Poisons

Fil des billets

mardi 6 octobre 2009

Cachez ce sein que je ne saurais voir

La fête aux seins bat son plein. Si vous avez de beaux seins, c'est le moment de les montrer, pour une bonne cause. Le plaisir de montrer sa beauté et de réjouir ainsi les yeux d'autrui n'est en effet pas suffisant pour que la cause soit bonne, mais si on y rajoute un motif altruiste, elle le devient. Comme j'ai pas très bien suivi la campagne, je peux pas dire si on a vu aussi des seins ordinaires, voire laids, voire vieux, qui après tout méritent autant que les autres sinon d'être montrés, du moins d'échapper au cancer. Je parierais que non, mais j'en suis pas sûre, pour faire politiquement correct nos publicitaires sont désormais capables de tout et du reste.

Une des raisons pour lesquelles je ne m'enthousiasme guère pour la lutte en faveur du dépistage du cancer du sein, c'est que pendant qu'ils nous incitent à montrer nos seins, ils nous cachent des vérités que nous devrions connaître, qui concernent non pas le dépistage, certes utile, mais la prévention. Vu la confusion trop fréquente entre dépistage et prévention, je ne crois pas inutile de préciser que prévention c'est AVANT, et que dépistage c'est APRES. Une fois que le cancer a débuté, si petit soit-il, on n'est plus dans la prévention. On pourra parler de prévention secondaire ou tertiaire pour noyer le poisson si on veut, reste que l'objectif premier devrait être de NE PAS débuter de cancer du sein. Même tout petit, même débutant, même bien soigné, un cancer du sein bouleverse gravement la vie d'une femme et de son entourage.

Or on ne nous dit pas un mot de cette bizarrerie pourtant bien connue, qui fait que les pays peu développés ont un taux très faible de cancers du sein, et que ce taux augmente à mesure qu'ils rejoignent le mode de vie occidental. Il y a à cela des raisons maintenant assez bien connues dont on ne parle guère. Comme je ne suis pas une spécialiste, je donnerai seulement quelques exemples.

Pourquoi parle-t-on si peu des résultats de cette recherche, pourtant très officielle, de l'Institut National de Veille Sanitaire qui fait état d'une augmentation de 9% des cancers du sein au voisinage des usines d'incinération? Recherche menée dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, l’Isère et le Tarn entre 1990 et 1999 et qui concerne aussi, évidemment, d'autres cancers. Le rôle de ce que nous respirons, mangeons, buvons est très peu étudié, pourquoi? L'industrie chimique pourrait-elle en pâtir? Ou l'industrie alimentaire? Ou tous ces petits "pschitt" qui tuent les moustiques et les mauvaises odeurs dans nos maisons encore plus polluées que la rue? Ou encore l'industrie de la viande?

Je ne veux pas faire ici de propagande pour l'allaitement maternel (allaite qui veut, c'est une évidence) mais il est bien connu aussi que l'allaitement fait baisser le risque de cancer du sein, seulement les labos qui fabriquent du lait, éventuellement mélaminé, et des biberons, éventuellement cancérigènes, ne tiennent pas trop à ce qu'on le dise.

Donc, nous montrons nos seins non pas pour sauver nos vies, mais pour aider ceux qui nous gouvernent (mal) à continuer de masquer ces informations qui nous sauveraient plus sûrement.

Pour finir, j'ajoute que la revue Prescrire, seule revue médicale à qui on peut vraiment faire confiance car elle est exempte de publicité et très attentive aux éventuels conflits d'intérêt qui pourraient vicier ses prises de positions, écrit ceci, en octobre 2007:

"Dans la population générale sans risque particulier, avant l'âge de 50 ans, le dépistage du cancer du sein par mammographies n'apporte aucun bénéfice démontré. Entre 50 ans et 69 ans, l'efficacité du dépistage actuel est de faible ampleur. Au-delà de l'âge de 70 ans, on ne dispose pas de données d'évaluation suffisantes pour proposer ce dépistage."

Merci à Delphine qui, en me faisant suivre un mail d'incitation à participer à la campagne de dépistage, m'a inspiré ce billet. Il arrive qu'un (amical) coup de pied au cul fasse avancer les paresseuses.

