La banalisation du nucléaire

Je suis en train de lire un vieux livre, La supplication, de Svetlana Alexievitch. Il commence par le témoignage de la femme d'un des tout premiers "liquidateurs" de Tchernobyl. Il continue par d'autres témoignages, ceux qu'on a obligés à partir, ceux qui ont tout fait pour rester (les vieux, crever pour crever autant crever chez soi, comme je les comprends), et d'autres, beaucoup d'autres. Je crois pas que j'arriverai au bout. Je crois que je vais me contenter de lire quelques sous-titres, le contenu est insoutenable, ce contraste entre l'horreur et la tristesse fataliste des témoignages.

Alors, chipoter sur la définition du millisievert pour savoir si oui ou non je peux manger les épinards que je viens d'acheter au marché, hein... On peut même plus utiliser le mot "indécence", il est contaminé par les pro-nucléaires.

Commentaires

1. Le mercredi 13 avril 2011, 12:09 par usclade

Oui c'est fou ces gens qui, au nom du recueillement envers les victimes, crient à l'indécence parce qu'ils ont en face d'eux, des gens qui, militants ou lambda effrayés par une catastrophe encore non maîtrisée (la perte de contrôle de quatre réacteurs nucléaires), demandent l'abandon de ces technologies.
Alors que les premiers sont les mêmes qui vont exploiter le viol et le meurtre d'une pauvre malheureuse avant même que le coupable n'ait été identifié, capturé et jugé, pour pondre une nouvelle loi saturée de bons sentiments façon "plus jamais ça ", tout autant que de préjugés haineux (les délinquants, faudrait les tuer à la naissance), afin de se faire élire...

On pourrait presque croire que c'est louche, ce "deux poids, deux mesures...". Comme s'ils avaient des choses à vendre...

Sinon ce Mr Manicore serait bien inspiré de lire ton bouquin. J'adore son billet biaisé, trop relativisant pour être honnête, il va surement m'en inspirer un chez moi...

(note pour moi même : essayer de faire des phrases plus courtes)
2. Le mercredi 13 avril 2011, 19:15 par fabien

Tiens, bonjour, je tombe sur ton billet alors que je viens justement d'écrire à ce sujet dans un mail que j'ai envoyé à Alain... Voici qui fera écho à ta remarque sur l'indécence:

"Tu transmettras aussi ceci aux politiques français de droite qui se sont exprimés après la catastrophe de Fukushima: la première chose qu'ils ont dite est qu'il était "indécent" de prendre prétexte de cette catastrophe pour remettre en cause les programmes nucléaires français ou européens... et j'ai été fort étonné de n'entendre personne répondre qu'il serait au contraire "indécent" de ne pas le faire... même les écolos comme Conh Bendit semblaient ne pas savoir quoi répondre à cet argument de l'indécence, ils étaient sur la défensive en disant que non, poser ces problèmes n'était pas indécent, qu'ils n'avaient pas attendu la catastrophe pour en parler, que ceci, que cela... sans s'aviser que l'argument n'en était tout simplement pas un, que ce n'était qu'une posture péremptoire, une phrase à contenu moral absolument nul et qui pouvait aussi bien être retournée comme une vieille chaussette... et ça a marché: les opposants avaient peur de manquer de respect envers cette chaussette morale: ah oui ne soyons pas indécents, ne profitons pas de la situation, c'est ce que sous-entend le seul fait de répondre au pseudo-argument, d'en tenir compte malgré tout, en expliquant qu'on n'est pas dans le cas de l'indécence qu'il dénonce... alors que justement l'énoncé même de ce reproche est invalide, puisque c'est le contraire qui est moralement vrai: il serait indécent de ne pas tenir compte de ce que nous dit l'événement, de prétexter le respect des victimes pour laisser de côté les querelles techniques ou politiques, de circonscrire l'événement dans l'appellatif "accident" et d'en méconnaître la portée, qui remet bien en cause les programmes nucléaires en tant que tels, et précisément sous un angle moral: ne voit-on pas que les certitudes humaines sont battues en brèche par les faits? Que ce qui ne devait et ne pouvait pas arriver arrive, tout simplement, et que cela remet donc en cause moralement tous ceux qui nous assurent du contraire, et qui crient à l'indécence quand on formule cette remise en cause...

(par parenthèse, sans attendre une météorite ou quelque autre circonstance naturelle imprévue, je suis bien étonné que des petits malins n'aient pas encore envoyé un missile sur l'une de nos centrales, ça ne doit pas être extraordinaire à bricoler... mais attendons encore un peu et surtout restons décents...)"

3. Le mercredi 13 avril 2011, 21:44 par Juléjim

@ usclade
M. Manicore ? très drôle ... mais vous ne connaissez peut-être pas Jean-Marc Jancovici ? C'est l'hôte du site Manicore.

Et qui est Jean-Marc Jancovici ? Voici quelques précisions données dans une chronique de Sébastien Rochat sur le site d'Arrêt sur images : (le site étant payant l'accès gratuit de tous à l'intégralité de l'article ne sera possible que si la chronique a été élue d'utilité publique par un nombre suffisant d'abonnés)

"Qui est Jean-Marc Jancovici ? C'est un ingénieur spécialisé sur les questions de climat et d'énergie. Membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot, il a participé à la rédaction du pacte écologique en 2007. Et contrairement à ce que dit Pujadas, c'est un pro-nucléaire assumé. Il fait partie de ceux qui considèrent que l'énergie nucléaire est un atout dans la lutte contre le réchauffement climatique : "Je sais que ma position est iconoclaste pour de nombreux écologistes, expliquait-il en 2007 dans une interview au Nouvel Observateur. Mais si tout ce que je laisse à mes enfants ce sont des déchets radioactifs, cela me va très bien. En France, on chiffre aujourd’hui ces déchets à 2 ou 3 grammes par habitant et par an. 500 fois moins que les phytosanitaires (pesticides), qui sont d’une toxicité aiguë à peu près équivalente pour certains. Je ne nie pas évidemment le risque d’accident nucléaire. Mais, et pardonnez moi de parler crûment, les dommages d’un accident sont moindres que ceux que nous font courir la bombe climatique".


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Etonnant non ?

4. Le mercredi 13 avril 2011, 22:35 par cultive ton jardin

En effet, tu as raison, Fabien, cette accusation d'indécence était absolument indécente. Et les anti-nucléaire se sont défendus au lieu d'attaquer.

Ceci dit, la mobilisation de l'opinion publique en France est bien timide, je crois qu'ici l'argument qui fait taire tout le monde, c'est qu'on ne peut pas se passer du nucléaire: quelle catastrophe si on venait à manquer de courant, plutôt se faire irradier jusqu'à la septième génération!

Et Jancovici a précisément fait ce sale boulot sur la 2, qui a eu le culot de le faire passer pour un expert neutre. Dans le même journal, pour couronner le tout, la 2 avait donné une information fausse, caricaturalement fausse, prétendant qu'il faudrait couvrir l'Europe entière de panneaux solaires pour remplacer nos centrales atomiques. Démenti discret au bout de huit jours!

On trouvait tout ça sur "arrêt sur images" (bonne source, Juléjim!).

5. Le lundi 18 avril 2011, 15:03 par La ratapinhata

Merci de mener ce combat antinucléaire, encore et toujours...car malgré la catastrophe japonaise ,on sent bien que la classe politique française persiste à détourner les yeux...
Voici un témoignage: le 2 mai 1986, tout le Bâtiment de Recherche Chimie de l'Université de Nice était passé aux surgelés... et pendant ce temps, les media rassuraient la population..