Poteau? Feu!

Revient le temps du pot au feu.

Bon, d'accord, on peut faire du pot au feu en toute saison et pourquoi pas y mettre des courgettes. Mais le vrai, le seul, l'unique, c'est par un jour comme aujourd'hui, brume, crachin, froid humide qui transperce et feu dans la cheminée. Une de mes filles, la mère de Petit Jardinet, m'a inspiré le titre de ce billet. Elle avait entre deux et trois ans et s'avisait pour la première fois des délices de ce plat et du mystère de son appellation. Le lendemain, dans la voiture, à un carrefour, elle pointe soudain le doigt avec un air amusé sur le feu tricolore et s'exclame: Poteau! Feu! Les enfants entendent ce à quoi la force de l'habitude nous a rendus sourds.

Ce matin, je me suis levée tôt. Et en plus, le changement d'heure me fait cadeau d'un bonus. A huit heures, heure d'hiver, la viande était dans le chaudron, pas vraiment un chaudron, mais une très grande cocotte en fonte, faut de la place quand le repas est prévu pour huit. La viande en premier? Pourquoi pas, on peut aussi faire le contraire, le goût des légumes sera alors dominant. Mais ce qui me guide là c'est pas le goût, c'est le temps. La viande doit cuire trois heures et j'ai pas envie de me coltiner l'épluchage avant d'avoir pris mon café, mes tartines et flanouillé un peu. Donc, je mets toujours la viande en premier. Il faut au moins trois heures de cuisson, mais je compte plutôt quatre.

Après? Arrachage des poireaux et des panais sous la pluie. Hé oui, j'y ai bien pensé hier, je pense toujours à tout, quant à faire... c'est autre chose. Les poireaux, j'en suis pas très contente cette année. J'ai fait l'économie de pas les arroser malgré la sécheresse, ben c'est comme quand on s'occupe pas bien des enfants petits, ils vous donnent des soucis en grandissant. J'arrache donc huit poireaux, je nettoie grossièrement sur place, inutile de ramener dans ma cuisine cette masse de terre et de verdure, je ne garde que les fûts, entre 20 et 30 centimètres.

Faut arracher les panais maintenant, et c'est pas gagné. Cette racine sournoise, dont le goût et la consistance évoquent pomme de terre, céleri, carotte et je-ne-sais-quoi d'autre, descend profondément, et ma terre, très caillouteuse en profondeur, la retient de toute sa force. M'est arrivé d'y laisser un manche de bêche, mais vu la manière dont j'entretiens mes outils, c'était pas que de la faute du panais. Pour les panais comme pour les poireaux, je laisse la verdure sur place, ça protège la terre et fait du boulot en moins.

Je cueille enfin une branche de céleri perpétuel, une plante appelée aussi livèche, et qui ne ressemble que de très loin au céleri, en tous cas pour le goût. Elle donne au pot au feu et à toute la maison un parfum très particulier, chaud et un peu exotique, alors que c'est une plante bien de chez nous je crois. Après plusieurs essais malheureux, la plante en pot achetée au printemps végétait à minima l'été et disparaissait l'hiver, j'ai enfin réussi à avoir une magnifique touffe, qui prospère et qui s'étend d'année en année. En plein milieu du jardin, je devais la vexer en l'installant en bordure.

Tout le reste... vient du marché, bio bien sûr. Les navets, je n'ai pas pris le temps d'en semer à la fin de l'été, j'ai remis d'un jour sur l'autre et après il était trop tard. Les carottes... je vous en ai déjà parlé, grosses comme mon petit doigt elles n'ont pas fait long feu. Nous avons même été privés des délicieuses carottes râpées qui font ma fierté estivale, dans un plat de crudités coloré de rouge par les tomates, de grenat par les betteraves rouges, de vert pâle par les concombres, avec en contrepoint le vert plus vif de la menthe, du persil et du cerfeuil.

A neuf heures, l'épluchage ayant été confié à un marmiton désigné volontaire, pendant que je me réservais le nettoyage des poireaux et des panais, plouf, tout je retrouve avec la viande dans lokibou. Bien pleine, la cocotte, mais les poireaux vont se tasser, il restera assez de place pour les pommes de terre qu'on rajoute une demie heure avant la fin.

Pardon, controverse sur les patates. Mon fils prétend les faire cuire à part. Ah bon? Moi je les trouve meilleures quand elles ont cuit dans le bouillon. Oui, mais c'est moins bon pour le pot au feu. Mouais... c'est agaçant, ces pti jeunes à qui on a appris la cuisine et qui veulent vous donner des leçons maintenant. Bon, OK, on en profite pour rajouter quelques carottes et navets dans les interstices, et on fera cuire les patates à part. Dans du bouillon du pot au feu si possible.

