Laissez chanter les salopards!

Je voulais pas en parler. D'ailleurs, j'avais promis à Fajua d'écrire sur le bonheur.

Tous les blogs féministes se sont acharnés sur ce pauvre garçon. Ont vilipendé ses chansons. Ont réclamé, parfois obtenu, sa déprogrammation. D'autres l'ont défendu. Ont crié à la censure. Ont parlé, fort bien, de la liberté de l'artiste. Se sont indignés de l'outrecuidance de ces hystériques féministes. On sait, depuis Freud qui a donné à cette maladie un nom incontestablement féminin, que seules les femmes peuvent être hystériques puisque seules les femmes ont un utérus. On sait aussi que le nom de maladies psychiques est tout désigné pour servir d'insulte, il n'est qu'à voir comme prolifère le mot "shizophrènes" pour désigner les hypocrites et les cyniques, et comme "autiste" est devenu synonyme de méprisant, genre "cause toujours, pauvre con".

Le monsieur lui-même, après il me semble un temps d'hésitation, est descendu dans l'arène, sans crainte d'être déchiré par les furies. Il y a plusieurs versions, légèrement différentes, de son point de vue.

Une d'entre elles est brute de décoffrage: Il s'étonne qu'on puisse être choqué par ses paroles: "Déjà quand on est entre potes, nous, on parle comme ça, alors ça nous choque pas."

Dans une autre, il tente d'expliquer le contexte et d'édulcorer: "Sale Pute, c’est l’histoire d’un gars qui tombe sur sa copine en train de le tromper, il est dégouté, il rentre chez lui, il boit, il ressasse ce qui s’est passé, il craque et lui envoie un message sur internet où il la menace." puis nous livre sa vision des relations hommes/femmes: "pour moi, quand tu es en situation de couple, tu es obligé de défendre tes couleurs et être un peu égoïste. Je suis peut-être un peu macho, c’est vrai ! Mais pas misogyne ! Oui, quand je sors avec une fille, je ne pense un peu qu’à ma gueule et je prends le plaisir là où il y en a…"

Finalement, on a droit à la version politiquement correcte, on entend presque le souffleur derrière, et on voit apparaître les mots "dénoncer" et "malheureusement" (ouf, il était temps!)

"Je comprends que ce morceau ait pu choquer certaines personnes et je m'en excuse. Il faut pour autant le remettre dans son contexte. Je ne cautionne pas ce que fait ce type dans la chanson, c'est juste une manière pour moi de le dénoncer, c'est fictif. Ce n'est pas un morceau autobiographique, mais plutôt un fait qui existe, malheureusement. Après je conçois que les paroles crues puissent déranger."

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Ce qu'on a peu noté, c'est que ce type n'est qu'un porte parole, un instrument de mesure. Je ne souhaite pas qu'il soit censuré. Au contraire, il nous faut bien entendre et faire entendre ce qu'il dit, écrit, chante. Et bien réfléchir à ce que ça signifie, qu'un mec chante ça, certes, mais SURTOUT qu'il trouve un public pour l'écouter, l'apprécier, des gens pour dire que c'est de l'art, et d'autres pour dire que non, mais c'est pas grave.

Il faut nous souvenir (par exemple) que dans toutes les guerres (et les non guerres) pourries des siècles et des siècles, des soldats (et des non soldats) ont violé et éventré des femmes pour sortir des foetus de leurs ventres. Pas à l'opinel, là, on sent un peu le manque d'expérience et d'outillage. Mais ça continue, encore et encore. Et un mec en fait une chanson, rajoute sa "petite entreprise" perso à la grande, et conclut "Là, c'est que des paroles". Bien vu, mon pote!

On peut se souvenir aussi que parmi les motifs des meurtres de femmes, à côté de "La soupe était pas assez chaude" (véridique) il y a, en très bonne place "la salope était infidèle" ou "La garce voulait me quitter".

Merci à Orelsan de nous faire souvenir de tout ça, et du reste. Finalement, dans la mesure où un artiste est le reflet de son époque, Orelsan est bien un artiste.

Fajua, désolée, pour le bonheur, on dirait que je suis pas encore en condition aujourd'hui.

Commentaires

1. Le mardi 28 avril 2009, 21:31 par olympe

je suis persuadée que nous avons réussit à faire réfléchir des gens. Il nous faut continuer à dénoncer encore et encore

2. Le mercredi 29 avril 2009, 12:51 par Chomp

C'est encore un nième avatar de l'hyper-relativisme, tout-est-dans-tout, blabla, toutes les opinions sont respectables, blabla, liberté de l'artiste.
Conception de la liberté d'expression au sens "libéral" de la liberté
( dans laquelle la liberté c'est le droit de faire ce que je veux de mes esclaves)
...bref.
Non.
Il existe des opinions de merde.
Il existe des discours abjects.
Il existe un filon lucratif de la provocation et de l'insulte.
Il existe une manière ultra-cynique de dévoyer les concepts comme "liberté de l'artiste"
(hey, l'artiste de mon cul, tu sais que tu es une sale merde ? Pardon j'ai le droit de le dire, hein, ch'uis artiste aussi, faut bien que j'm'exprime, hein ! Même que la SACEM me donne des sous quand je chie dans ton mp3, ça prouve, hein).
Voilà.
La connerie est une martingale. Pas de soluce, seulement quelques contre-feux.
Continuons.
Personnellement le registre de l'injure me fatigue, j'ai l'impression que ça m'obligerait objectivement à prendre des bains de décontamination sans arrêt, mais avec nos protestations, nous montrons une certaine foi dans l'homéopathie.
Autant dire que nous tentons notre chance dans le très très hypothétique ... :
Car la polémique fait du buzz, donc du biz ...

3. Le mercredi 29 avril 2009, 12:57 par Chomp

Note : je viens de relire et trouver que le fil de Christine dans les suiveurs sur ce même sujet est clos. Mon comm vaudrait à l'identique, of course, sur vos deux billets..

4. Le jeudi 30 avril 2009, 16:22 par vieil anar

Bon, finalement je crois que je ne vais rien rajouter sur cet étrange sujet, bizarrement monté en épingle, pour un festival de Bourges voisin, ou j'ai déjà entendu pire...en anglais il faut dire...!

Peut-être, faudrait-il rajouter des sous-titres à certains raps assassins....!?

5. Le jeudi 30 avril 2009, 19:03 par jardin

Quand un mec parle, pour se venger, de mettre sa copine enceinte (le viol est sous entendu) puis de l'avorter à l'opinel, ya plein de femmes à qui ça fait... mal au ventre, tu m'excuseras d'en être.

Que ce soit le chanteur lui-même ou un personnage qu'il imagine (et qui lui ressemble comme un frère, je dois le dire, après avoir lu et écouté certaines de ses interviews), ma liberté d'expression vaut bien la sienne, non?

6. Le vendredi 1 mai 2009, 22:17 par Fajua

Je crois que c'est ce que j'ai lu de plus juste sur le sujet. Ça vaut toutes les tentatives d'expliquer le bonheur… ;-)