Rue des Soldats.

Lorsque nous avons commencé à évoquer la possibilité de nous installer quelques temps à Hanoi, j'ai cherché de la littérature vietnamienne. Des romans, des nouvelles, la fiction est pour moi la meilleure façon d'approcher la vérité d'un peuple.

Le premier roman que j'ai lu, et il reste à ce jour mon préféré, c'est « Rue des Soldats », de Chu Lai, paru à Hanoi en 1999, traduit aux éditions de l'Aube en 2003, puis dans leur collection de poche en 2004.

Le peuple vietnamien était pour moi un vieux mythe, celui qui avait d'abord vaincu l'armée française à Dien Bien Phu, puis qui avait obligé l'armée américaine à quitter le pays en 75. Je n'avais pas mesuré à quel point, même si j'en suis théoriquement persuadée, il n'y a jamais aucun vainqueur dans une guerre.

Ce livre, et plusieurs autres que j'ai lus depuis, met en évidence les destructions irréversibles opérées sur toute une société par cette guerre-là. L'auteur, né en 46, fait partie de la génération des jeunes gens, hommes et femmes, qui ont sacrifié leur vie, dont les dépouilles ont pourri dans la jungle (le héros d'un autre livre, « Le chagrin de la guerre » ira rechercher leurs ossements pour donner une sépulture à ces âmes errantes dont les fantômes désespérés hantent les forêts).

Ceux qui sont revenus essaient de continuer, de recommencer à vivre, Chu Lai le fait en écrivant. Il nous raconte les héros déchus, leur jeunesse perdue, leur santé gâchée, leur survie misérable dans un Vietnam qui commence déjà à s'enrichir par la libre entreprise, leur position paradoxale: héros de la Patrie et à ce titre respectés et admirés, mais pauvres diables sans le sou obligés d'accepter « douze métiers, treize misères » pour simplement se nourrir confrontés parfois à la condscendance des nouveaux riches.

Obligés de laisser partir leur épouse vers l'occident où on peut s'enrichir, au risque de s'y perdre, de bosser comme des forçats dans une mine lointaine pour en rapporter quelques sous ou la mort, de déchoir un peu en devenant un cafetier désabusé sans clientèle, bref, chacun cherche son chat dans cette "Rue des Soldats" qui se métamorphose à une vitesse effarante.

Dans tous les romans que j'ai lus pour l'instant, une histoire d'amour souvent déchirante est profondément inscrite dans la réalité sociale évoquée, mêlant étroitement l'histoire individuelle et l'histoire collective. Celui-là ne fait pas exception, et l'amour de Nam et de Thao en est le fil conducteur.

Commentaires

1. Le mercredi 16 janvier 2008, 16:37 par Patrick

"il n'y a jamais aucun vainqueur dans une guerre"...une pensée qui à peut-être à voir avec les motifs invoqués, parce qu'il y en a toujours, pour la faire.

Hors sujet : mince, c'est vrai que t'écris "trop bien" ! :o))

2. Le jeudi 17 janvier 2008, 10:08 par laflote

Pardon mc, ça n'a rien à voir avec ton billet du jour, mais j'ai une question à te poser : puis-je reprendre ton idée sur l'affectif concernant Sarkozytor pour un texte chiadé que je voudrais écrire pour qui je travaille ?

3. Le jeudi 17 janvier 2008, 12:55 par mc

Ma belle, les idées sont à tout le monde, les miennes je les ai piquées à l'air du temps, et si j'ai écrit quelque chose qui peut être utile, tant mieux.

Me souviens pas avoir parlé de machin depuis longtemps, mais si tu le dis?

Pareil que pour les chansons populaires, chacun ajoute son pti grain de sel, ya pas de copyright ni de nom d'auteur.

4. Le jeudi 17 janvier 2008, 13:24 par laflote

@ mc : Je me doutais un peu que tu répondrais un truc dans le genre, mais étant une fille à peu près bien élevée, je préfère demander ;-)

5. Le jeudi 17 janvier 2008, 21:37 par agathe

Merci pour le conseil de lecture et bienvenue ;-))

6. Le mercredi 23 janvier 2008, 21:33 par ko

(Hors sujet, mais bon...)
V'la ce que c'est que de se tenir éloignée de 'ternet pendant quelques jours ! Paf, on rate l'ouverture d'un jardin accueillant... Je découvre ton endroit seulement aujourd'hui. Je suis contente de savoir où te trouver !
Y reste quand même du vin de noix pour une voisine retardataire ? ;-)

7. Le jeudi 24 janvier 2008, 08:47 par mc

Merci de ta visite, ko.

Ya plus de vin de noix, mais comme tu es arrivée à l'heure de la ptite tisane du soir, reste du genépi, ou de la vulnéraire.

Et toi, quand est-ce que???
Je m'en faisais un monde, mais grâce à qui tu sais, je suis scotchée par la simplicité.

Je reste quand même dans le basique, hein, faut pas trop en demander (à mon âge!!!)

8. Le jeudi 24 janvier 2008, 21:31 par ko

Ah, je prendrais du génépi avec grand plaisir, tiens !
Sinon, moi, j'avais fait le grand saut, grâce à tu-sais-qui, mais - honte sur moi - j'ai abandonné ce jardin-là (c'était une île). ça doit être un beau bartass, là-bas, maintenant ! ;-)
Mais tu savais, t'étais venue...

9. Le vendredi 25 janvier 2008, 08:56 par mc

@ko

"Do I contradict myself ?
Very well, then, I contradict myself (I am large, I contain multitudes)". (Walt Whitman)

Eh non, tout est en ordre sur ton île, comme si tu l'avais quittée hier (10 janvier 2007 quand même). Pas une broussaille.

Qu'est-ce qui t'empêche d'y revenir?

10. Le vendredi 25 janvier 2008, 14:18 par ko

Je ne sais pas vraiment, en fait !
J'aime mieux commenter chez les autres, faut croire...

11. Le vendredi 25 janvier 2008, 18:57 par Christine

@ko : ben, j'comprends ça ;-)

12. Le lundi 11 août 2008, 22:07 par Jade

coucou, article très intérzessant :) je me demandais ce que tu voulais indiquer dansncette précisionn : j'ai cherche de la litterature vietnamienne ... A+

13. Le dimanche 17 août 2008, 20:52 par cultive ton jardin

J'ai cherché des romans et des nouvelles écrits par des vietnamien(ne)s et traduits en français. J'en a trouvé une dizaine, et trois recueils de nouvelles.

Mais c'est une BD française qui m'a semblé rendre le mieux l'atmosphère de cette ville paradoxale qu'est Hanoi.