autre raison, j'adore observer les petites bêtes. Et pourquoi pas les grosses? Quelqu'un m'a suggéré de camper dans mon jardin, une nuit, pour le voir, ce fameux chevreuil... Pour mon petit fils qui vient aux vacances, ce serait une fameuse expérience...