Grelinette et saints de glace

J'avais commencé, dans le billet précédent, à répondre au commentaire de Minium, et je me suis vite aperçue qu'un billet entier n'y suffirait pas. D'où ce nouveau billet, qui en effet ne répond que partiellement.

C'est bien d'une vraie "Grelinette" que je dispose. J'étais hélas tombée sur une mauvaise série (je crois qu'ils ont eu quelques ennuis de fabrication et de livraison) et une des dents se désolidarisait des autres au point de finir par tomber. Alors que normalement, un outil de jardin, c'est éternel. Je ne leur en ai pas voulu, ce sont de presque voisins, et j'ai racheté un modèle plus étroit (quatre dents seulement), mais finalement j'ai peut-être eu tort, car d'année en année le travail de ma terre devient plus facile. Qu'importe, à quatre dents ça va très bien et très vite en terre meuble.

Quand je suis arrivée dans cette maison, il y a maintenant plus de quinze ans, j'ai commencé, c'était l'été, par planter une vingtaine de poireaux à l'emplacement utilisé par les anciens propriétaires. Disparus corps et biens en quelques jours. Campagnols et limaces, ce fut la curée. De plus, la parcelle était caillouteuse et très pauvre, coincée entre quelques groseilliers faméliques qui faisaient vraiment pitié. J'ai fini par comprendre que c'était le bout d'un ancien jardin qui avait plutôt servi de dépotoir, non seulement à cailloux mais à débris de toutes sortes. Beaucoup de morceaux de verre, et quelques flacons entiers, dont certains assez anciens pour être dépourvus de pas de vis. Un très joli flacon de "Rojaflore" aussi, bouchon compris et une petite bouteille du genre de celles qu'utilisait ma grand mère pour faire son pastis maison. Et même une cartouche en verre de stylo plume. Plus des tubes d'aspirine alu écrasés, et autres reliques fleurant bon les années 50.

Impossible de me contenter de cette misère. Je jardinais depuis 1975 (depuis l'enfance devrais-je dire, mais avec une longue interruption) et c'était devenu vital pour moi. C'était vital tout simplement au début, je remplissais chaque été un congélateur de 200 litres, et ça allégeait singulièrement notre maigre budget de n'acheter aucun légume, ça nous permettait même de réduire notre consommation de viande, autant de gagné en plus. Quand ça avait cessé d'être une nécessité de survie, c'était devenu psychologiquement vital.

J'ai fait prolonger largement, dès l'automne, mon jardin vers l'est. Un paysan du coin s'en est chargé avec son tracteur. Petite difficulté, nous avions repéré un inquiétant et intense va-et-vient de guêpes au milieu de cette prairie. Impossible d'éventrer ce nid au tracteur, il fallait le détruire avant, et ce ne fut pas facile. Pas folle, la guêpe-mère avait décalé d'une cinquantaine de centimètres le nid par rapport à la galerie d'accès, nous nous acharnions sur le vide.

Même préparée au tracteur, puis affinée au motoculteur, c'était encore un fameux boulot, cette lourde terre de prairie, où subsistaient des mottes de trèfle ou de chiendent quasiment indestructibles. Rien à voir avec ce que c'est devenu aujourd'hui. Depuis que je suis à la retraite, j'ai décidé de préparer la terre manuellement. Il y en a qui achètent un vélo sans roues pour pédaler devant leur télé, moi j'avais une autre technique pour rester en forme, la grelinette, j'y reviens. Dans des conditions favorables, en terre meuble on plante l'outil, on fait levier avec les deux manches pour l'incliner en brisant la terre. Puis on secoue en soulevant légèrement le manche de droite puis celui de gauche pour finir de briser les mottes, on recule de dix centimètres, on replante, et ainsi de suite. Aucun effort sur les reins puisqu'on ne soulève ni ne retourne la motte.

En terrain lourd, pour défricher, c'est nettement plus dur. Il faut forcer davantage, se pencher en avant pour avoir plus de force dans les bras, arracher les racines, briser les mottes avec un autre outil. Je continue à étendre mon jardin vers le nord-est, et je me défriche chaque année quelques mètres carrés, confiant aux pommes de terre le soin de terminer le travail. Et à l'extrémité sud-ouest, en bordure du ruisseau, j'agrandis peu à peu un coin de prairie fleurie où il sera sympa de se reposer à l'ombre du tilleul que j'ai planté en l'honneur de mon petit fils. Pour le moment, il est vrai, l'ombre du tilleul... mais petit arbre deviendra grand, c'est ce pas?

