Première gelée

Si vous êtes débutant en jardinage, prenez la peine de noter la date de la première gelée. Et notez la chaque année, c'est une date bien utile. Cette année, chez moi, c'était dans la nuit du 14 au 15 octobre. J'avais ramassé mes potirons l'avant veille, mais le soir du 14 ils étaient encore dans leur brouette, devant la porte. Je ne m'en suis avisée qu'à la nuit tombée. Il m'a heureusement suffi de rentrer la brouette dans le couloir. Le lendemain matin, partant tôt pour une randonnée, je trouvai mon pare-brise "embué", une buée que les essuie-glaces ne faisaient pas disparaître: pare-brise givré.

Pour la petite histoire, le temps s'annonçait très bleu, dur et froid comme je l'aime... mais nous sommes partis dans une vallée voisine chercher les nuages et le brouillard givrant. Pas de paysage à admirer, par contre de très belles touffes d'herbe frangées de blanc. Le givre, en se formant dans nos cheveux, nous faisait d'élégantes aigrettes nacrées.

Le lendemain, je suis allée inspecter mon jardin. Les haricots sont les sentinelles du gel. Si vous n'avez pas de thermomètre, vous savez que le zéro a été atteint, à la brûlure des feuilles de haricots. Les feuilles des courgettes aussi avaient accusé le coup, moins, et il restait à cueillir cinq petites courgettes qui nous firent le soir même une très agréable tarte courgette et féta. J'avais également laissé en place trois petites butternuts "tombées de la dernière pluie" au sens propre. Leur maturité était un peu juste, mais inutile d'attendre maintenant, le temps resté bien froid ne leur laissait guère d'espoir. Les plus jeunes tiges de tomates, qui avaient cru que l'été indien leur laissait un créneau, avait elles aussi souffert. Les tomates sont encore belles, seulement, elles ne mûriront plus. Je les ramasse: cinq kilos de tomates des Andes, et presque deux kilos de Noires de Crimée. Confitures ou chutney?

Un petit plant de Physalis peruviana (Prune des Incas), qui avait poussé tout seul à partir d'une graine ancienne, était, lui, complètement ratatiné. Dommage, j'aimais bien cueillir et grignoter ses petites cerises orangées, enveloppées dans un lampion de papier de soie jaune. Qu'est devenue la verveine? Ma foi, elle a résisté, c'est ma dernière chance de faire la seconde cueillette. Ah, le parfum de la verveine... j'étale les tiges sur une serviette, elles y resteront quelques jours avant d'être effeuillées et stockées dans un sac en papier ou une boite métallique. Pour bien faire, il faudrait que je mette la plante en pot et que je la rentre pour l'hiver. Trop paresseuse, je prends le risque chaque année. S'il ne gèle pas trop, elle repousse encore plus belle. Sinon... j'en suis quitte pour racheter un plant au printemps.

Les soucis semés fin août par mon petit fils sont magnifiques, comme si le gel leur avait donné de l'éclat. Les bettes à carde rouge n'ont pas souffert, on en profitera encore un peu, il leur arrive de résister jusqu'au printemps et de donner une dernière récolte avant de monter en graine, même si parfois la souche pourrit. La sécheresse a empêché les poireaux de grossir, pas grave, il y en a assez pour nous réjouir tout l'hiver: fondues, tartes, verdure de pot au feu. Pour le pot au feu, il y a aussi les choux et les panais, qui y trouvent bien leur place. Les panais supportent l'hiver et peuvent rester en terre, s'il ne fait pas trop humide. Quant aux choux, il faudrait les remettre en terre dans un endroit abrité des différences de température. Ils supportent bien le froid, mais les alternances gel/dégel les font pourrir. Il n'en reste pas beaucoup, ils seront mangés avant.

Quelques feuilles du figuier planté au printemps et dédié à ma petite gazelle se sont recroquevillées, je suis un peu inquiète, je vais protéger la base du buisson avec des feuilles mortes enveloppées dans un film de non tissé. Planté dans un coin bien abrité, il a poussé très vite, et doublé de hauteur en quelques mois. Je serais désolée qu'il lui arrive des bricoles.

