Cette France là

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jeudi 26 février 2009

M'en fous, suis pas guadeloupéen!

Mon ami Petaramesh m'a autorisé à voler chez lui une version modernisée de la célèbre poésie du pasteur Niemöller, écrite à Dachau en 1942 (il savait de quoi il parlait):

Quand ils sont venus chercher les sans-papiers,
je n'ai rien dit, j'avais mes papiers.
Quand ils sont venus chercher les chômeurs et les RMIstes,
je n'ai rien dit, j'avais mon C.D.I.
Quand ils sont venus chercher les reubeus du 9-3,
je n'ai rien dit, j'étais français de souche et pas dans le 9-3.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n'ai rien dit, j'étais à la CFDT.
Quand ils sont venus chercher les gauchistes,
je n'ai rien dit, j'étais au Parti Socialiste...
Quand ils sont venus chercher les énarques et les polytechniciens,
j'ai écrit un article dans Le Monde.
Et quand ils sont venus chercher les journalistes,
personne ne lisait plus la presse depuis longtemps.

Récemment, "ils" sont venus chercher un jeune guadeloupéen:

Dans la nuit de mercredi 18 à jeudi 19 février, Jacques Bino, syndicaliste guadeloupéen, est tué par balle. Circonstances pas encore très claires. Pourtant, dès le lendemain, la police investit la cité Henri IV, grimpe dans un des immeubles HLM, fait sauter la porte de l'appartement où Patrice Prixain, 21 ans, étudiant en droit, vit avec sa grand mère, le tire du lit où il dormait après avoir quelque peu bousculé la grand mère. Ils emmènent le jeune homme qui a été, lui, plus que bousculé. Puis ils reviennent dévaster l'appartement à la recherche de l'arme du crime, que bien sûr ils ne trouveront pas. Heureusement pour lui, ils embarquent, faute de mieux, le disque dur de son ordi. Car c'est ce qui va le sauver d'une accusation de meurtre. Au moment où a été tiré le coup de feu, Patrice était en train de tchatter avec des copains, le disque dur en fait foi.

Patrice a donc été libéré, après une garde à vue "correcte", dit-il. L'oeil tuméfié que vous lui voyez sur la photo, c'est avant, quand il a été réveillé par ses visiteurs matinaux.

De quel chapeau son nom a-t-il été tiré? Le système italien des "repentis", ("donne-nous un nom et on efface ton ardoise") a-t-il été mis à contribution? Celui de la délation spontanée, récemment promue délation citoyenne, est-il en cause? Et quel est ce pays où on peut pourrir la vie d'un citoyen innocent, sur simple et calomnieuse dénonciation, pendant 24 heures, une semaine, un an? Sans que cela émeuve des gens qui se disent "journalistes".

Et qui préfèrent nous parler du drame du tourisme à la Guadeloupe.

jeudi 25 décembre 2008

Nos valeurs communes (3) dédié à Christine B.

Nos valeurs communes? Force est de constater que les valeurs de madame Christine B. sont définitivement et irrévocablement non seulement différentes des nôtres, mais qu'elles en sont l'inverse, la caricature pervertie. Merci à Jacques Brel de me prêter sa voix, car je suis un peu paresseuse aujourd'hui. Heureusement, il le dit lui-même, c'est avec du vieux qu'on fait du neuf, et madame B. n'a rien à envier à ces charmantes héroïnes, pas si démodées que ça puisque des voix s'élèvent pour les remettre au goût du jour.

Pour faire une bonne dame patronnesse Il faut avoir l'œil vigilant Car comme le prouvent les événements Quatre-vingt-neuf tue la noblesse Car comme le prouvent les événements Quatre-vingt-neuf tue la noblesse

Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesse Il faut organiser ses largesses Car comme disait le duc d'Elbeuf " C'est avec du vieux qu'on fait du neuf " Car comme disait le duc d'Elbeuf " C'est avec du vieux qu'on fait du neuf "

Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesse C'est qu'il faut faire très attention A ne pas se laisser voler ses pauvresses C'est qu'on serait sans situation A ne pas se laisser voler ses pauvresses C'est qu'on serait sans situation

Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesse Il faut être bonne mais sans faiblesse Ainsi j'ai dû rayer de ma liste Une pauvresse qui fréquentait un socialiste Ainsi j'ai dû rayer de ma liste Une pauvresse qui fréquentait un socialiste

Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesse Tricotez tout en couleur caca d'oie Ce qui permet le dimanche à la grand-messe De reconnaître ses pauvres à soi Ce qui permet le dimanche à la grand-messe De reconnaître ses pauvres à soi

Et un point à l'envers et un point à l'endroit Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

mardi 23 décembre 2008

Nos Valeurs Communes (2)

Cet étrange phénomène d'inversion des valeurs, retournées comme un gant par les puissants, avec autant de naturel et de facilité que mon pépé dépiautant un lapin après l'avoir saigné, est loin d'être récent.

J'avais quinze ans j'étais en classe de seconde, on étudiait "Le Cid". Et moi, j'allais toujours chercher midi à quatorze heures, on me le reprochait souvent. Mais si une expression avait été créée pour ça, je devais pas être la seule. Une évidence m'avait frappée, que personne n'avait repérée, et que la prof avait évacuée d'un haussement de sourcil et d'un plissement de lèvres. C'était tellement clair pour moi, et les autres n'y voyaient qu'une incongruité.

Un mec dans la force de l'âge gifle un vieillard.

Et c'est le vieillard qui est déshonoré.

Les valeurs, c'est comme le rire, pas avec n'importe qui!

Nos Valeurs Communes (1)

J'avais huit ans, et je regardais, fascinée, mon grand père tuer un lapin. Proprement, hein, c'est une question d'honneur, on est pas des bêtes. Suspendu par les pattes arrières, il avait pas l'air très confortable, le lapin. Mais bon, ça ne durait pas. Un coup sec du revers de la main derrière les oreilles, paf. Puis l'opinel, celui que le pépé avait toujours dans sa poche, soigneusement essuyé à chaque usage, souvent aiguisé, bien usé dans le milieu de la lame, fidèle.

Un trait sur la carotide, le bol en faïence bien placé, le sang qui coulait rouge sombre. Quelques soubresauts, les dernières gouttes qui tombaient dans la poussière. Le dépiautage pouvait commencer.

Le pépé gardait les peaux. Un vieux bonhomme venait les chercher avec sa charrette remplie de trucs hétéroclites. On l'appelait "le pattier", parce que chez nous on appelait "pattes" ces morceaux de tissu usagé qui servaient un peu à tout, à repasser le linge, à laver la vaisselle, essuyer une table par exemple. J'ai même entendu "patte à cul", je vous le donne en mille, pour dire "serviette hygiénique". Le pattier s'annonçait de loin, en criant "peaux d'lapin, peaux!", et le pépé descendait à la cave chercher les peaux de lapins qui séchaient, retournées et remplies de paille. Il lui était même arrivé de les tanner lui même, ces peaux, en témoigne cette photo de moi petite fille avec un manteau en peau de lapin. Mais, disait ma mère, il avait pas continué, trop de travail, trop compliqué. Il voulait juste voir comment ça se faisait.

Revenons à nos moutons, je veux dire à notre lapin. Mais ici une parenthèse, le coup du mouton qu'on égorge dans la baignoire, ça m'avait pas trop bouleversée, sauf que le pépé risquait pas de les égorger dans la baignoire, ses lapins, il avait pas de baignoire.

Le dépiautage, c'était ce qui me fascinait le plus. De nouveau l'opinel, quelques coups de canif bien placés, amorcer le retournement, après il suffisait de tirer doucement, en dégageant parfois une adhérence, toujours de la pointe de l'opinel. Le manteau duveteux disparaissait, deux surfaces étranges et belles lui faisaient place, chatoyantes, rouges et nacrées, parcourues de sillons. Du côté de la chair, le rouge dominait. La couleur nacrée s'imposait du côté de la peau. Quelques coups d'opinel, encore, pour dégager la tête.

Un manchon de fourrure, avec la fourrure à l'intérieur, qu'il restait à remplir de paille pour que ça sèche bien en forme, en attendant le prochain passage du pattier.

