mardi 23 novembre 2010

Idées apocalyptiques

Trouvé sur "Article 11" citant Wu Ming

"Les idées apocalyptiques sont souvent une bonne excuse pour ne rien faire, leur message pouvant se résumer à ceci: tout est perdu et le Spectacle-Capital va toujours rattraper les inventions de l’intelligence collective. Nous pensons au contraire que notre travail consiste à proposer le récit de narrations alternatives, pour montrer la possibilité de l’impossible et poser des questions sur l’avenir à travers le filtre de l’allégorie. Ce n’est pas une question d’optimisme: c’est l’éthique de notre métier."

C'est pas pour vous faire la leçon à vous, amis lecteurs, c'est pour me faire la leçon à moi. Pour pas me faire envahir par les idées apocalyptiques.

lundi 22 novembre 2010

Des asticots au plafond

Ce jour là, j'avais de la visite. Et parmi les visiteurs, une copine paradoxalement aussi résolument féministe que bonne ménagère. Je conçois volontiers qu'on puisse être les deux, mais mon féminisme à moi s'enracine si profondément dans une totale incapacité ménagère que ça m'étonne pourtant toujours. Je ne VOIS littéralement pas le désordre, les araignées, la poussière, la crasse s'accumuler autour de moi. Généralement, c'est un(e) autre qui tire la sonnette d'alarme: mon conjoint, quand il a invité sa famille, une copine pleine de commisération, voire, plus récemment, mes propres enfants, un brin donneurs de leçons (mais faites donc, je vous en prie, j'avale toutes les hontes du moment que vous passez le balai et la serpillère, toujours ça de gagné!).

Ce jour là, la copine, passant dans le couloir, lève les yeux. Je vous le demande, pourquoi lever les yeux dans un couloir? Ça se conçoit à la rigueur dans un salon, quand, les pieds sur la table basse, on se prépare à un petit somme ou à une simple rêverie, ou après un repas légèrement trop arrosé, quand on se renverse sur son siège pour se dégager l'estomac, mais dans un couloir? Faut de la malignité!

Elle lève donc les yeux et s'exclame: "Il y a des asticots au plafond". Ah? Bon? Des asticots? Tiens tiens...

J'imagine assez logiquement des vers de farine. Pas la première fois (quoique jamais au plafond) car les provisions de céréales bio plus ou moins mal gérées par une handicapée du ménage me réservent souvent ce genre de surprise. Laissez un fond de paquet de farine blanche dans un recoin de votre placard un an, deux ans, plus si affinités, jamais la moindre mite alimentaire n'aura l'idée saugrenue d'y pondre. La mite est une mère avisée, elle se soucie de ce que va bouffer sa progéniture, on ne saurait en dire autant de tous les parents. Mais un sac de farine complète, là... surtout à l'automne, je ne sais pas trop pourquoi, probable que les mites, en bonnes écologistes, se soucient des rythmes saisonniers.

J'ai un souvenir cuisant de mes débuts enthousiastes en consommation biologique. Quelques mites voletant de ci de là ne m'avaient guère alertée, en tous cas pas dans la bonne direction: pour moi, les mites, ce pouvait être que dans de vieux lainages insuffisamment gavés de naphtaline, j'avais exploré mes placards à vêtement, rien trouvé d'inquiétant, j'étais passée à autre chose tandis que le nombre de papillons augmentait résolument. Jusqu'à devenir vraiment gênant, même pour moi dont le seuil de tolérance est, je l'ai dit, assez élevé. Je ne sais plus quand et comment j'avais fini par découvrir le pot-aux-mites, je me souviens simplement que la situation était alors complètement désespérée. Pas un de mes sachets, farine, semoule, polenta n'avait échappé. Plus grave, il y avait des cocons dans tous les recoins des placards, dans les fissures du bois, sous les étagères, dans les charnières, partout. Les mites réapparaissaient périodiquement chaque année quels que soient mes efforts.

