La fête aux seins bat son plein. Si vous avez de beaux seins, c'est le moment de les montrer, pour une bonne cause. Le plaisir de montrer sa beauté et de réjouir ainsi les yeux d'autrui n'est en effet pas suffisant pour que la cause soit bonne, mais si on y rajoute un motif altruiste, elle le devient. Comme j'ai pas très bien suivi la campagne, je peux pas dire si on a vu aussi des seins ordinaires, voire laids, voire vieux, qui après tout méritent autant que les autres sinon d'être montrés, du moins d'échapper au cancer. Je parierais que non, mais j'en suis pas sûre, pour faire politiquement correct nos publicitaires sont désormais capables de tout et du reste.
Une des raisons pour lesquelles je ne m'enthousiasme guère pour la lutte en faveur du dépistage du cancer du sein, c'est que pendant qu'ils nous incitent à montrer nos seins, ils nous cachent des vérités que nous devrions connaître, qui concernent non pas le dépistage, certes utile, mais la prévention. Vu la confusion trop fréquente entre dépistage et prévention, je ne crois pas inutile de préciser que prévention c'est AVANT, et que dépistage c'est APRES. Une fois que le cancer a débuté, si petit soit-il, on n'est plus dans la prévention. On pourra parler de prévention secondaire ou tertiaire pour noyer le poisson si on veut, reste que l'objectif premier devrait être de NE PAS débuter de cancer du sein. Même tout petit, même débutant, même bien soigné, un cancer du sein bouleverse gravement la vie d'une femme et de son entourage.
Or on ne nous dit pas un mot de cette bizarrerie pourtant bien connue, qui fait que les pays peu développés ont un taux très faible de cancers du sein, et que ce taux augmente à mesure qu'ils rejoignent le mode de vie occidental. Il y a à cela des raisons maintenant assez bien connues dont on ne parle guère. Comme je ne suis pas une spécialiste, je donnerai seulement quelques exemples.
Pourquoi parle-t-on si peu des résultats de cette recherche, pourtant très officielle, de l'Institut National de Veille Sanitaire qui fait état d'une augmentation de 9% des cancers du sein au voisinage des usines d'incinération? Recherche menée dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, l’Isère et le Tarn entre 1990 et 1999 et qui concerne aussi, évidemment, d'autres cancers. Le rôle de ce que nous respirons, mangeons, buvons est très peu étudié, pourquoi? L'industrie chimique pourrait-elle en pâtir? Ou l'industrie alimentaire? Ou tous ces petits "pschitt" qui tuent les moustiques et les mauvaises odeurs dans nos maisons encore plus polluées que la rue? Ou encore l'industrie de la viande?
Je ne veux pas faire ici de propagande pour l'allaitement maternel (allaite qui veut, c'est une évidence) mais il est bien connu aussi que l'allaitement fait baisser le risque de cancer du sein, seulement les labos qui fabriquent du lait, éventuellement mélaminé, et des biberons, éventuellement cancérigènes, ne tiennent pas trop à ce qu'on le dise.
Donc, nous montrons nos seins non pas pour sauver nos vies, mais pour aider ceux qui nous gouvernent (mal) à continuer de masquer ces informations qui nous sauveraient plus sûrement.
Pour finir, j'ajoute que la revue Prescrire, seule revue médicale à qui on peut vraiment faire confiance car elle est exempte de publicité et très attentive aux éventuels conflits d'intérêt qui pourraient vicier ses prises de positions, écrit ceci, en octobre 2007:
"Dans la population générale sans risque particulier, avant l'âge de 50 ans, le dépistage du cancer du sein par mammographies n'apporte aucun bénéfice démontré. Entre 50 ans et 69 ans, l'efficacité du dépistage actuel est de faible ampleur. Au-delà de l'âge de 70 ans, on ne dispose pas de données d'évaluation suffisantes pour proposer ce dépistage."
Merci à Delphine qui, en me faisant suivre un mail d'incitation à participer à la campagne de dépistage, m'a inspiré ce billet. Il arrive qu'un (amical) coup de pied au cul fasse avancer les paresseuses.
Seconde note de bas de page: je me fais souvent rabrouer pour ce "ils" qui fait, paraît-il, théorie du complot. Je cherche des périphrases pour désigner cet amalgame de gouvernants, de publicitaires, de journaleux et de grandes entreprises qui s'entendent comme larrons en foire pour amuser la galerie, mais je suis parfois à court d'imagination alors je me contente de ce "ils" insatisfaisant, certes, mais bien pratique.