Et pourquoi je vous raconte tout ça, moi? A propos de valeurs communes? Peut-être parce que c'est une époque où on assumait sa manière de manger: peu de viande, très peu même, mais on l'élevait et on la tuait soi-même, on faisait pas les innocents indignés quoique carnivores. Ou bien à cause du pattier, inquiétant personnage de mon enfance, qui à l'occasion emportait aussi les petits enfants désobéissants? Car l'obéissance était alors une valeur, les camps et leur cortège de meurtriers obéissants n'avaient pas encore pénétré jusqu'au menu peuple, on était pas laxiste avec les enfants et la "patte-mouille" de la mémé servait aussi à frapper, sans laisser de traces, les récalcitrants. Ou encore parce qu'on gaspillait pas, on recueillait le sang pour la sauce du civet, on gardait les peaux pour le pattier, on faisait des manteaux à sa petite fille auto-produits de A à Z? Non, et c'est pas non plus pour le célèbre couteau Opinel autre valeur sûre franchouillo-régionale.

L'idée terrifiante qui a donné naissance à ce billet, c'est que nos valeurs "éternelles", manipulées et instrumentalisées par des malfaiteurs adroits et menteurs, sont en train de se retourner, de s'inverser, comme un lapin qu'on dépiaute. La liberté, c'est l'esclavage, l'égalité c'est l'injustice, la fraternité c'est le mépris. Et inversement. Nous n'allons pas laisser faire, hein?

Comme moi, et à la demande éplorée de Christine Boutin, participez à la semaine de NOS VALEURS COMMUNES

jeudi 18 décembre 2008

Résister, avec ou sans majuscule!

J'avais évoqué dans un précédent billet ces parents venus, en "compagnie" de la police, chercher leurs enfants dans une école grenobloise. Ils avaient été, dans la foulée, internés à Saint Exupéry (centre de rétention de l'aéroport de Lyon) et expulsés dès le lendemain vers l'Allemagne, première étape, en vertu d'accords européens (volontairement?) compliqués et particulièrement traumatisants pour de très jeunes enfants par l'errance qu'ils impliquent. .



Le "Collectif des Ecoles du Jardin de Ville" continue la lutte.

Vous pouvez aller sur leur site, créé à cette (triste) occasion. Vous y trouverez les informations exactes, le résultat de leurs recherches sur le contexte de cette affaire, leurs efforts pour retrouver cette famille et s'enquérir de son devenir, et la pétition qu'ils ont initiée.

jeudi 27 novembre 2008

C'est dans ce pays que vont grandir mes petits enfants?

Je viens de passer quinze jours à Paris pour souhaiter la bienvenue à une petite gazelle née le 9 novembre. Je voulais aussi vous donner des nouvelles de la petite mésange huppée, deux mois et demi, et de son petit roitelet de grand frère. J'allais vous faire un billet plein d'émotion...

Mais là, j'ai une autre urgence, une autre émotion, honte et colère mêlées: à Grenoble, ma ville, celle où je suis née, la police est entrée dans une école. Une école maternelle. Pour y prendre trois enfants, sous les yeux effarés de leurs camarades.

Lundi 24 novembre, encadrés par des policiers, leurs parents sont venus chercher Jashko, Ricardo et Muhamed en pleine classe. Tous ensemble, ils sont partis pour le centre de rétention, tous ensemble ils ont été expulsés dans la foulée, dès le mardi.

C'est dans ce pays que vont grandir mes trois petits enfants, c'est dans ce pays qu'ils vont aller à l'école. C'est dans ce pays que vont grandir VOS enfants, VOS petits enfants.

Sauf si?

18 décembre, mise à jour: le "Collectif des Ecoles du Jardin de Ville" continue la lutte, allez sur leur site, créé à cette (triste) occasion. Vous y trouverez les informations exactes, le résultat de leurs recherches sur le contexte de cette affaire, leurs efforts pour retrouver cette famille et s'enquérir de son devenir, et la pétition qu'ils ont initiée.

vendredi 17 octobre 2008

Qu'un sang impur abreuve et caetera....

Interrompre un match de foot? faut une raison sérieuse, hein! .

J'ai pas bien le coeur d'en dire plus, tant l'hypocrisie et l'instrumentalisation sont énormes.

mercredi 16 juillet 2008

Le joueur de flûte de Hammeln et les lanceurs d'alerte

Je suis en train de lire "Le Monde selon Monsanto", de Marie-Monique Robin. Ce livre accompagne le documentaire du même nom, diffusé sur Arte en mai ou juin dernier, et disponible en DVD.