Depuis, j'ai fait quelques progrès: quand je vois voleter l'ange gabriel annonciateur la mite annonciatrice, je passe en revue mes provisions. Normalement, elles sont déjà enfermées dans des bocaux hermétiques: pots twist'off de différentes contenances ou bocaux de stérilisation inutilisés (en plus de nulle ménagère, je suis très velléitaire, et j'ai toujours envie de faire des conserves, envie qui ne dépasse que rarement le stade "achats de bocaux". Il reste pourtant toujours un paquet de farine qui n'a pas son bocal, soit que j'aie fait traîner la mise en sécurité, soit que mon achat ait dépassé la contenance d'un bocal, soit que j'aie racheté de la farine en oubliant que j'en avais encore tout plein. Je vide alors le paquet de farine dans une passoire à grille fine, je tamise tout ça dans un saladier, je retrouve au fond de la passoire les petits paquets agglomérés de filaments, et basta, je remets le reste en bocal. Il m'est arrivé aussi de devoir expurger un paquet de riz de ses charançons. C'est pratique avec le riz, la couleur tranche, avec les lentilles c'est plus délicat. Ne dites surtout rien à ma petite famille, ils n'aimeraient pas l'idée d'avoir mangé du riz ou des lentilles aux charançons ou de la sauce blanche clandestinement enrichie en protéines.

Mais là, bon sang, c'étaient pas des vers de farine, un peu trop longs, plutôt de petites chenilles. La copine suggéra amicalement qu'un rat crevé pourrissait quelque part. Pour les combles, une visite rapide nous rassura: pas de cadavre. On se débarrassa des bestioles en remettant au lendemain l'exploration des placards. Mais le passage de mes placards à l'inspection n'expliqua pas le phénomène. D'autant que, deux jours plus tard, nouvelle invasion, cette fois dans la pièce voisine. Et là, lumière: nous avions déplacé entre temps, pour en brûler le contenu, un fond de cagette contenant le reste de notre récolte de noix 2009. Quand la récolte suivante est faite, les anciennes noix ont tendance à rancir et c'est tellement désagréable de croquer dans une noix rance que ça ne vaut pas la peine de faire des économies. Sauf que là, en plus d'être (peut-être) rances, elles étaient véreuses. J'ignore tout du cycle du carpocapse de la noix, qui est paraît-il le même que celui des pommes et des poires, mais il est probable que celui-ci a été perturbé par la température, comme celui de la piéride du chou de l'an dernier.

Bref, on a sorti la cagette, et depuis, ma terrasse est pleine de mésanges attirées par l'aubaine. J'avais déjà cultivé des pucerons pour nourrir les coccinelles, j'ai élevé cet été des doryphores pour échapper à une malédiction (billet complémentaire à venir), et voilà que maintenant, j'élève des vers et des mites pour nourrir des mésanges. Aucune limite à ma générosité écologique.

dimanche 14 novembre 2010

Populisme?

Avant de devenir une insulte, le populisme fut, il est toujours, un mouvement littéraire et artistique. Le "prix du roman populiste" a été décerné, au fil des années, à des écrivains dont la variété vous surprendra. L'un d'eux, Louis Nucéra, qui le reçut à titre posthume en 2005 pour l'ensemble de son oeuvre, écrivait en 1994:

"Il n’est pas rare d’entendre discréditer le mot populisme. Comme si l’on craignait, au mieux, de voir les bons sentiments annexés par quelques usurpateurs et, au pis, comme si l’on éprouvait du mépris pour ce que pensent les gens du peuple."

samedi 23 octobre 2010

Une maison sans porte ni fenêtre

Il a huit, neuf ans. Je le reçois pour un premier entretien d'évaluation psychologique, dans la maison d'enfants où je travaille alors et où ses parents l'ont inscrit parce qu'il est en échec scolaire. Il est silencieux, inquiet, et dessine lentement, à ma demande, une maison.

