Bon appétit, bien sûr!

"Mange, mon petit, mange", pensai-je. J'avais reconnu l'emballage. Le producteur était un de mes clients. Tous les mois je lui fournissais plusieurs quintaux d'ovoproduits. En provenance d'une entreprise de recyclage de déchets des environs de Turin qui, au lieu d'écouler les oeufs pourris, cassés, infestés de parasites, en nettoyait la putrescine et la cadavérine et les transformait en une bouillie conditionnée dans de commodes petits bidons de cinq litres, prêts à être versés dans les pétrisseuses des confiseries industrielles. Et le goût ne devait pas être mauvais, vu l'avidité d'adulte avec laquelle le gamin mordait dans son goûter, sans en laisser tomber une seule miette entre les sièges."

Il commence fort, le polar que je suis en train de lire. Je vous le conseille. Il a été publié en 2007, traduit en français en 2010, mais il évoque furieusement une actualité beaucoup plus récente.

"La règle numéro un, c'était de ne jamais exagérer avec le frelatage pour éviter que les consommateurs ne clamsent après avoir avalé un beau plat de spaghetti aux palourdes. (...) La deuxième règle (...) il fallait distribuer le produit en petites quantités, mais dans le plus grand nombre possible de magasins et de supermarchés. La troisième règle, c'était de toujours savoir comment ça avait été trafiqué, parce qu'on ne pouvait faire confiance à personne dans ce business. Des cons pouvaient te refiler un lot qui te bouzillait ta place à vie."

Sur la fin, le héros refile ses contacts "commerciaux" à un ami auquel il ne veut aucun bien:

"Parenti n'avait pas de style, et surtout il n'avait pas compris les délicats équilibres du marché des aliments frelatés. Il ne faisait attention qu'au prix et il allait inonder la Sardaigne d'une merde infâme. Je me gardai bien de le prévenir que le jeu ne tenait que si l'hyper-merde ne représentait que 20% des ventes. Le reste devait être de la merde, un minimum de qualité étant nécessaire pour donner une couverture décente à ce business. Avec ce genre de choix de produits, ils allaient avoir de sérieux problèmes d'ici deux ans au plus tard, mais ce n'était plus mes oignons. "

C'est un polar, on pense que ça force le trait au delà du vraisemblable, et on rigole. On a peut être tort. Le bouquin a été écrit par Massimo Carlotto, qui en a déjà écrit d'autres. Seulement, cette fois, il n'est pas seul: il a travaillé avec Francesco Abate. Qui est... journaliste. Et la quatrième de couverture évoque "une très solide documentation". Gloups.

Bon, comme je vous ai rien révélé de l'intrigue principale et que ce joyeux cynisme est hilarant de bout en bout, rien ne vous interdit de prendre beaucoup de plaisir à la lecture de ce bouquin. Et... bon appétit, bien sûr!

Commentaires

1. Le dimanche 26 juin 2011, 18:38 par olympe

mais c'est quoi le titre du livre ? que tu donnes très envie de lire

2. Le dimanche 26 juin 2011, 19:24 par cultive ton jardin

Ah voui, pardon! ça s'appelle "J'ai confiance en toi" et ça veut dire tout le contraire. D'habitude, j'aime bien aimer les personnages d'un roman. J'apprécie pour ça Fred Vargas ou Ellory, qui font aimer même les personnages négatifs. Là, non, rien, personne, yen a pas un pour racheter l'autre. Et ça m'a quand même bien plu parce que c'est vraiment drôle, méchamment drôle.

3. Le dimanche 26 juin 2011, 22:03 par Valérie de Haute Savoie

Et cela ne plombe pas trop le moral ? Parce qu'en ce moment j'ai envie de respirer un peu entre la campagne 2012 dont je sature et Fukushima qui me met le bourdon.

4. Le lundi 27 juin 2011, 07:29 par cultive ton jardin

C'est un peu humour noir quand même, donc ça dépend comment tu le reçois...

5. Le lundi 27 juin 2011, 19:47 par Laratapinhata

La règle numéro un, pour écouler un produit frelaté, en chimie ou ailleurs, c'est d'en mettre un petit pourcentage dans chaque conditionnement de produit réussi...
C'est comme ça qu'on évite les pertes dues aux erreurs de manip.

6. Le jeudi 30 juin 2011, 09:01 par cultive ton jardin

Oui, mais là, si tu as bien lu, il s'agit de ne pas dépasser 20% d'hyper-merde dans la 'simple" merde.