Dans les jours qui viennent, je vais finir de nettoyer le jardin, ranger piquets, bâtons, cordeaux, outils, mettre au compost les plants de tomates, courgettes, potirons, refaire le tracé des allées, finir de désherber les coins très envahis. Je ne nettoie jamais trop, il faut que la terre reste couverte, et que les insectes auxiliaires puissent y attendre, bien abrités, le retour du printemps. Je laisse en place toutes les herbes pas trop teigneuses, les mourons, les véroniques qui tapissent bien le sol. Je laisse aussi un nombre raisonnable de vivaces spontanées ou naturalisées, cardère, onagre, rose trémière, julienne des jardins qui ponctueront de leur floraison mon jardin de l'an prochain.

Après, je fais comme les hérissons et les crapauds qui, je l'espère, auront profité de l'hospitalité offerte, quelques tas de bois déposés ici ou là:

J'hiverne!

Commentaires

1. Le samedi 17 octobre 2009, 20:52 par olympe

à quoi ça sert de noter la date ?

2. Le samedi 17 octobre 2009, 21:47 par cultive ton jardin

Pour prévoir à peu près l'an prochain. En général, c'est utile de noter ses observations et de suivre les différences d'une année sur l'autre. Par exemple, si les premières gelées se font toujours autour du 15 octobre chez toi, inutile de semer des haricots après la fin juillet, tu auras pas le temps de les récolter.

Et aussi ça te permet de rentrer tes potirons à temps. Vingt kilos de potirons gelés, ça fait désordre. Et ya pas que les potirons, plein de choses passent l'arme à gauche dans un potager avec les premières gelées.

3. Le vendredi 23 octobre 2009, 09:36 par Janot Lapin

Malgré des premières gelées parfois vers le 15 octobre, je fais deux récoltes de courgettes et de haricots verts. Les premières avant la fin juillet, les secondes jusqu'aux gelées.

Effectivement, on ne bêche plus à grosses mottes avant l'hiver et il faut que la terre reste couverte. Cette année, sur les plates-bandes libres, j'ai semé très dru un engrais vert (de la phacélie). C'est très couvrant et les petites feuilles sont d'un très joli vert tendre. Quand il est trop tard pour que la phacélie lève, je couvre les plates-bandes nues avec des feuilles de noisetier que je demande à mon voisin. Et je les maintiens avec un filet anti-oiseaux pour qu'elles ne s'envolent pas partout.

Est-ce que vous laissez en place tout l'hiver - en les protégeant - vos carottes et vos betteraves rouges ? Autrefois, il était obligatoire de les rentrer en cave.

4. Le vendredi 23 octobre 2009, 10:05 par cultive ton jardin

Je ne suis qu'une petite jardinière, carottes et betteraves rouges sont mangées plutôt que conservées. Je ne suis pas très efficace sur la conservation, cela demande des qualités que je ne possède pas. Et puis, ma maison est surtout peine l'été...

Je laisse panais, choux et poireaux qui supportent bien le froid. Pas trop l'humidité pour les panais, mais bon...

5. Le vendredi 23 octobre 2009, 14:48 par malijai

Le temps par chez vous ressemble un peut à ce que nous avons ici à Montréal. Ici aussi il a gelé vers le 15 octobre et le jardin a pris un air tristounet.


Pour le figuier, il faudrait peut être lui mettre un tas de fumier au pied, ça produira de la chaleur qui le protègera des gels profonds. C'est comme ça que mon garnd père faisait passer l'hiver à son bananier dans son jardin à Strasbourg avant la guerre.

6. Le vendredi 23 octobre 2009, 18:03 par cultive ton jardin

Merci pour le figuier, je pensais effectivement le protéger, avec un monticule de terre et une bonne couche de feuilles mortes. Au moins la première année, car plusieurs voisins me disent qu'il n'y a pas de problème par ici pour les figuiers. On est dans le "midi moins le quart" et comme la terre se réchauffe, on voit apparaître des arbres qu'on n'aurait pas osé avant.

J'ai par exemple un laurier qui, depuis 15 ans, se comporte plus en envahisseur qu'en espèce à protéger.

7. Le samedi 24 septembre 2011, 13:18 par thesindy

Très culturel et poétique, bravo, apporter la connaissance en charmant par des histoire, excellent !