Une maison sans porte ni fenêtre. Jamais vu ça de toute ma carrière. Il y a une lucarne sur le toit, pourtant.

Suit l'entretien avec les parents. A un moment, le beau père me dit "Ce qu'il y a, c'est qu'il rêvasse tout le temps. Il faudrait l'empêcher de rêver."

Il me semble entendre la lucarne du toit se refermer, se verrouiller, avec un grincement.

jeudi 21 octobre 2010

La chienlit, c'est lui!

En 1968, De Gaulle avait parlé de "chienlit". Ça veut dire chiendent, une herbe particulièrement envahissante et tenace, qui pousse ses rhizomes sous la terre et ressurgit à l'endroit où on ne s'y attend pas, belle image. Nous, on connaissait pas ce mot, j'étais pas jardinière à l'époque, on pensait que ça voulait plutôt dire qu'on était de la merde à ses yeux. D'ailleurs, c'était peut-être bien ce qu'il voulait dire, son erreur et la nôtre se donnant la main. Une belle affiche sérigraphiée était sortie de l'atelier d'artistes qui nous a laissé de nombreuses oeuvres, futées, drôles, impertinentes, et d'un graphisme reconnaissable entre mille.

En cherchant des reproductions de cette affiche, je m'aperçois que d'autres ont eu une idée voisine de la mienne. Le pastiche de cette affiche mythique avec, en bas à droite, une silhouette cornue et connue. Ça me fait rire, mais c'est pas exactement ce que j'avais en tête.

J'en ai marre de ce mot de "casseurs" qu'on nous sert à toutes les sauces avec des mines horrifiées. Ces jours-ci "on" a cassé, beaucoup, du jeune, du manifestant, on a cassé des êtres humains dont certains gravement. Ce "ON" là , il était casqué, abrité derrière un bouclier transparent, avec à la main une matraque, un flash ball, un lance grenade. Il n'était pas cagoulé (quoique...).

Donc, voilà ce que je voulais dire, que j'ai déjà dit, mais il faut le répéter:

Les casseurs, c'est eux!

lundi 18 octobre 2010

Répartition ou capitalisation

Pour ceux qui ont pas encore bien compris la différence:

Répartition, le fric que tu verses (tes cotisations ou celles que ton patron retient sur ce que tu lui rapportes) alimente directement les retraites des vieux de ton époque. Avec un petit matelas de sécurité pour amortir les cahots. Rien n'interdit d'augmenter le débit avec d'autres prélèvements si nous n'avons plus les moyens d'entretenir nos riches, de plus en plus voraces. En échange, ce sont les générations qui viennent qui paieront ta propre retraite. Un contrat entre les générations, un contrat de confiance, quoi.

Capitalisation: ton fric va dans les "fonds de pension" c'est à dire dans la poche de gens que tu connais pas, ou alors par la télé, et qui te le rendront dans 40 ans. Qui te le rendront... peut être, demande aux Argentins ce qui leur est arrivé il y a quelques années. Leurs retraites par capitalisation, pfuit!

dimanche 17 octobre 2010

Des risques qui n'en valent pas la peine

On parle beaucoup depuis peu du "Mediator°". Son nom "commun", le nom "générique", le nom de la molécule quoi, ignorants, est "benfluorex". Médiator° est son nom commercial. La revue "Prescrire", revue médicale dont certains articles (trop peu à mon goût) sont en accès libre, met en garde depuis des années contre ce médicament. D'abord à cause de son peu d'efficacité vraiment prouvée, puis de plus en plus souvent, à cause de nombreux effets secondaires dont certains graves ou très graves. 25 articles de 1986 à 2010, dont le premier, 1986 je répète, portait le titre "Mediator°, activité ou non?". A la question d'un médecin démarché par les labos pour ce nouveau médicament qu'on voudrait lancer à la place d'un autre, plus ancien et mieux connu dans ses effets indésirables, Prescrire répond "...les études cliniques dont a bénéficié le benfluorex n'ont pas bénéficié d'une méthodologie rigoureuse..."

