Zone à défendre

Il aura fallu huit jours pour que l'information parvienne à la surface de nos médias paresseux. Paresseux? voire... Il y a des nouvelles, et même parfois de fausses nouvelles, qui voyagent à la vitesse de la lumière. Celle-ci a fait son pti bout de chemin à pied, avec des chaussettes trempées dans de gros souliers boueux. Il s'agissait pourtant d'une guerre annoncée: dès le 15 octobre, Basta, que je consulte régulièrement et que j'aime bien, pouvait écrire:

Tout est donc prêt du côté des « forces de l’ordre » : l’assaut des zones squattées de la ZAD (zone à aménagement différé du projet d’aéroport, rebaptisée Zone à Défendre), pour la karchériser de tous ses pouilleux, aura lieu avant le 1er novembre 2012. Des centaines de gendarmes, CRS, sont prêts. Les mardi 16 et 25 novembre sont évoqués de manière insistante, peut-être le samedi 27, ça peut être un leurre pour épuiser les militants avant le véritable déclenchement dans la semaine. Cinq à huit lieux de vie sont concernés par chacune des opérations, pour disperser les forces.

C'est fait depuis une semaine. En fait, "ni fait ni à faire", comme on disait autrefois d'un boulot saboté. Car c'est malgré tout pas fini.

Les lieux ont été saccagés par une armée de plusieurs centaines de nos "gardiens de la paix" accompagnés de bulldozers et autres sympathiques engins foulant les taillis avec la délicatesse qu'on leur connaît (sauve qui peut les hérissons!). On n'en fait pas autant pour les "terroristes", qu'ils soient réels ou supposés. Le potager, défriché en janvier 2012, cultivé toute l'année a été intensivement gazé au point de rendre les légumes inconsommables. Certains "occupants sans titre" se sont réfugiés dans les arbres, dont la police a dû les déloger, sans toujours y parvenir. L'écrasement des cabanes a été suivi d'un ramassage minutieux des matériaux, héhé, on connaît l'acharnement de ces feignants, zétaient capables de reconstruire avec les débris. Les maisons ont été détruites au plus vite: on chuchote même que l'inspection du travail a dû intervenir pour cause d'amiante et de procédures obligatoires non respectées, ah mais c'est qu'il y avait urgence, d'ailleurs, l'amiante c'est pas dangereux dans l'immédiat, alors on s'en fout un peu, hein? Les maisons qu'on pouvait pas détruire de suite (certains recours n'ont pas été définitivement jugés) ont été murées. Une semaine intense, comme chacun voit: notre police et nos impôts sont bien utilisés, d'ailleurs la Confédération Paysanne, dès le 16 octobre, se demandait: "L'État n'a-t-il rien d'autre à faire?"

Ben non, hein, pas grand chose de plus important que de seconder activement Vinci, entreprise emblématique des "Grands Projets Inutiles". Par contre nos médias étaient très occupés: ailleurs. Je vous fais pas la liste des futilités dont nous avons été accablés toute cette semaine: ça me (ça vous) démoraliserait. Pourtant, la dernière en date, sur les amours d'Anne Sinclair, dont Arrêt sur Images a jugé bon de nous informer, avec distance journalistique, bien sûr, qu'est-ce que vous alliez imaginer, sous le titre "vous n'êtes pas obligés" (c'est vrai, j'aurais pu me dispenser) et dans la rubrique des "Vite dit", en accès libre. Zètes pas obligés, non plus, de cliquer sur le lien, hein!

Je vous parle spécialement d'Arrêt sur Images parce que j'y suis abonnée. Eh oui, personne n'est parfait. D'ailleurs, en choisissant bien, j'y trouve mon compte, et j'aime intervenir sur les forums. Cette semaine, je les ai harcelés. En rouge. À propos et hors de propos. Faut dire que pendant l'été, ils y avaient même envoyé un correspondant, à Notre Dame des Landes. Il devait être en vacances dans le coin. Mais en plus, dans la foulée, ils avaient fait une émission dessus. Alors, bêtement, je m'attendais qu'ils suivent l'affaire. Ben non. Dix jours, pas un mot, même pas dans la rubrique des "Vite dit" sous le titre "Vous n'êtes pas obligés". Faux espoir à l'instant, en allant chercher le lien que zètes pas obligés de suivre: la rubrique de "Matinaute" de 9h15, celle écrite par le chef en personne, Daniel Schneiderman soi-même, parlait de Jean Marc Ayrault. Paraît qu'il est aux côtés des habitants de Laguiole. Zont de la chance, les habitants de Laguiole, vont pouvoir (peut-être?) récupérer leur couteau confisqué par une grosse boi-boîte. Eh ben, vous savez quoi? Zen ont pas parlé au 20 heures. Zaiment mieux être méchants que gentils avec ce pauvre JMA. Ouais, mais alors, pourquoi rater l'occasion d'être méchants avec lui en parlant de Notre Dame des Landes?

Pourtant, on dirait que ça se réveille là dedans: je suppose que, le plus gros du boulot étant fait, on ne risque pas de nuire au bon fonctionnement de ceux qui nous protègent des malfaisants. On va donc parler à la télé de Notre Dame des Landes. Du coup, @si va regreter ses dix jours de silence. Ouvrez bien les yeux et les oreilles. Cerise sur le gâteau (ou déclencheur?) onze associations se mobilisent pour réchauffer le coeur des "pouilleux".

Et moi, je faisais quoi, toute cette semaine? De la militance (!) sur Google, en cherchant qui en parlerait (ou pas). On a les militances qu'on peut. Il ne vous a pas échappé que rien ne se passe sur ce blog depuis avril. Je cuvais cinq ans de ***. J'espérais pas grand chose de §§§, mais quand même. Puis il y a eu les Rroms, expulsés deux fois plus vite qu'avant. Le smig, saupoudré de quelques grains de poivre. Les cafouillages sur le nucléaire et les gaz de schistes. Les j'avance/je recule précipitamment, effrayé par quelque pigeons. Finalement, j'étais aussi accablée, l'amertume en plus, que sous le règne de ***. À quoi bon militer, même pour le jardinage bio? Mon objectif était pourtant modeste, mais c'était encore trop. J'avais dû fermer l'accès aux commentaires, parce que des robots imbéciles venaient régulièrement déposer des ordures non biodégradables sur mes plates-bandes pour m'inciter à spéculer, c'est bien le moment!

Je termine par un hommage spécial à Corse Matin. Qui s'est débrouillé, qui sait comment, à avoir un envoyé spécial sur la ZAD de Notre Dame des Landes, et c'était même pas les vacances.

Ah, et puis, si vous êtes dans le coin, ou si vous avez envie de voyager, ils prévoient, pour la semaine à venir et peut-être ce week end, une deuxième vague d'expulsions, les occupants sans titres de la Zone à Défendre, et ils vous invitent à "surfer". Petit détail: ils ont besoin, entre autres, de chaussettes sèches. Je peux vous le dire, ya rien de pire pour le moral que d'avoir les pieds mouillés.

Commentaires

1. Le jeudi 15 novembre 2012, 09:40 par cultive ton jardin

Désolée, Lucie, c'était bien tenté et assez convaincant, mais la pub dissimulée derrière des commentaires élogieux n'est pas souhaitée sur ce blog: commentaire supprimé.