Pour un garçon

Cet été, au moment où le soleil commençait à disparaître, l'urgence s'imposait brusquement: "Je vais arroser le jardin!" Pas tous les soirs, mais presque, il faisait si chaud, si sec que même les pommes de terre flétrissaient. Comme je l'ai écrit dans un billet précédent, le mot "jardin" sonnait très fort aux oreilles de mes deux petites princesses, qui prenaient instantanément le chemin de l'escalier.

Ce soir là, yen a qu'une, de princesse. L'exubérante. Et pour elle, le mot "arroser" sonne encore plus fort que le mot "jardin". J'ai dû lui concéder un morceau de terrain pour qu'elle puisse arroser. Mesquinement, je lui ai attribué un "no-légume's land" dont je viens de récolter les premières patates. Bien suffisant pour ce qu'elle en fait, mais surtout cela me permet de la laisser patouiller librement sans gâcher son plaisir par d'incompréhensibles exigences. "Pffff... c'est pas un jardin" dit le frangin qui lui peut se glorifier d'en avoir un vrai. Il rajoute "et puis elle a rien planté, elle a rien à arroser". Et moi: "chut!".

Donc, nous voilà parties toutes les deux. Tout en bas du jardin, une vieille baignoire désaffectée fait office de réserve. La source ne coule pas assez fort, et d'ailleurs c'est mieux que l'eau ne soit pas trop fraîche, surtout par ces temps de canicule, mes légumes pourraient s'enrhumer. Le travail est tout simple: plonger dans l'eau les deux arrosoirs, appuyer fermement pour qu'ils s'enfoncent, un petit rétablissement sur le bord de la baignoire afin de les avoir bien en main, et une deux, marche rapide (c'est lourd) vers les tomates, haricots, ou autre. Pourquoi pas au tuyau? D'abord, je l'ai dit, parce que le débit est un peu lent. Aussi, parce que ça me permet de mieux apprécier la quantité nécessaire à chaque rangée. Enfin, pourquoi pas, un peu d'exercice: yen a qui paient cher pour pédaler dans des salles de torture sur un vélo qui avance pas. Moi, j'aime pas trop le vélo, ni les haltères. Deux arrosoirs de 12 litres chacun, ça le fait. D'accord, je les soulève pas au dessus de ma tête.

La petite princesse me suit fidèlement en revendiquant son tour. De temps en temps, je lui remplis un fond d'arrosoir que je pose près de son "jardin", elle le vide avec ravissement, soulève l'objet à bout de bras pour faire couler les dernières gouttes... et il faudrait recommencer tout de suite bien sûr.

Ce jour là, la demoiselle a emmené son "garçon". Elle s'est amourachée d'une petite figurine récupérée au fond d'un vieux bac à jouets, un truc qui doit avoir dans les trente ans, facile. Il mesure sept centimètres (mon dieu, quel homme, quel petit homme!). Il est tout blanc, genre toubib ou infirmier, il a, qui sait pourquoi, les mains, ces petites pinces caractéristiques des "pl** m*b*l", d'un orange vif, presque rouge. Son visage est rose, comme il se doit, mais son crâne est creux, avec un trou sur le dessus, là où aurait dû se clipper une perruque ou un chapeau. Une cervelle à petite contenance, mais à disponibilité intégrale. Tout ça n'empêche pas que la blondinette le regarde avec les yeux de l'amour et le traîne partout avec elle.

Je remplis mes deux arrosoirs, je tourne le dos, je ne m'aperçois de rien. J'entends mon fils, perché sur le mur, qui hurle d'abord le prénom de l'amoureuse, puis le mien, je me retourne pour le voir sauter en bas du mur. Pas le temps de comprendre qu'il a déjà sorti de la baignoire une petite princesse suffocante et sanglotante. "Mon garçon! Mon garçon!". Le tonton bouleversé doit encore retirer le garçon de la baignoire pour le lui rendre. Impossible de faire autrement, c'est pour lui, parce qu'elle l'avait laissé tomber dans l'eau, qu'elle a failli se noyer.

Brrr...

Commentaires

1. Le jeudi 14 octobre 2010, 21:34 par Valérie de Haute Savoie

C'est attendrissant et en même temps cela fait froid dans le dos.

2. Le vendredi 15 octobre 2010, 19:41 par juju

C'est si vite arrivé comme on dit...Heureusement + de peur que de mal..
Il me revient un truc que ma fille m'a raconté..

Elle était chez elle....Sa fille de 3 ans environ était avec son père et son papy dans le jardin....Ma petite fille était à côté d'eux...Son père et son papy lui tournaient le dos....Ma fille (bizarre l'instinct maternelle) les regardait de sa fenêtre....Elle se mit à hurler...La petite était tombée, tête la 1ere dans la piscine en plastique, assez profonde...La piscine a été démontée le jour même.....Depuis, juste 'un petit boudin chez eux..Ma fille n'aime pas trop la piscine chez ses beaux-parents..Pourtant, 3 barrières la séparent de la maison...Mais, on ne prend jamais assez de précaution.....

ps : simple curiosité...Comment as-tu atterri sur mon blog ? On a tellement l'habitude de voir les mêmes personnes qu'un ou une nouvelle, ça intrigue...Tu écris bien...

3. Le vendredi 15 octobre 2010, 23:09 par cultive ton jardin

Bah, il y a assez longtemps, tu avais commenté sur un blog que je fréquente, j'étais allée plusieurs fois de suite chez toi, et depuis je te rends visite de temps en temps. Selon mon humeur ou mon intérêt, je laisse un petit mot, ou pas.

4. Le samedi 13 novembre 2010, 22:33 par Clay-dreams

Ouh là oui, ça fait froid dans le dos.
Et vous verrez qu'à l'âge de 14 ans, ce sera pire !!!

5. Le dimanche 14 novembre 2010, 12:25 par cultive ton jardin

Plus facile (enfin j'espère) avec les petits enfants qu'avec les enfants.

6. Le dimanche 14 novembre 2010, 12:27 par cultive ton jardin

Plus facile (enfin j'espère) avec les petits enfants qu'avec les enfants.

Et puis là, c'était surtout moi qui étais responsable de la connerie. On ne tourne pas le dos à un enfant au bord de l'eau!