En 2006, la revue titre un de ses articles "Des risques qui n'en valent pas la peine".

Allez lire ça, feignants, je vais pas vous mâcher le boulot. Et allez lire aussi, j'espère qu'il sera bientôt en libre accès, j'ai voté pour ça, l'article que Arrêts sur images consacre au livre qu'a écrit Irène Frachon, "Mediator, 150 mg" sur ce... "médicament" (ya pas un autre mot? Va falloir l'inventer. .

samedi 16 octobre 2010

L'eau déshydratée

Vous connaissez la blague de l'eau en poudre: un pti sachet de poudre, une bouteille, un litre d'eau, versez la poudre, agitez quelques secondes, hop, vous avez reconstitué un litre d'eau.

Ce matin, je voulais écrire un billet, vous avez remarqué, un par jour depuis... trois jours. Pas le courage. Je traînasse sur le web, je relis dix fois les mêmes trucs, je visite des blogs amis où ya rien de neuf, j'écris quelques commentaires ici ou là, des fois je les efface, pas contente. Le bourdon, quoi.

Puis je tombe là dessus: le billet que j'aurais voulu écrire.

Merci à C la Rose!

vendredi 15 octobre 2010

Les casseurs sont de retour

Première manif en mai 68. Manif étudiante, les ouvriers sont venus plus tard. On est nombreux à être encore "mineurs", la majorité est à 21 ans. Mes souvenirs sont flous, sauf pour une scène bien précise.

Je suis dans les quatre ou cinq premiers rangs. Par militantisme? Par curiosité? Par hasard? Un rang de fantômes noirs masqués genre Dark Vador nous barre la rue qui va vers la préfecture. Une rue très large. Les premiers rangs ne sont pas chauds pour avancer davantage, ils laissent un espace de sécurité, quelques mètres, mais qui se rétrécit peu à peu: derrière, ça pousse, et pour cause: ils ne les voient pas, eux, les robots impassibles qui nous font face. Impassibles? Robots? pas tant que ça, car j'en repère un, souvenir ahuri, peut-être reconstruction postérieure ou "plan de coupe" pris ailleurs, qui caresse amoureusement son bidule, je veux dire son "bâton de défense" (vous saviez pas ça, les ptis malins qui rifougnent au fond de la classe?).

Derrière, ça continue à pousser, nous on résiste comme on peut. Les bas côtés toujours un peu clairsemés se sont remplis et ça pousse encore. Puis, brutalement, je jure qu'il ne s'est RIEN passé, ou alors peut être que le premier rang a fini par "toucher" les intouchables, c'est le déferlement: des coups de matraque qui pleuvent, des explosions, la panique, des jeunes qui courent partout dans la fumée. Un militant qui gueule: "dispersez-vous dans le parking, ils respectent les voitures!"

Moi, je crois bien que je suis restée là, clouée sur place par mon incrédulité, j'ai encore eu le temps de voir une dame sortir d'un immeuble, affolée, "qu'est ce qui se passe, qu'est-ce qui se passe?", et un flic, au passage, distraitement presque, pan sur la tête à la mémé, comme ça tu poseras pas des questions idiotes, non mais! puis j'ai dû refluer, comme la presque totalité de mes copains, vers le parking protecteur. Ce coup de matraque gratuit, sur la tête d'une femme qu'on ne pouvait en aucun cas prendre pour une manifestante, j'ai jamais oublié.

C'est pour ça que je rigole (tristement parfois), quarante ans après, quand j'entends nos majestés des mouches nous jurer que notre admirable et exemplaire police n'a fait que riposter à des casseurs, que c'est eux qui ont commencé.