Indépendamment du tournis que donne l'accumulation d'invraisemblables dysfonctionnements des instances supposées protéger notre santé, j'y ai sélectionné pour vous ce tout petit paragraphe (p. 54/55):

Il s'agit de l'histoire terrible de "l'amiral Elmo Russel Zumwalt Jr, promu en 1968 commandant des forces navales au Vietnam. Il dirigeait la flotte des bateaux qui patrouillaient dans le delta du Mékong. Pour protéger les "marines" des embuscades tendues par les Viêt-Congs dans cette zone stratégique, il ordonna d'arroser les côtes d'agent orange. Il se trouve que le commandant de l'un de ces bateaux était son propre fils, Elmo Russel Zumwalt III, qui mourra d'un cancer et d'une leucémie, à quarante deux ans, en laissant un orphelin atteint de divers handicaps. Dès lors, l'amiral Zumwalt remue ciel et terre pour que le secret qui entoure la dioxine soit enfin levé."

Normalement il n'y a rien à ajouter. Je voudrais pourtant dire que mon propos n'est pas d'en rajouter, justement. Encore moins de pleurer sur le passé ou d'argumenter une malsaine repentance (je déteste ce mot). Mais de vous, de nous demander à tou(te)s: que faisons nous, que taisons nous aujourd'hui qui demain... Et de tirer mon chapeau à tous les lanceurs d'alerte qui, en ce moment même, paient cher leur courage. La liste s'allonge.

Car s'il est effarant que tant de professionnels de haut niveau continuent de se faire complices de ces "crimes en cols blanc" comme l'écrit Marie-Monique Robin, il est également étonnant que d'autres rompent l'omertà et s'y acharnent malgré ce que ça leur coûte...

mercredi 2 juillet 2008

Sécurité et liberté...

“Celui qui est prêt à sacrifier un peu de sa liberté pour plus de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre.

Et finit par perdre les deux.”

Faute de courage pour écrire moi-même sur ce thème, qu'on peut, hélas, décliner à l'infini en cette inquiétante période, je vous envoie chez Céleste.

mercredi 18 juin 2008

Au service du public?

Mon fils s'est fait récemment bloquer son compte en banque par les impôts. On appelle ça "Avis à Tiers Détenteur". Pour la taxe d'habitation d'un appart quitté depuis deux ans. Depuis, il crèche ailleurs, il paie ailleurs aussi, quoique dans une autre circonscription, mais le croisement des fichiers, c'est pas fait pour ça. .

Pour faire bonne mesure, sa banque lui facture, en plus des 762 euros de ce hold up légal , 87 euros de frais. Au total, quelques euros de moins, quelle chance, que l'indemnité chômage qu'il vient juste de toucher.

Sollicités par téléphone, les impôts reconnaissent leur erreur, mais c'est à la victime d'en faire la preuve, à savoir retrouver l'ex-proprio et le convaincre de délivrer une attestation ad hoc. S'il veut bien, s'il a pas déménagé, s'il a pas vendu l'appart, s'il est encore de ce monde, et si mon fils retrouve son adresse.

Eh bien, toutes ces conditions étant remplies, je conseille à mon fils, outre l'attestation obtenue, de demander remboursement des 87 euros que ça lui a coûté. Et accessoirement de changer de banque. Par rapport à la banque, qui est aussi la mienne, je me souviens leur avoir apporté pieds et poings liés un gamin de tout juste 13 ans, qui était d'ailleurs ravi, il devenait grand, avait son propre compte (adossé au mien, rêvons pas) disposait d'une carte de retrait dont il pouvait confier le code aux copains.

J'ai un peu honte quand même, quelle cloche!

Par ailleurs, J'ose pas imaginer la déroute dans laquelle une telle connerie peut mettre une famille sans appuis extérieurs. La catastrophe que ça peut enclencher, les agios, les lettres de menace, les gosses sans bouffe...

Service Public... ils se souviennent que ça veut dire "au service du public"? Et la banque, elle est ...populaire. Au service du peuple?

samedi 14 juin 2008

Vous aimez les chiffres?