Dans son commentaire, Minium me dit que je ne suis pas si en retard que ça, que chez elle on attend la fin des "saints de glace": saint Servais, saint Mamert et saint Pancrace, 11, 12 et 13 mai me dit-elle. C'est à peu près ce que je fais moi aussi, tout ce qui craint le gel doit rester à l'abri jusque vers la mi-mai, du moins dans ma région de climat alpin: une gelée surprise n'est jamais à exclure. J'avais, enfant, une autre référence, la "lune rousse", celle qui suit Pâques et qui donc variait chaque année. Mais c'est incroyable, la sympathique mention des lunes, le smiley de la pleine lune, celle toute noire, et les deux croissants, le premier et le dernier, tout cela a disparu de mon agenda actuel! honte à moi de n'avoir pas contrôlé ce détail. Quant aux saints, leurs prénoms démodés avaient cédé depuis longtemps la place à d'autres plus en vogue.

Mais Minium a raison. Mon gros effort de jardinage, c'est en mai. Seulement, il faut que la terre soit prête. Et là, j'avais du souci à me faire. Ce n'est plus le cas. J'ai mis les bouchées doubles, et les brouettes de plants que je vais rapporter vendredi du centre Terre Vivante je saurai où les installer. Ainsi que les trente pieds de tomates (tomates des Andes, tomates de Bérao, Noires de Crimée) qui attendent devant la vitre de ma salle à manger, et ont un peu, hélas, tendance à s'étioler.

Pour le paillage, impossible Minium: un élevage de limaces au pied de mes tomates, c'est pas vraiment ce qui convient chez moi. Heureusement, avec le ruisseau, j'ai de quoi arroser. Je remplis une vieille baignoire pour que l'eau ne soit pas trop glacée et j'arrose le soir, avec deux arrosoirs de 12 litres. Mais je retiens ton idée d'un paillage fait de ronces broyées. Parce que des ronces... c'est pas ce qui manque chez moi! Tu as quoi comme broyeur? Je laisse en effet les herbes arrachées sécher sur place quelques jours, puis je les mets en tas à part du compost car elle mettent beaucoup plus longtemps à se décomposer que les épluchures, et sont pleines de graines et de racines de chiendent et d'ortie. L'endroit d'où je les enlève a fonctionné comme piège à limaces, je les ramasse par dizaines, autant de Ferramol économisé, je ne l'utilise qu'en dernier ressort.

Merci à lui, pourtant, d'avoir sauvé ce qui restait de ma plantation de laitues, et d'avoir stoppé net l'attaque sur mes plants de choux fleurs.

Commentaires

1. Le mardi 5 mai 2009, 11:16 par Franceline

Intéressant ; j'ai vu la démonstration de la grenilette lors d'une foire éco-bio ; il faudra que je m'en achète une. Bêcher avec la fourche-bêche me cause depuis quelques temps des maux dans le bas du dos.
Je revienderai sur ce site. Il me plait.

2. Le mardi 5 mai 2009, 16:06 par Minium

4 dents, oui, c'est très bien :o)
J'ai hérité de mes grands parents un vieux broyeur thermique ALKO à couteaux. Mais mon père en avait un électrique moins costaud, et ça abat déjà du travail. Tu pourrais par exemple y passer tes herbes pour qu'elles se décomposent plus vite.

Pour nettoyer des parcelles de leurs rejets indésirables et aérer le sol, je crois que des associations comme le seigle et la luzerne sont parfaits, mais je n'ai pas essayé.

Nous achetons des camions de compost et en mettons dans les trous à chaque semis ou plantation, pour remplacer avantageusement les engrais.

3. Le mardi 5 mai 2009, 17:51 par jardin

La communauté de commune dont je fais partie collecte les déchets bio-dégradables et en fait un compost qu'elle revend à un prix raisonnable. Mais je fais moi même un compost assez correct avec les déchets de cuisine, les feuilles mortes, le crottin de cheval et les déchets du jardin pourvu qu'ils n'aient ni racines ni graines.

C'est en effet très efficace comme fertilisant.

4. Le mercredi 6 mai 2009, 14:22 par totem

J'abonde, la grelinette c'est super, j'en ai une authentique (celle de Chambery achetée par correspondance) à 5 branches et je ne me casse plus le dos à bêcher notre jardin de montagne (1300m).

5. Le jeudi 7 mai 2009, 14:05 par vieil anar

Bon, allez, je recommence, com perdu...! C'est marrant, comme ces outils antédiluviens, comme la grelinette de ce bon Mr Grelin, reviennent comme des auxiliaires providentiels de la lutte contre la crise, (4 ou 5 griffes, on s'en fout...!).

Enfin, on s'en fout....pas tant que ça, ça dépend du terrain, argile ou silice....!! Bon, en en même temps, attaquer un terrain vierge, à la grelinette, faut pas rêver non plus...!! Loin de là..., mais attention aux labours, (du voisin pourvu d'un tracteur...!), trop profonds, après, c'est irrémédiable..!