Il faisait quoi, le jeune qui a eu le visage "légèrement" fracassé par un tir de flash ball?

jeudi 14 octobre 2010

Pour un garçon

Cet été, au moment où le soleil commençait à disparaître, l'urgence s'imposait brusquement: "Je vais arroser le jardin!" Pas tous les soirs, mais presque, il faisait si chaud, si sec que même les pommes de terre flétrissaient. Comme je l'ai écrit dans un billet précédent, le mot "jardin" sonnait très fort aux oreilles de mes deux petites princesses, qui prenaient instantanément le chemin de l'escalier.

Ce soir là, yen a qu'une, de princesse. L'exubérante. Et pour elle, le mot "arroser" sonne encore plus fort que le mot "jardin". J'ai dû lui concéder un morceau de terrain pour qu'elle puisse arroser. Mesquinement, je lui ai attribué un "no-légume's land" dont je viens de récolter les premières patates. Bien suffisant pour ce qu'elle en fait, mais surtout cela me permet de la laisser patouiller librement sans gâcher son plaisir par d'incompréhensibles exigences. "Pffff... c'est pas un jardin" dit le frangin qui lui peut se glorifier d'en avoir un vrai. Il rajoute "et puis elle a rien planté, elle a rien à arroser". Et moi: "chut!".

Donc, nous voilà parties toutes les deux. Tout en bas du jardin, une vieille baignoire désaffectée fait office de réserve. La source ne coule pas assez fort, et d'ailleurs c'est mieux que l'eau ne soit pas trop fraîche, surtout par ces temps de canicule, mes légumes pourraient s'enrhumer. Le travail est tout simple: plonger dans l'eau les deux arrosoirs, appuyer fermement pour qu'ils s'enfoncent, un petit rétablissement sur le bord de la baignoire afin de les avoir bien en main, et une deux, marche rapide (c'est lourd) vers les tomates, haricots, ou autre. Pourquoi pas au tuyau? D'abord, je l'ai dit, parce que le débit est un peu lent. Aussi, parce que ça me permet de mieux apprécier la quantité nécessaire à chaque rangée. Enfin, pourquoi pas, un peu d'exercice: yen a qui paient cher pour pédaler dans des salles de torture sur un vélo qui avance pas. Moi, j'aime pas trop le vélo, ni les haltères. Deux arrosoirs de 12 litres chacun, ça le fait. D'accord, je les soulève pas au dessus de ma tête.

La petite princesse me suit fidèlement en revendiquant son tour. De temps en temps, je lui remplis un fond d'arrosoir que je pose près de son "jardin", elle le vide avec ravissement, soulève l'objet à bout de bras pour faire couler les dernières gouttes... et il faudrait recommencer tout de suite bien sûr.

Ce jour là, la demoiselle a emmené son "garçon". Elle s'est amourachée d'une petite figurine récupérée au fond d'un vieux bac à jouets, un truc qui doit avoir dans les trente ans, facile. Il mesure sept centimètres (mon dieu, quel homme, quel petit homme!). Il est tout blanc, genre toubib ou infirmier, il a, qui sait pourquoi, les mains, ces petites pinces caractéristiques des "pl** m*b*l", d'un orange vif, presque rouge. Son visage est rose, comme il se doit, mais son crâne est creux, avec un trou sur le dessus, là où aurait dû se clipper une perruque ou un chapeau. Une cervelle à petite contenance, mais à disponibilité intégrale. Tout ça n'empêche pas que la blondinette le regarde avec les yeux de l'amour et le traîne partout avec elle.

Je remplis mes deux arrosoirs, je tourne le dos, je ne m'aperçois de rien. J'entends mon fils, perché sur le mur, qui hurle d'abord le prénom de l'amoureuse, puis le mien, je me retourne pour le voir sauter en bas du mur. Pas le temps de comprendre qu'il a déjà sorti de la baignoire une petite princesse suffocante et sanglotante. "Mon garçon! Mon garçon!". Le tonton bouleversé doit encore retirer le garçon de la baignoire pour le lui rendre. Impossible de faire autrement, c'est pour lui, parce qu'elle l'avait laissé tomber dans l'eau, qu'elle a failli se noyer.