La situation économique semble devenir ici vraiment préoccupante. Depuis les fêtes du Têt (février), les prix ne cessent d'augmenter. Surtout celui des denrées alimentaires. L'indice des prix à la consommation a augmenté, en mai, de 4.24% à Ho Chi Minh Ville (3.9% à Hanoi). Ce qui porte la hausse des prix, sur quatre mois, à 13.8%.

Mais ces pourcentages moyens reflètent une disparité importante. La hausse des prix des "vivres" a été de 23.05%, celle des "denrées alimentaires" de 14.97%. Je ne comprends pas bien la différence qui est faite par le courrier du Vietnam entre vivres et denrées alimentaires, sans doute s'agit-il d'une différence entre le prix du riz et celui des autres denrées alimentaires.

Car, malgré une diversification importante de la nourriture (davantage de légumes, de poisson et de viande dans leur alimentation quotidienne), la base de l'alimentation reste bien évidemment le riz. En France, on parle du "pain quotidien", quoique de moins en moins, ici on dit "manger du riz" quand on veut dire "manger". Et il semble bien qu'une part de la population ne mange pas grand chose d'autre que du riz. Or le riz a effectivement augmenté, et apparemment de façon plus importante encore que ne le disent les chiffres officiels. .

L'association humanitaire à laquelle je participe ici a d'ailleurs dû revoir à la baisse le contenu des colis alimentaires basiques qu'elle distribue chaque mois, après avoir pourtant revu à la hausse l'enveloppe qu'elle leur consacrait.

Les prévisions d'inflation à 22% sur l'année semblent bien sous évaluées. D'autant que les moyens envisagés sont assez flous, du genre "renforcer la gestion de l'État, rehausser la responsabilité des entreprises et encourager les consommateurs eux-mêmes à la vigilance". Tandis qu'une vérité s'échappe parfois des commentaires "A cause de la flambée des prix sur le marché mondial, le gouvernement ne peut pas intervenir massivement sur le marché domestique".

Le Vietnam est entré dans l'Organisation Mondiale du Commerce en 2007, et ne peut pas se permettre n'importe quoi sans se faire -amicalement- tancer. Dominique Strauss Kahn , tout en "comprenant" (merci, patron) que certains pays souhaitent limiter les exportations... de riz par exemple, les invite à "dépasser ce repli sur une solution nationale". Prétendant que ça revient à "exporter la famine dans le pays d'à côté", il tente même de les culpabiliser.

Ainsi, le Vietnam, qui souhaitait d'abord interrompre ses exportations de riz, puis les modérer, puis les contrôler, doit-il aujourd'hui constater que pendant les quatre premiers mois de l'année, 1.6 millions de tonnes de riz ont été exportées, soit une hausse de 19% par rapport à la même période en 2007. Les exportations reprennent donc officiellement. . Et n'ont sans doute jamais cessé. Comment empêcher les entreprises d'exporter quand les prix mondiaux s'envolent?

Pourtant, les plus pauvres ne sont pas oubliés. Pour atténuer l'impact de la flambée des prix sur leur niveau de vie, le ministère concerné va "étudier les influences de l'inflation sur les salariés et les bénéficiaires des politiques sociales, surtout les personnes à revenu modeste".

Le salaire minimum de base sera augmenté graduellement d'ici à 2012.

Mais pas cette année.

vendredi 30 mai 2008

On est tous des colibris

Je les ai vues sur TV5 Monde, ces femmes qui sortent de leur trou, celui dans lequel une législation scélérate les avait enfermées. Elles sont magnifiques de dignité et de courage. Et de lucidité. Je les ai vues sortir leurs feuilles de paie, leurs feuilles d'impôt, parler des trois noms différents sous lesquels elles ont travaillé au gré des caprices du destin. Pour une fois, le journaliste n'osait pas dénigrer.

Je les admire profondément, et je me souviens: "ils ne nous paraissent si grands que parce que nous sommes à genoux devant eux". Elles ont cessé d'être à genoux.

J'ai vu aussi le lait des vaches européennes couler dans les caniveaux des étables. Je n'ai jamais aimé qu'on gâche la nourriture, dans un monde où certains en manquent, pourtant j'ai eu un mouvement de joie, parce que c'est dans plusieurs pays à la fois que ça se passe. Paysans de tous les pays... J'ai retrouvé la vieille poésie (ringarde, eh?) de Sully Prudhomme: "Le laboureur m'a dit en songe: fais ton pain, je ne te nourris plus".

