Hospitalité Thai

On était quatre, le 7 mai, à parcourir en moto les environs de Dien Bien Phu. Eh oui, c'était l'anniversaire. On avait vu des monuments, des stèles, des tombes, des noms gravés, des reconstitutions de tranchées, des tanks, des canons. On avait besoin d'un peu de fraîcheur, dans les deux sens du terme. On cherchait la rivière (quelle rivière, au fait?), on est passés devant une maison sur pilotis, une de ces maisons bien caractéristiques de la région. Bois et bambou, murs et planchers à claire-voie, rafraîchies en permanence par la ciculation de l'air. Simplement un toit plus actuel, en tuiles. Il y en avait deux côte à côte.

Une dame était devant la seconde, le fameux chignon des femmes Thai Noirs sur la tête. Chignon particulier, réservé aux femmes mariées, complètement sur le dessus de la tête, et très gros, vu que les cheveux ne sont pas coupés depuis la naissance. Le chignon, enfermé dans un filet invisible, est ensuite entouré d'une chaînette d'argent terminée par une médaille qui viendra se placer à l'avant. Le chapeau conique, quand il est placé sur ce volumineux chignon, semble flotter au dessus de la tête, parfois un peu incliné, mais le casque de moto s'en accommode parfaitement.

On lui demande le chemin, elle nous propose de laisser les motos à l'ombre sous la maison, faut dire que le soleil cogne dur, et qu'on accepte avec plaisir. Puis, invités à entrer, on monte l'échelle, on marche avec précaution sur le plancher souple de bambou (solide, certes, mais ça fait quand même une drôle d'impression, ce sol qui bouge sous les pieds et le vide entre les tiges). On s'assied, on se voit offrir dans les traditionnelles et minuscules tasses à thé... de l'eau. Signe qui ne trompe pas, l'hospitalité est une obligation primordiale, mais la pauvreté ne permet pas d'offrir autre chose. La dame nous le confirmera plus tard, quand nous aurons un peu mieux fait connaissance, elle voudrait bien nous inviter à manger quelque chose, mais ils n'ont rien et c'est une honte pour elle.

Entre temps, nous faisons connaissance avec les enfants, les grands parents, le mari. Le vieil homme est âgé de plus de quatre-vingt dix ans, leur maison a "toujours" été là, mais bien sûr ce n'est pas la même, toutes les maisons du secteur ont été détruites à l'époque de la bataille. Celle-là, plus grande que l'ancienne, date de 1973. Les enfants, d'abord timides, s'enhardissent peu à peu, prennent plaisir à se faire photographier. Les femmes sortent leurs travaux de broderie: des sacs rouges, que nous avons déjà remarqués dans la rue au cou des écoliers, des écharpes noires, brodées de très vives couleurs aux deux extrémités. Au terme d'un montage compliqué qui fait revenir sur le front les deux parties brodées, elles servent de coiffes, surprenantes et élégantes, que nous avons déjà, elles aussi, repérées sur la tête des femmes qui parcourent les marchés.

Quelques achats, avec plaisir, puis nous allons chercher notre rivière, que nous trouvons au bout du petit chemin. Une idée se faufile dans la tête de l'un d'entre nous: on avait prévu de faire la cuisine à l'hôtel, pourquoi ne pas proposer de la faire plutôt ici, avec cette famille? C'est Van, notre précieuse Van, qui se charge de la démarche. C'est décidé, nous revenons demain pour manger avec eux. Entre temps, nous aurons fait tirer les photos sur papier, et fait quelques provisions de légumes, fruits et viande.

Le riz sera offert par nos hôtes.

Commentaires

1. Le dimanche 11 mai 2008, 13:15 par Tietie007

Il est vrai que les habitants des campagnes, dans les pays en voie de développement, sont souvent d'une générosité incroyable !

2. Le dimanche 11 mai 2008, 14:00 par dominique

Tu sais quoi, Jardin ? Je ne sais même pas situer sur une mappemonde ce pays que tu nous racontes ! Et c'est bonheur que de le découvrir, candide, pas à pas.
Voyage au pays imaginaire, une promenade avec toutes ses vertus.
J'aimerais tellement voir une "image" de cette maison sur pilotis.........

3. Le lundi 12 mai 2008, 01:22 par vieil anar

Salut mc, belle photo littéraire encore une fois, ça a l'air vraiment bien, ce qui nous attend!! J'rigole pas, ça va p'têt pas tarder, mais je ne suis pas sur que nous aurions encore l'élégance de servir de l'eau chaude dans une théière, en place de thé, par simple.. humanité, je ne suis pas sur que ce soit le bon mot!

Excellente idée que vous avez là, d'aller faire votre cuisine chez ces gens qui manquent de tout,(pas encore du riz, j'espère, tu dis qu'ils le fournissent pour les repas, mais pour combien de temps?).

Ces gens qui vivent de si peu,(quand je dis,"ces gens", ce n'est pas du mépris!) ont des siècles d'avance sur nous, pour aller à l'essentiel! A bientôt.

4. Le lundi 12 mai 2008, 04:15 par cutive ton jardin

Tu as raison, vieil anar, le coup de l'eau, ça m'a vraiment touchée. Mes amis et moi, nous nous sommes demandés à plusieurs reprises si on pourrait s'adapter à vivre comme ça.

Mais pourquoi pas, si on y était obligés? Ce n'est pas la misère, d'ailleurs, les enfants sont souriants et en bonne santé (quoique, paraît-il, la mortalité infantile augmente (j'ai pas vérifié).

Ils installaient le téléphone, ils avaient l'électricité, le riz je pense que c'était leur récolte, des herbes et légumes dans le jardin.

Il y avait même un numéro sur leur maison, blanc sur fond bleu, comme cheu nous.

5. Le mardi 24 juin 2008, 17:38 par Marie-Hélène

Je suis très émue par ce billet, et je peux dire que j'ai le même type d'expérience à chaque fois que je rentre dans une maison, dans un village au Vietnam.
A la campagne, on nous a offert du thé, ou de la gnole de riz, ou de l'eau chaude. Je travaille avec des familles en grande détresse, ayant un ou plusieurs enfants handicapés, et leur hospitalité va souvent jusqu'à nous inviter à partager leur repas. Il y a toujours une grande dignité dans les familles de la campagne Vietnamienne, qui fait que lorsque l'on est venu une fois au Vietnam, on ne rêve que d'y revenir.
Merci MC pour cette bouffée d'émotion. MH