Brrr...

mercredi 13 octobre 2010

De la grammaire et des pommes

Suffit d'un isme pour transformer un beau verbe en nom commun dégueu. Si je vous dis protéger, vous anticipez positif, sous réserve bien sûr du "complément d'objet direct", c'est comme ça qu'on disait de mon temps. Ou plutôt du temps que j'étais à l'école, car ce temps d'aujourd'hui est aussi mon temps. Donc, c'est un réflexe acquis quand j'étais en cours moyen et que je faisais de l'analyse grammaticale, quand on me dit "protéger", je questionne "protéger quoi, protéger qui?". Et selon la réponse, je suis d'accord, ou pas.

Mais si je vous dis "protectionnisme", aussitôt vous pensez beurk. Ben, pourquoi? mais parce qu'on vous l'a dit, et répété mille fois, seriné, martelé. Suffit de répéter indéfiniment un mensonge pour qu'il devienne vrai, une connerie pour qu'elle devienne une évidence. Personne ne se pose de question, parce que protectionnisme est un nom, donc pas besoin de "complément d'objet direct". Ajouter isme à un verbe pour en faire un nom commun rend les gens bêtes et dociles.

Depuis quelques temps, le mot revient pourtant, sur la pointe des pieds d'abord, puis en sonnant de ses gros sabots de plus en plus hardiment.

J'ai acheté une cocotte en fonte décorée du drapeau tricolore, faut le faire. Hé, je dis pas que je l'ai achetée pour ça, j'ai pris ce qu'il y avait en rayon, la liberté de commerce, c'est de vendre ce qu'on veut, pas d'acheter ce qu'on veut, on a tellement le choix que souvent on l'a pas. Essayez seulement d'acheter en grande surface (où, sinon?) une poêle à frire qui ne soit pas T*f*l ou autre mixture anti adhésive? Mais je digresse, je vous parlerai de ça une autre fois. Donc me voilà avec mon drapeau tricolore, je me suis demandé si je devais pas le faire encadrer pour décorer ma cuisine. C'est vrai que faire venir une cocotte en fonte de l'autre bout du monde, vu le poids que ça pèse, c'est une drôle d'idée. D'un autre côté, c'est pas une denrée périssable, ça peut venir, ça vient sûrement, par bateau, ça atténue un peu la connerie.

Ma cousine me racontait que, travaillant dans une usine de lingerie, le travail des ouvrières consistait désormais à rajouter la petite rose brodée entre les seins en même temps que l'étiquette "made in France". Ça va plus vite et ça demande moins de professionnalisme que de fabriquer le soutien gorge en entier, parce que, bien sûr, ils arrivaient à l'usine frrrrançaise par pleines caisses depuis la Tunisie. Mais pourquoi "made in France"? Parce que ça chatouille la petite fibre nationaliste héréditaire (génétique?) qui fredonne au creux de nos petits cerveaux "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, et malgré tout nous resterons français, vous avez pu germaniser la plaine, mais notre coeur vous ne l'aurez.... jamais point d'exclamation".

Voilà qu'à propos des retraites, on nous ramène le protectionnisme honni, quel rapport? Ben, si les jeunes trouvent du boulot, ils pourront financer les retraites, on n'aura plus besoin, nous les vieux, de leur piquer leur boulot avec lequel ils auraient pu financer nos retraites, tandis que là on va devoir continuer à leur piquer leur boulot, et comme ils pourront pas financer nos retraites on devra travailler encore plus tard et bientôt dans ce pays yapuk les vieux qui travailleront. Mais là, non seulement je digresse mais je m'énerve, pas bon pour mon coeur, si je veux pouvoir retravailler quand ma retraite sera devenue trop misérable faut que je me ménage.