Après les queues de lotte dont mon ami "Le Yéti" a rempli son congélateur, la palme d'or dont je vous ai parlé hier, il ne me vient de France que de bonnes nouvelles, et ça, c'est vraiment nouveau. Il y a peu de temps encore, je maudissais mon conjoint d'être aussi accro aux infos et de m'imposer, dès le pti déj, des nouvelles démoralisantes.

Ma palme d'or à moi, elle va à ces femmes, à leur franc parler, à leur force vitale. Je me dis aussi qu'en me joignant, modestement, à quelques actions de RESF, j'ai participé à l'ambiance qui leur a donné le courage de sortir du bois. J'ai apporté ma petite goutte d'eau de colibri.

Nous sommes tous des colibris, ou nous pouvons le devenir. Colibris de tous les pays, unissez-vous!

vendredi 2 mai 2008

Pimpon! pimpon! papon! papon!

La formation continue des employés de nos préfectures préposés à l'accueil (?) des étrangers susceptibles de faire partie des 26000 élus annuels admis à profiter d'un voyage aérien gratuit laisse à désirer. De nombreux couacs fâcheux en font foi, et des incohérences étonnantes sont relevées tous les jours, générant un fameux gaspillage.



Faut dire à leur décharge, ces malheureux n'ont pas le temps d'assimiler le contenu d'une circulaire que celle-ci devient caduque. On les entend murmurer entre eux: "maintenant, on doit plus faire comme ça, on doit bla bla bla, je t'expliquerai". Ou bien reprocher aux "accueillis" de faire aujourd'hui ce qui leur a été demandé hier. Tout ça fait un peu désordre, et en plus ça coûte de l'argent, beaucoup d'argent à nous autres, bons français de souche et généreux contribuables.

La Préfecture des Hauts de Seine a tenté d'y remédier par une note de service claire et ferme.

Nous y apprenons que deux catégories d'étrangers sont, en ce moment, particulièrement intéressantes: ceux qui ont reçu "leur" OQTF depuis plus d'un mois (ils doivent sans doute bénéficier d'un délai pour rassembler leurs petites affaires, prendre leur billet et repartir citoyennement à leurs frais). Et ceux qui sont l'objet d'une APRF depuis moins d'un an. On imagine qu'au bout d'un an de cache-cache victorieux, ils ont droit à une pause (pouce!) pour respirer un brin. Mais ce n'est pas tout: ces heureux bénéficiaires potentiels doivent, en plus, avoir la naïveté le civisme de se présenter "de leur propre chef" en préfecture, munis d'un passeport en cours de validité.

L'employé préposé au tri au pré-accueil doit alors consulter le fichier AGEDREF pour vérifier que le poisson figure bien sur la liste des espèces autorisées. Ensuite, il lui faut respecter scrupuleusement l'ordre chronologique des opérations. D'abord, l'étranger "remet" son passeport au guichetier. Notez que, de même qu'il est venu de son propre chef, il remet son passeport sans que personne le lui demande. Hypnotisé, peut-être? Après ça, il est entreposé "invité à prendre place" dans la salle d'attente, pendant que l'agent "saisit le chef" de la section "éloignement".

Dernier conseil, très important lui aussi, l'arrestation l'interpellation doit avoir lieu en "cabine fermée". Insonorisée, j'espère?

Je ne sais pas si, depuis le début, vous notez la délicatesse du vocabulaire, sinon vous avez tort, car cette délicatesse est d'une importance primordiale. je dois faire un effort pour m'autoriser à être vulgaire dans ce contexte feutré. De la merde dans un bas de soie, c'est pourtant l'expression appropriée.

Reste un petit problème. Les étrangers assez naïfs pour se présenter en Préfecture sans convocation sont de moins en moins nombreux. Il faut maintenant les contraindre au volontariat. L'étranger qui présente une demande de régularisation n'a plus le droit d'envoyer son dossier par voie postale, il lui faut se présenter physiquement au guichet. S'il va au "pré-accueil", l'affaire est dans le sac, et lui dans la nasse.

