Mon ami Petaramesh m'a autorisé à voler chez lui une version modernisée de la célèbre poésie du pasteur Niemöller, écrite à Dachau en 1942 (il savait de quoi il parlait):
Quand ils sont venus chercher les sans-papiers,
je n'ai rien dit, j'avais mes papiers.
Quand ils sont venus chercher les chômeurs et les RMIstes,
je n'ai rien dit, j'avais mon C.D.I.
Quand ils sont venus chercher les reubeus du 9-3,
je n'ai rien dit, j'étais français de souche et pas dans le 9-3.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n'ai rien dit, j'étais à la CFDT.
Quand ils sont venus chercher les gauchistes,
je n'ai rien dit, j'étais au Parti Socialiste...
Quand ils sont venus chercher les énarques et les polytechniciens,
j'ai écrit un article dans Le Monde.
Et quand ils sont venus chercher les journalistes,
personne ne lisait plus la presse depuis longtemps.
Récemment, "ils" sont venus chercher un jeune guadeloupéen:
Dans la nuit de mercredi 18 à jeudi 19 février, Jacques Bino, syndicaliste guadeloupéen, est tué par balle. Circonstances pas encore très claires. Pourtant, dès le lendemain, la police investit la cité Henri IV, grimpe dans un des immeubles HLM, fait sauter la porte de l'appartement où Patrice Prixain, 21 ans, étudiant en droit, vit avec sa grand mère, le tire du lit où il dormait après avoir quelque peu bousculé la grand mère. Ils emmènent le jeune homme qui a été, lui, plus que bousculé. Puis ils reviennent dévaster l'appartement à la recherche de l'arme du crime, que bien sûr ils ne trouveront pas. Heureusement pour lui, ils embarquent, faute de mieux, le disque dur de son ordi. Car c'est ce qui va le sauver d'une accusation de meurtre. Au moment où a été tiré le coup de feu, Patrice était en train de tchatter avec des copains, le disque dur en fait foi.
Patrice a donc été libéré, après une garde à vue "correcte", dit-il. L'oeil tuméfié que vous lui voyez sur la photo, c'est avant, quand il a été réveillé par ses visiteurs matinaux.
De quel chapeau son nom a-t-il été tiré? Le système italien des "repentis", ("donne-nous un nom et on efface ton ardoise") a-t-il été mis à contribution? Celui de la délation spontanée, récemment promue délation citoyenne, est-il en cause? Et quel est ce pays où on peut pourrir la vie d'un citoyen innocent, sur simple et calomnieuse dénonciation, pendant 24 heures, une semaine, un an? Sans que cela émeuve des gens qui se disent "journalistes".
Et qui préfèrent nous parler du drame du tourisme à la Guadeloupe.