Les saints de glace et la lune rousse, ah ça, ma foi, intéressants phénomènes météo, souvent explicables par la géophysique, mais pas toujours....

Les 11, 12, 13 mai, indéboulonnables..! Servais, Mamert, Pancrace, restent un peu plus mystérieux que la lune rousse... Celle là, intervient en seconde lunaison après la 1ère pleine lune de printemps, qui détermine aussi la date flottante de Pâques, et elle est caractérisée, cette fameuse Lune Rousse, par des phénomènes assez étranges de taux de pression entre la température du sol, (surtout entre minuit el le lever du soleil,), jusqu'à 1m 50 du sol et les très basses pressions, qui peuvent varier entre 2,3 voire 4 degrés Celsius et peuvent "cramer", roussir, les premières pousses ou les fleurs des fruitiers, de manière iirémédiables, par couches variables horizontales...!

Euh,...c'est clair ou pas...! pour les Saints de glace, je dois avoir un truc en mémoire qqpart, mais il faut que je cherche avant..! A plus !

6. Le vendredi 8 janvier 2010, 09:54 par gérard

Bonjour,
j'ai bien noté les bien-faits de la grelinette, mais comment puis je enfouir mon fumier de ferme si je ne retourne pas ma terre.
merci d'une réponse.

7. Le vendredi 8 janvier 2010, 14:53 par cultive ton jardin

Moi je fertilise au compost, pas de fumier frais. J'incorpore le compost au moment du semis ou de la plantation, dans les trous de plantation ou les sillons. J'en rajoute en cours de végétation pour les plantes gourmandes en l'incorporant superficiellement. .
Je fais mon compost avec ce qui me tombe sous la main, épluchures de légumes, "mauvaises" herbes (non grainées), engrais verts, branches broyées, fumier, feuilles mortes.

Tu peux consulter, sur le site "Terre Vivante", la rubrique "Faire son compost".

8. Le vendredi 8 janvier 2010, 15:09 par gérard

merci de ta réponse je fais également mon composte en y mélangeant du fumier de cherval donné par mon voisin. Dans une culture bio peut on quand meme utiiliser les fraises d un motoculteur pour émietter la terre et incorporé engrais bio ou composte.
merci

9. Le vendredi 8 janvier 2010, 18:19 par cultive ton jardin

Je ne suis pas experte en agriculture bio "officielle", mais je ne pense pas que l'utilisation d'un motoculteur y soit interdite.

L'inconvénient du motoculteur, c'est de provoquer à la longue une "semelle" en dessous de sa zone de travail, et aussi de morceler des herbes indésirables telles que le chiendent et le liseron, dont CHAQUE fragment donnera alors une nouvelle plante.

Sinon... c'est évidemment beaucoup plus rapide. Je ne cultive tout mon jardin à la grelinette que depuis que je suis retraitée!

10. Le samedi 9 janvier 2010, 09:11 par gérard

je viens juste de prendre ma retraite c' est pour ça que je veux prendre le temps de jardiner un peu plus bio et me faire moins mal aux reins qu'avec la beche et ma terre est tres argileuse lourde pour l'emietter les fraises sont le meilleur moyen.

11. Le lundi 3 mai 2010, 16:55 par nounette37

Bonjour,
Quand j'étais au lycée, un prof de physique expliquait les saints de glace par la présence d'un groupe de cristaux de glace situés dans l'espace.
En mai, les cristaux se trouvent entre la Terre et le Soleil et freinent ses rayons ce qui refroidit la Terre.
En novembre, les cristaux se trouvent derrière la Terre et reflètent la chaleur du soleil et nous avons l'été de la Saint Martin.
Je n'ai plus jamais entendu parler de cette hypothèse par la suite mais je la trouve très sensée.

12. Le lundi 3 mai 2010, 18:17 par cultive ton jardin

Peu probable qu'il y ait des cristaux de glace (donc de l'eau) dans l'espace... Sur Wikipedia, ils parlent, sans conviction, de poussières interstellaires.

L'instabilité des températures, typique du printemps, explique sûrement que cette période ait marqué les esprits paysans. Quand on a commencé à mettre en terre les plants de tomates et à semer les haricots, deux plantes qui ne supportent pas du tout le gel, un écart à la baisse du thermomètre est une catastrophe.

Chez moi, on dit, sans parler de "saints de glace", qu'il ne faut pas commencer les cultures fragiles tant qu'il reste de la neige sur la montagne voisine. Je crois que la vertu des saints de glace, ou celle de la neige résiduelle, est surtout de servir de pense bête.