S'il se présente directement au guichet régularisation, légère variante. L'employé de la Préfecture doit "se faire remettre" (ah, on est déjà plus ferme). les passeports des huit premiers candidats. Après, rebelote, consultation du fichier AGEDREF, appel de la section "éloignement", qui va coordonner les opérations. Pas de souci, ceux-là ont l'habitude. D'ailleurs, comme par hasard, le mot d'arrestation est enfin utilisé. Au diable les périphrases, on approche du but.

Je ne résiste pas à recopier in extenso la conclusion de cet écrit sordide, dont je souligne les mots importants au cas où ils vous échapperaient:

"Je vous rappelle que l'éloignement des étrangers en situation irrégulière est une mission prioritaire de notre service: nous avons dans ce domaine une obligation de résultat. Je vous demande donc d'appliquer avec un zèle particulier les instructions contenues dans la présente note, tout spécialement la consultation systématique et attentive du fichier AGEDREF"

Pimpon! pimpon! papon! papon!

jeudi 28 février 2008

Douce France

Je suis en petite forme, les amis, victime du blues de la déracinée. D'abord, il pleut. J'ai jamais aimé la pluie, mais quand je suis « chez moi », je me dis qu'elle arrose le jardin et refait le niveau de la nappe phréatique qui alimente la source. Et j'allume un beau feu dans la cheminée. Là, je suis pas chez moi. Depuis un mois, trois jours de soleil, un de pluie, et tout le reste de grisaille.

Ensuite, notre recherche de logement tourne en rond, trop loin ou trop bruyant, trop clean ou plutôt merdique, très cher toujours, pas disponible avant un mois, bref je me sens un peu à l'étroit dans ma petite chambre aussi sympathique soit-elle, et je ne parviens pas à me sentir « chez moi » dans les apparts que nous visitons.

Enfin, les infos venant de France nous arrivaient comme atténuées par la distance. Or, depuis quelques jours, déferle sur les écrans de TV5 Monde l'actualité française la plus honteuse et la plus nauséabonde qui soit. Accompagnée de commentaires perplexes ou goguenards, quand ce sont les infos canadiennes ou suisses, et de laborieuses justifications (modernité, spontanéité, virilité, et j'en passe) quand les infos viennent de France.

Le pire est pourtant ailleurs:

Le silence presque total sur une loi scélérate. Qui vise, théoriquement, les criminels susceptibles de récidiver. C'est déjà bien grave, enfermer quelqu'un pour ce qu'il est susceptible de faire.

Le Conseil Constitutionnel, qui devrait se lever comme un seul homme, se contente d'ergoter sur la question de la rétroactivité. Il a raison, c'est également très grave, de vouloir rendre une loi rétroactive. Mais en se centrant sur cet aspect là, il laisse passer le reste, et se donne, à bon compte une allure de résistant. Molle, la résistance, même sur la rétroactivité: "non, mais oui, dans le cas où... seulement si... "

Bref, la loi est entérinée dans son aspect le plus scandaleux. La seule réaction qui est à la hauteur de ce bouleversement de notre conception de la justice est celle de Robert Badinter:

« C’est un tournant très grave de notre droit. Les fondements de notre justice sont atteints. Que devient la présomption d’innocence, quand on est le présumé coupable potentiel d’un crime virtuel ?"

Jusqu'à ces derniers mois, je ne croyais pas que le fait d'être française fût un élément majeur de mon identité. Face à tout ce qui se passe depuis des années dans notre beau pays, les gens qui meurent sur les trottoirs, les lois scélérates entérinant la prison arbitraire pour les fous qu'on ne se donne pas les moyens de soigner, la stigmatisation de la jeunesse pauvre, l'indignité des centres de rétention pour étrangers, enfants et adultes mêlés, cet accablement, ce sentiment d'impuissance, il me faut bien maintenant le reconnaître pour ce qu'il est, profondément: une perte d'identité.

« La France trahit par là une part non codifiable de son identité, un des aspects fondamentaux, l'autre en est le colonialisme, de son rapport au monde: l'exaltation de la liberté pour tous ».

C'est écrit dans un tout petit livre, d'Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, ça s'intitule « Quand les murs tombent »

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