Vous aimez les chiffres?

La situation économique semble devenir ici vraiment préoccupante. Depuis les fêtes du Têt (février), les prix ne cessent d'augmenter. Surtout celui des denrées alimentaires. L'indice des prix à la consommation a augmenté, en mai, de 4.24% à Ho Chi Minh Ville (3.9% à Hanoi). Ce qui porte la hausse des prix, sur quatre mois, à 13.8%.

Mais ces pourcentages moyens reflètent une disparité importante. La hausse des prix des "vivres" a été de 23.05%, celle des "denrées alimentaires" de 14.97%. Je ne comprends pas bien la différence qui est faite par le courrier du Vietnam entre vivres et denrées alimentaires, sans doute s'agit-il d'une différence entre le prix du riz et celui des autres denrées alimentaires.

Car, malgré une diversification importante de la nourriture (davantage de légumes, de poisson et de viande dans leur alimentation quotidienne), la base de l'alimentation reste bien évidemment le riz. En France, on parle du "pain quotidien", quoique de moins en moins, ici on dit "manger du riz" quand on veut dire "manger". Et il semble bien qu'une part de la population ne mange pas grand chose d'autre que du riz. Or le riz a effectivement augmenté, et apparemment de façon plus importante encore que ne le disent les chiffres officiels. .

L'association humanitaire à laquelle je participe ici a d'ailleurs dû revoir à la baisse le contenu des colis alimentaires basiques qu'elle distribue chaque mois, après avoir pourtant revu à la hausse l'enveloppe qu'elle leur consacrait.

Les prévisions d'inflation à 22% sur l'année semblent bien sous évaluées. D'autant que les moyens envisagés sont assez flous, du genre "renforcer la gestion de l'État, rehausser la responsabilité des entreprises et encourager les consommateurs eux-mêmes à la vigilance". Tandis qu'une vérité s'échappe parfois des commentaires "A cause de la flambée des prix sur le marché mondial, le gouvernement ne peut pas intervenir massivement sur le marché domestique".

Le Vietnam est entré dans l'Organisation Mondiale du Commerce en 2007, et ne peut pas se permettre n'importe quoi sans se faire -amicalement- tancer. Dominique Strauss Kahn , tout en "comprenant" (merci, patron) que certains pays souhaitent limiter les exportations... de riz par exemple, les invite à "dépasser ce repli sur une solution nationale". Prétendant que ça revient à "exporter la famine dans le pays d'à côté", il tente même de les culpabiliser.

Ainsi, le Vietnam, qui souhaitait d'abord interrompre ses exportations de riz, puis les modérer, puis les contrôler, doit-il aujourd'hui constater que pendant les quatre premiers mois de l'année, 1.6 millions de tonnes de riz ont été exportées, soit une hausse de 19% par rapport à la même période en 2007. Les exportations reprennent donc officiellement. . Et n'ont sans doute jamais cessé. Comment empêcher les entreprises d'exporter quand les prix mondiaux s'envolent?

Pourtant, les plus pauvres ne sont pas oubliés. Pour atténuer l'impact de la flambée des prix sur leur niveau de vie, le ministère concerné va "étudier les influences de l'inflation sur les salariés et les bénéficiaires des politiques sociales, surtout les personnes à revenu modeste".

Le salaire minimum de base sera augmenté graduellement d'ici à 2012.

Mais pas cette année.

Commentaires

1. Le samedi 14 juin 2008, 11:35 par Ga(i)elle

Brrrrr... Dire que les pays d'à côté doivent être dans la même situation... :o(

2. Le dimanche 15 juin 2008, 17:08 par Patrick

Il a l'air toutafé à sa place, notre socialisse planétaire : à l'Ouest !

3. Le lundi 16 juin 2008, 01:17 par cultive ton jardin

Sur une réalité très différente de la nôtre, les concepts libéraux et tout ce qui va avec, que nous connaissons bien chez nous, sont appliqués avec vigueur ici.

Les chiffres ci dessus sont des chiffres officiels, et n'en sont que plus inquiétants. Le Courrier du Vietnam n'aborde aussi nettement ce sujet que depuis peu.

Sur le terrain, la réalité semble bien plus dure encore.

4. Le samedi 21 juin 2008, 15:28 par benedicte

Le viet-nâm n'a qu'à se retirer de l'OMC. C'est irresponsable de la part d'un gouvernement, mais vu les nôtres en Europe, nous n'avons de leçon à donner à personne, de ne pas prendre les décisions politiques d'intérêt général, visant à éviter une famine de ses concitoyens, pour obéir aaux parasite de la finance internationale.
Ma fille qui vit en Equateur m'a informé, et était heureuse de le faire, que son président, Raphael Correa vient d'interdire les exportations de riz, qui est là-bas aussi, bien que ce soit l'Amérique latine, la base alimentaire. et ce tant que les cours ne seront pas redevenus raisonnables.
Les diktats de l'OMC n'ont de valeur que pour ceux qui les acceptent, et les accepter relève d'un choix politique, pas d'une fatalité
Amicalement

5. Le dimanche 22 juin 2008, 02:50 par cultive ton jardin

Le Vietnam a adhéré à l'OMC en 2007, et les vietnamiens qui ont trois sous sont à fond dans travailler plus pour exporter plus. Les prix de l'immobilier se sont envolés, du coup celui qui avait une vieille bicoque dans Hanoi est potentiellement milliardaire.

Dans tous les secteurs, fruits et légumes, confection, fabrications diverses, on se casse la tête pour s'aligner sur les standards internationaux afin de pouvoir exporter.

Ces espoirs ne sont pas chimériques, la classe qui s'enrichit le fait à toute vitesse. Les autres espèrent donc. Bien sûr, yen aura pas pour tout le monde, raison de plus pour se presser.

Les méfaits de l'OMC ne sont pas encore devenus évidents. Remarque, même chez nous, c'est pas gagné, hein? Les seuls ronchons qui s'y opposent... ce sont, je crois, les vieux communistes, un peu des dinosaures...

Mon texte sur le livre Rue des soldats donne une idée de comment ça a commencé.