Heureuse au fond de sa poubelle

Je me souviens de deux de mes révoltes d'enfant: d'abord, je me plaignais que les garçons aient droit à des jeux "pour de vrai", alors que les nôtres étaient toujours pour "de semblant". Ensuite, la chanson "Trois jeunes tambours" me faisait beaucoup de peine. J'avais bien repéré, sans avoir encore les mots pour le dire, que c'était un combat de prestige entre deux mecs, et je trouvais terriblement injuste que la "fille du roi" en soit l'enjeu malheureux, son sort étant aussi indifférent à son père qu'à son amoureux éphémère. En vrai, et sans trop oser le dire, vu le prestige des princesses, je la trouvais conne aussi: pleurer "toute sa vie" pour un pareil goujat?

C'est pas si grave, bien sûr, jouer, c'est jouer, peu importe à quoi et on y prenait de vrais plaisirs à nos jeux nunuche. Et "trois jeunes tambours" c'était qu'une chanson après tout. Finalement, avec le recul, je m'aperçois que j'avais mis le doigt sur deux piliers de notre oppression. Nos jeux nous préparaient à notre rôle de bobonne, et ceux des garçons, par la plus grande liberté qu'ils leur laissaient, visaient à les "aguerrir". Quant à la chanson, elle dévoilait le destin de bien des femmes, à jamais dépendantes propriétés d'un mec, voire de deux qui se les disputent sans aucun égard pour leur personne. Comme dans cette bande dessinée, où "Paulette" fait le ballon entre deux équipes, l'une qui lui veut du mal, l'autre qui lui veut du bien.

Cette petite fille, souriante dans sa poubelle, m'a complètement ahurie par son ambiguïté. Il est même impossible d'en faire une critique raisonnée, tant elle touche profond en moi. Quelle que soit la volonté du publicitaire, je lis "A la poubelle, et heureuse d'y être". Bien sûr, les gentilles filles font ce qu'on leur dit, elles trient les ordures et mettent bien ce qu'il faut là où il faut, quitte à se mettre elles-même au fond d'une poubelle, alors que les méchants garçons, ben i font nimp, et on doit les rééduquer. Un peu, pas trop, sont tellement mignons avec leur sourire diabolique, comme sont mignonnes d'ailleurs les filles, résignées au fond de leur poubelle.

La vidéo m'a encore plus ahurie. Loin du cynique "jeune tambour", voilà que le héros de papier va rejoindre sa belle pour un recyclage romantique, et que sur la dernière image, on les voit tous deux sombrer, ensemble, dans une indifférenciée pâte à papier. Une allégorie de la crise, qui broierait, l'un après l'autre, et de façon égalitaire, les filles comme les garçons?

Et m'embêtez pas, hein, la pub, c'est fait pour nous faire rê-ver, alors je rêve. Comme il y a des contes d'avertissement, il y a des rêves d'avertissement.

Commentaires

1. Le vendredi 25 novembre 2011, 19:34 par Chomp'

""Il est même impossible d'en faire une critique raisonnée"
Ben nan.
Juste impossible de piger POURQUOI ces figurines sont sexuées alors que ça n'a AUCUNE raison d'être, là ou des smilies standart :-) et :-( , rigoureusement universels eussent t été pertinents ET suffisants.

Sexuation totalement aseptisée.
Mais sexuation quand-même, attention, hein ...

Tout va bien.
Tout est normal.

La plus grande astuce du fascisme, c'est de faire croire qu'il n'existe pas.

2. Le samedi 26 novembre 2011, 08:47 par Jeanmi

Ah moi aussi je suis révulsé par cette publicité qui sur moi va à l'inverse de l'effet recherché. Elle représente la pire des choses, l’auto enfermement des femmes. C'est la burka "librement" revêtue, c'est le retour du moyen-âge, bravo pour le publicitaire !...

3. Le lundi 5 décembre 2011, 10:55 par Bretagne buissonniere

Tu m'étonnes... c'est carrément limite... Ils n'ont pas de cerveau les créateurs !