Donc, pour que les jeunes trouvent du boulot et que les demi-vieux gardent le leur, faut tout rapatrier chez nous, les usines de ci et de ça, de lingerie et de bagnoles, d'électronique et d'informatique, tout je vous dis. On aura du mal pour le café, mais après tout, l'orge torréfié, on en buvait pendant la dernière guerre, c'est pas mauvais, ya déjà des écolos qui s'y sont mis, comme pour les topinambours. Comment on va convaincre les patrons, déjà qu'on arrive pas à les empêcher de camoufler leur fric dans des tirelires paradisiaques, on nous dit pas. Quand j'étais petite (qu'est ce qu'on a pu me raconter comme conneries, mais ça consolide le sens critique, racontez plus de fadaises à vos gosses, toujours la vérité ça les rend trop confiants dans ce monde de filous) on me disait que c'était facile d'attraper un oiseau, suffisait de lui mettre un grain de sel sur la queue.

Restons Français, donc.

Sont heureux et fiers, les travailleurs de l'amiante frrrançaise, du nucléaire frrrançais (les intérimaires qui ont le choix de se faire irradier en fraude ou de perdre leur boulot), les salariés de Frrrance Télécom qui eux iront pas à 80 ans parce qu'ils ont sauté du pont, et tous les autres, les vivants et les morts comme dit Mordillat. Tiens, je propose de voter une loi pour que ceux qui sont morts au travail ou morts du travail soient enterrés avec le drrrrapeau tricolore sur leur cercueil au son de la Marrrrseillaise. Yaura beaucoup d'employés du bâtiment, zont pas le choix, sont bien obligés de travailler en France. Ah oui mais... sont français, ceux-là? Zont leurs papiers?

Té, voilà où ça mène, le nationalisme, on commence par vouloir brimer les patrons, puis faute de réussir le coup du grain de sel, on rafle les étrangers, sont plus faciles à attraper, à boucler et à expédier, et en plus ça donne du boulot aux Frrançais d'Air Frrrance. Comme le pti voyou de quartier qui pique son sac à la vieille dame paske c'est moins dur que de braquer une banque. Moins dangereux aussi, En même temps, ça rapporte moins. C'est peut-être pour ça que "protectionnisme" est devenu un vilain mot et "made in France" une filouterie.

Ceci dit, si je n'ai aucune sympathie pour un protectionnisme nationaliste, je suis pour acheter local, produire local, vivre local. A quoi ça rime de bouffer des pommes venant d'Australie ou de Chine, quand la voisine vient de m'en donner un plein cageot ramassées au pied d'arbres qu'on n'entretient plus parce que ça vaut rien. Même les professionnels laissent des fruits sur les arbres en fin de saison parce que la vente ne paie même pas le ramassage.

Bon, si j'allais m'occuper de mes pommes, moi?

lundi 11 octobre 2010

La princesse est dans l'escalier

Je vous ai déjà dit ailleurs que j'étais grand mère de deux petites princesses. Une vient d'avoir deux ans, la princesse exubérante, l'autre les aura bientôt, la princesse discrète. Pas si discrète que ça quand elle est dans son élément, les trottoirs de Paris, mais encore un peu craintive face à la jungle d'une prairie qui pique et qui mouille. Cet été, dès qu'elles entendaient le mot "jardin", les deux princesses prenaient le chemin de l'escalier, des escaliers. Valait mieux les suivre. Comme dans la chanson, je "descends" dans mon jardin par une série de petits escaliers, dont certains plutôt raides pour de petites jambes de moins de deux ans. Donc, interdiction formelle d'y aller sans moi.

Bien sûr, la princesse exubérante adore les interdictions, chacune d'entre elles est une délicieuse invitation à la valse. Ce jour là, elle est au pied du petit muret qui surplombe le jardin, et je suis déjà en bas, elle a manqué le départ. Elle fait mine de grimper sur le muret, ce dont je la dissuade vivement, elle tergiverse un peu, mais finalement, elle réalise que c'est du sérieux, elle renonce. Je continue mon petit ménage, désherbage et bricolage. Rassurée. J'ai tort.