Lequel pot au feu, imperturbable, continue à bouillonner et à embaumer. Autour de moi, ça s'affaire au ménage, faut dire qu'il y a de quoi faire. trois levés, un qui dort, quatre qui arrivent. Et parmi les quatre, Petit Jardinet et sa frangine, Mésange huppée de son surnom. Petit Jardinet va rester dix jours, Mésange repart avec son papa. Au téléphone, ma fille m'a dit: "Bientôt, on pourra te la laisser aussi?" Ah oui, pas de problème!

Le pot au feu, c'est le bonheur.

Commentaires

1. Le dimanche 25 octobre 2009, 17:54 par céleste

Miam!

J'adore le pot au feu!
J'en fais très souvent l'hiver.
en Italie, dans le nord, enfin à Bologne, j'en suis sûre on fait un truc similaire le "bollito", quelques variantes, on peut mettre une saucisse, de la poule.
et ensuite dans le bouillon on met un truc que j'adore, les "passatelli":
on fait une pâte avec de la chapelure, un œuf, du parmesan et de la noix de muscade râpée, puis on utilise un appareil à trou pour fabriquer...de minuscules boudins, ou des tortillons.
on doit pouvoir utiliser une passoire à gros trous

bref, ensuite on jette les passatelli dans le bouillon bouillant, quand ils remontent à la surface, c'est cuit!
et c'est délicieux

2. Le lundi 26 octobre 2009, 15:24 par ko

Aaaah, le poteau - feu ! (j'adore)

J'en ai eu envie très récemment, quand j'ai enfin découvert que le boucher de mon village était un excellent boucher (honte à moi de ne pas l'avoir essayé plus tôt...). Il avait tout ce qu'il faut pour ce plat, présenté de façon alléchante... mais je ne m'y suis pas encore lancée, tout simplement parce qu'ici, avec 25 degrés et du soleil, ce n'est pas encore le temps des plats d'hiver... :-) Et même ma gourmandise ne me fait pas regretter cela !

Et j'adore aussi les controverses autour de la préparation du pot au feu : les légumes avant, après, les patates à part, ou pas, les os à moelle, dégraisser le bouillon, mais pas trop... Miam !

Le plat est parfait surtout quand il en reste suffisamment pour faire, le lendemain, une salade avec les restes : effilocher la viande restante, la servir tiède avec les légumes survivants, et préparer pour l'accompagner une sauce vinaigrette bien relevée avec plein d'échalottes et du vinaigre de vin, ou une sauce gribiche, ou encore une sauce tartare...
La version italienne évoquée par Céleste donne également bien envie !

3. Le lundi 26 octobre 2009, 15:29 par christian

J'adore aussi, j'en fais très souvent, et hier, je suis arrivé au cabanon des oliviers avec mon pot au feu cuit la veille.
Là haut, épluchage des pommes de terre cuites au dernier moment au milieu du pot qui était une cocotte minute. La cocotte hermétiquement fermée est bien pratique quand on gravit la piste pour arriver au cabanon en haut de la colline, puis, avec grand soleil, repas sous les oliviers. Chez nous, chacun dans son assiettée, arrose d'un large filet d'huile d'olive, le plat fumant.

4. Le mercredi 28 octobre 2009, 14:27 par Fauvette

Les pommes de terre avec voyons ! Mais bon, chacun est libre n'est-ce pas !
J'aime beaucoup ce plat, devenu un vrai luxe en ville !

5. Le jeudi 29 octobre 2009, 15:55 par Madeleine

Ko décrit ce qu'on peut faire avec les restes d'un poteau-feu (l'expression est à garder bien entendu) et j'ai le souvenir que ma mère préparait ainsi du boeuf miroton. C'était divin !

A propos des litiges autour de la cuisson de ce plat, il n'y a pas aussi quelque chose comme plonger la viande dans l'eau froide OU bouillante ?!

6. Le jeudi 29 octobre 2009, 21:22 par cultive ton jardin

Oui, tout à fait. Selon qu'on privilégie le goût du bouillon (froide) ou le maintien dans la viande de tous ses sucs (bouillante). Si les légumes sont déjà dedans, la viande sera, en plus, parfumée.

Pas oublier non plus ail, thym, laurier et autres aromatiques. A la recette basique (de la viande, des légumes, de la flotte), chacun ajoute ses raffinements et ses variantes.

7. Le samedi 7 novembre 2009, 09:57 par Papotine

Un billet plein de vie, qui sent si bon, merci !

8. Le samedi 28 novembre 2009, 22:50 par Fajua

Si longtemps que je n'étais venue ici et y trouver un si bon plat chaud... ;-)