Seconde note de bas de page: je me fais souvent rabrouer pour ce "ils" qui fait, paraît-il, théorie du complot. Je cherche des périphrases pour désigner cet amalgame de gouvernants, de publicitaires, de journaleux et de grandes entreprises qui s'entendent comme larrons en foire pour amuser la galerie, mais je suis parfois à court d'imagination alors je me contente de ce "ils" insatisfaisant, certes, mais bien pratique.

vendredi 2 octobre 2009

Bidoche et cancer du rein

Comme je vous l'ai dit, je lis à petites foulées, pour éviter une overdose fatale, le bouquin de Fabrice Nicolino. J'aime la viande, j'en mange peu mais avec plaisir, et je serais désolée d'en être totalement dégoûtée. Quoique...

Pages 86 et 87 de son livre, Fabrice Nicolino nous raconte une sombre histoire, dont je ne me souviens pas avoir entendu parler (et vous?). En avril 2007, la société Adisseo, qui fabrique des aliments pour bétail, est condamnée: "Faute inexcusable -une première dans le vaste et ténébreux domaine de la chimie. Elle aurait dû agir, elle ne l'a pas fait".

La première alerte est pourtant très ancienne: elle date de 1980, quand Rhône Poulenc était encore (ir)responsable. Entre temps, l'entreprise a changé trois ou quatre fois de propriétaire. En 2003, vingt trois ans plus tard, dix cancers du rein chez les ouvriers d'un seul atelier. La malchance des ouvriers qui manipulent des produits cancérigènes, c'est qu'un cancer se développe lentement. Leur "chance", c'est lorsque, comme dans le cas de l'amiante, le cancer est très spécifique, ou très rare, comme dans le cas de la méthionine, ici en cause. Dix cas de cancer du rein dans un seul atelier où précisément les ouvriers manipulent ce produit connu pour ses effets toxiques et mutagènes, en particulier sur les reins, ça rend peu probable une simple coïncidence. Vingt sept ans se sont écoulés entre la première alerte et la condamnation de l'entreprise. Des 28 ou 29 personnes atteintes, dix sont décédées, toutes ont vu leurs vies, leurs familles bouleversées.

Perdre sa vie pour la gagner.

Cela rend dérisoires les appels à "sauvegarder l'emploi" dont on nous leurre pour nous dissuader de combattre ces mortelles dérives. On parle beaucoup des consommateurs, on oublie souvent que les premiers touchés par ces produits qui nous empoisonnent à petit feu, ce sont ceux qui les fabriquent. L'opposition entre consommateurs et salariés est stupide et menteuse. Combien d'entre nous sont à la fois l'un et l'autre? Combien d'entre nous ont au moins un être cher qui prend des risques sur son lieu de travail?

mercredi 30 septembre 2009

Bidoche, un livre indispensable

J'étais un peu triste hier soir. Nous, les lecteurs fidèles, avions rendez-vous dans notre librairie préférée, pour dire au revoir à Stéphanie, qui nous quittait, licenciement économique. Nous avons bu à son avenir, en espérant qu'il recroisera le nôtre. Nous avons aussi réfléchi, comment faire pour que non seulement cette précieuse librairie ne disparaisse pas, mais qu'elle croisse et embellisse, qu'elle reste le lieu que nous aimons, où nous pouvons nous rencontrer, échanger entre nous et avec des auteurs invités. Qu'elle puisse, le plus vite possible, réembaucher Stéphanie.

J'en ai profité, bien sûr, pour refaire ma provision de bouquins.

Parmi ceux-ci, le dernier livre de Fabrice Nicolino, que j'avais retenu pour en profiter dès sa sortie. Je vous avais parlé d'un autre de ses livres, "Pesticides, un scandale français", écrit en collaboration avec François Veillerette, une enquête à tomber raide (Raid?) sur l'histoire et l'actualité des pesticides dont nous arrosons généreusement nos légumes avant de les manger benoîtement. Comme ça ne nous suffit pas, nous en arrosons aussi l'intérieur de nos maisons, qui finissent par être plus polluées que l'extérieur, faut le faire.

Après les pesticides, Fabrice Nicolino s'était intéressé aux très mal nommés biocarburants, qu'on devrait plutôt nommer nécro-carburants, puisqu'ils apportent la mort dans les pays pauvres, dont la terre est réquisitionnée pour nourrir nos bagnoles en affamant leurs enfants. D'ailleurs, vous noterez que le mot "biocarburant" est désormais un peu délaissé au profit du plus neutre "agrocarburant", le cynisme peut être contre-productif, ils s'en sont avisés. Le bouquin s'appelle "La faim, la bagnole, le blé et nous".

