Journalisme de frivolité

Sur France Info, ce matin, un mini reportage pris sur le vif comme ils les aiment. Et comme je les aime aussi, ne boudons pas notre plaisir.

Ca se passe dans le Doubs. Des paysans ont amené trois vaches dans un quartier urbain. Ils invitent les passants à déguster le lait sorti tout frais tout chaud du pis des vaches.

Petit micro-trottoir, ya ceux qui aiment, ceux que ça leur rappelle leur enfance, ya aussi les gosses qui aiment moins, le goût trop fort, et aussi ça les dégoûte un peu l'idée que ça sort du pis des vaches, précisément. C'est comme la viande, mieux vaut pas trop savoir d'où ça vient, hé? Petit couplet sur "on s'en sort pas, on le vend à un prix qui couvre à peine les frais, impossible d'espérer en plus se tirer un salaire alors que c'est quand même du boulot de traire tous les matins et tous les soirs, plus les soins aux bêtes". La journaliste explique benoîtement qu'ils font ça pour sensibiliser le consommateur en mettant en évidence la différence entre prix d'achat et prix de vente. Elle explique aussi qu'ils ont recueilli 400 signatures. Et basta. C'est mignon tout plein, cette petite tranche de campagne en ville, ce pti déj au lait bourru. Mais on va rester avec une question sur le bout de la langue: à combien on le leur achète, le lait, pour qu'un 8 mai au matin ils viennent faire de la pédagogie sur le trottoir?

En fait, ça me turlupine un peu, cette histoire. Paske, ces paysans qui se sont levés de bonne heure, un peu plus que d'habitude, pour fourrer trois vaches dans une bétaillère, c'était pour prendre à témoin le public justement du prix auquel on leur paie le litre de lait, en le faisant contraster avec celui auquel le consommateur achète le litre de lait. Ils ont dû être très contents qu'une journaliste s'intéresse à leur histoire. En plus de toucher 400 personnes, leur petite mise en scène allait s'offrir comme public les auditeurs de France Info. C'est raté, les gars, la prochaine fois adressez-vous à un VRAI journaliste. Là, vous aviez seulement affaire à un amuseur public.

Et puis ça continue à me turlupiner: c'était quand même l'information principale, impossible qu'elle ait "oublié" de nous la donner. En plus, d'habitude, les chiffres, ils nous en farcissent les oreilles, au moins celui là nous aurait parlé, des centimes d'euro on en a tous dans notre poche (c'est pas comme les milliards des banquiers). Alors, si elle a pas oublié de donner l'info, c'est qu'elle a été sciemment supprimée.

Je raisonne bien? Ou je suis parano? Ou les deux?

Commentaires

1. Le samedi 9 mai 2009, 10:38 par Chomp

Pas besoin de parano.
Ce genre de sujet est toujours classé dans la rubrique "Pittoresque" ou "Le-bon-goût-d'autrefois" sur le même ton que les pubs qui exploitent les clichés campagnards du passé pour nous faire avaler les productions de l'agro-alimentaire.
Un brin condescendant, un chouïa méprisant, surtout rester léger, (la France qui se lève tôt a du courage, faut bien se détendre un peu), rester à bonne distance les collègues du paysan qui balancent leurs tonnes d'invendus à la prefecture, par exemple.
Cette censure sournoise n'est même plus un calcul imposé, c'est un savoir-faire, le "journalisme de frivolité" ...

2. Le dimanche 10 mai 2009, 09:04 par balein

Bonjour,
et oui, les gens veulent du divertissement et sont les premier à zapper, je crois que le prix au prducteur est autour de 35cts, ça dépend de sa catégorie (masse de matière grasse et qualité de "saletés").

3. Le dimanche 10 mai 2009, 10:13 par jardin

Zapper sur France Info... difficile, on a pas le temps, les séquences sont trop courtes. Nous donner le prix de vente du lait, vu que c'était quand même l'information principale et que spontanément on l'attendait n'aurait pris qu'une demi seconde de plus.

Ce public qui voudrait "du divertissement" et qui serait "le premier à zapper" au cas où on lui donnerait de véritables informations... je suis pas sûre de son existence. Il me semble au contraire que "les gens" sont de plus en plus frustrés de l'inconsistance (et de la répétitivité) de ce qu'on nous propose sous prétexte d'information.

4. Le dimanche 10 mai 2009, 10:32 par jardin

Trouvé sur le site de la Confédération Paysanne, en date du 6 mai 2009:

"La commissaire européenne à l’agriculture Mariann Fischer Boel (...) reconnaît qu’un prix entre 18 et 25 cts d’€ payé aux producteurs rend leur situation fragile (...)"

Mais....

5. Le dimanche 10 mai 2009, 13:12 par vieil anar

Comme disait Gaisbourg à une consonne près:
" La beauté des laits, des laits, des laits
Se voit sans délais, délais..."

OK, je sors, je sors...!

6. Le dimanche 10 mai 2009, 13:14 par vieil anar

Manque un "n" à Gainsbourg, pas fait exprès....!!

7. Le mardi 12 mai 2009, 23:53 par Patrick

Bah ! qui c'est qui raconte encore ces sornettes ? le lait, ça sort pas de la vache, ça sort de la boite cubique qui est dans mon frigo ;-)

Sans rire : les vaches, ça rentre pas bien dans les usines de chez Nestlé/Danone. Y'a plein de viande autour des pis, des fois ça coince les robots de traite et ça tiens pas la cadence des productions planifiées.

Alors forcément : y'en a pas, des vaches dans les usines à lait. CQFD.