Fabrice Nicolino s'en prend aujourd'hui à la "Bidoche". C'est le titre du livre, expressif n'est-ce pas? Le sous titre, qui fait davantage dans l'explicatif, c'est "L'industrie de la viande menace le monde". Vous n'y croyez peut-être pas, vous pensez qu'il dramatise, qu'il exagère. Faut lire pour vérifier (ou pas). Vous pouvez aussi suivre sa promotion sur le site dédié, et écouter Fabrice Nicolino dans "La tête au carré". J'ai commencé le bouquin, il s'annonce "saignant".

Ce livre est édité chez LLL, "Les Liens qui Libèrent", un éditeur qui vient de naître, et à qui on souhaite longue et belle vie.

Je récapitule: trois raisons d'acheter ce livre:

- Soutenir un vrai journaliste, qui fait des enquêtes solides, musclées, sans concessions. Espèce à protéger, en voie de disparition.

- Soutenir un éditeur naissant: yen a beaucoup, mais leur vie est dure, et parfois brève.

- Soutenir votre petit libraire préféré, vous en avez bien un pas loin de chez vous, réservez lui vos achats.

Si vous avez pas de sous, essayez de convaincre votre bibliothèque préférée que c'est un achat d'utilité publique.

mardi 13 janvier 2009

Fermez les yeux, vous aurez moins peur

Le réseau "Sortir du nucléaire" nous livre une information qui fait un peu froid dans le dos. Non seulement nos centrales nucléaires fuient, non seulement des incidents potentiellement graves s'y produisent, non seulement la vérité nous est cachée ou édulcorée, mais l'industrie nucléaire n'a désormais plus elle-même les moyens de savoir ce qui se passe sur ses sites. Les laboratoires de toutes les centrales nucléaires EDF ont perdu leurs agréments. Les mesures de rejets radioactifs dans l'environnement ne sont donc pas fiables, et ce, probablement, depuis un certain temps.

Dans le même temps, TV5 Monde m'apprend que Georges Bush a récemment refusé au gouvernement israëlien les moyens de bombarder en profondeur les sites iraniens soupçonnés de nucléaire militaire, et que l'Iran présente comme du nucléaire civil. Sauf que, sous un bombardement, la différence civil/militaire doit s'estomper terriblement.

Mon plus jeune fils est né en 1986. J'étais enceinte de deux mois quand Tchernobyl a explosé. J'ai bu le lait des vaches qui broutaient la prairie, j'ai parfumé au thym tous mes ragoûts, me suis nourrie de champignons sauvages, pour apprendre tardivement que le nuage radioactif, malgré le refus de visa qui lui avait été opposé, avait franchi clandestinement la frontière et inondé généreusement tout le sud est de la France . Voilà un enfant à qui on a régulièrement tâté les ganglions, son père et moi, sans trop oser dire pourquoi on s'angoissait à chaque rhume, jusqu'à ce qu'un toubib nous redonne un peu de légèreté, on peut pas vivre et faire vivre son enfant comme ça.

Près de chez nous, il y a Creys Malville, ce réacteur expérimental qui n'a jamais produit un seul KW, mais qui reste à démanteler sur des années encore. Un peu plus loin, il y a Pierrelatte, qui relâche dans les eaux souterraines ses déjections et où un grave incident menaçait (menace?) de se produire.

Comme je ne suis pas une adepte du NIMBY (nucléaire, oui, mais chez les autres) je cherche à réduire ma consommation d'électricité, pas facile, on a pris pendant les années fastes de très mauvaises habitudes. Résistons colibri, ya pas de petit progrès. Même si ça fait parfois râler de penser à éteindre sa lampe de chevet avant de sortir dans une rue illuminée comme en plein jour par des milliers de publicités agressives, voire par des guirlandes de Noël que la commune paie avec NOS impôts.

vendredi 6 juin 2008

A propos de pesticides

Pesticides, un scandale français, de Fabrice Nicolino et François Veillerette, est paru en février 2007 chez Fayard.

J'avais repéré ce livre dès sa parution, et j'ai mis longtemps à le lire. Parce que c'est un livre que je POUVAIS PAS lire vite. Parce que des fois je m'arrêtais pour assimiler. D'autres fois, je m'arrêtais pour souffler, je veux dire pour reprendre mon souffle. Des fois je m'arrêtais pour me refaire le moral qui en avait bien besoin.

Mais je l'ai lu, jusqu'à la dernière ligne, sans en manquer une seule, en revenant même en arrière pour être bien sûre.

Faites comme moi. Ne vous fiez pas aux commentaires condescendants qui tentent de le caricaturer. Si ce livre n'était pas extrêmement sérieux et scrupuleusement documenté, il aurait déjà mille procès en diffamation, compte tenu des précisions qu'il apporte.

page 2 de 2 -