J'entends bientôt une petite voix derrière moi. Pas en haut, en bas. Presque en bas. La princesse est dans l'escalier. Elle a passé sans encombre le premier, celui dont les marches sont basses et longues, celui que je la laisse descendre seule pour s'exercer, avec moi devant à reculons en filet de protection. Et elle est au milieu du second. Mais là, quand même, elle commence à avoir peur. Le second est pire que raide, je me suis moi même une fois écrasée durement au pied, lunettes cassées, visage tuméfié et poignet fracturé. Alors, elle se met à gazouiller pour attirer mon attention, ce qu'elle s'était bien gardée de faire jusque là. Je vole à son secours, je gronde, très sérieusement, bien sûr elle essaie de me faire rire, je regronde, j'insiste, je martèle, pas toute seule, interdit, pas tout seule, pas toute seule!

Pas toute seule: faut faire attention aux mots qu'on utilise quand on s'adresse à un enfant de cet âge, les mots sont TRÈÈÈÈÈS importants.

Quelques jours plus tard, l'incident se renouvelle presque à l'identique. La petite princesse est de nouveau dans l'escalier, le second, le méchant. Mais elle n'a pas désobéi, elle n'est pas seule: elle tient par la main sa cousine, un peu ébahie de son audace, entre désarroi et fierté.

dimanche 10 octobre 2010

Jamais trop tôt pour mal faire

"L’idée de Douillet serait de créer des maternités extraterritoriales en Guyane et à Mayotte… Pour qu’un enfant de clandestins ne soit pas automatiquement français à sa naissance. «Votre hôpital extraterritorial, l’a recadré Christine Taubira, députée de la Guyane, ce serait en fait un centre de rétention administrative à l’hôpital… Merci pour l’innovation!»

Ils ont commencé par y mettre des hommes et des femmes qui n'avaient rien fait. Puis des enfants de plus en plus jeunes, des bébés. Mais jamais trop tôt pour mal faire. L'idée, la bonne, c'est de transformer les maternités en centres de rétention détention. Ou les centres de rdétention en maternité?

Machiavel expliquait qu'il était naïf, quand on massacrait ses ennemis, de laisser en vie les jeunes enfants. Ils grandissent et n'ont qu'une idée, venger leurs parents.

Machiavel ne rigolait pas. Swift, lui, expliquait comment rentabiliser les enfants de pauvres, au bénéfice de tous: on leur épargne une vie de misère, ils cessent d'être une charge pour leurs parents, ils ne déglinguent plus la société, et ils alimentent (waouh!) l'économie.

« En supposant que mille familles de cette ville deviennent des acheteurs réguliers de viande de nourrisson, sans parler de ceux qui pourraient en consommer à lʼoccasion dʼagapes familiales, mariages et baptêmes en particulier, jʼai calculé que Dublin offrirait un débouché annuel dʼenviron vingt mille pièces »

A l'heure où on se fait du souci pour la croissance qui nous fait la nique 'tu m'attraperas pas, eu", voilà une idée à creuser. Je trouve finalement David Douillet petit joueur.

vendredi 8 octobre 2010

Ça un chêne? Mon oeil!

Un trait de plume, c'est pas la mort quand même.

Ben si. Suffit d'attendre sans rien faire. Suffit d'écouter ceux qui nous disent que c'est infâme de parler de rafles, que c'est faire injure à ceux qui sont morts dans les camps. Suffit de se laisser convaincre par ceux qui nous disent que c'est fasciste de les traiter de pétainistes, que c'est totalitariste de porter le projecteur sur leurs vilaines manigances, enchevêtrées avec leurs vies privées. Que c'est de la chasse à l'homme de débusquer, jour après jour, leurs mensonges successifs.

Avez-vous vu un gland qui vient de germer? Deux petites feuilles et c'est déjà un chêne. Mais si je vous dis "chêne", vous voyez tout de suite "Celui de qui la tête était au ciel voisine, et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts".

Et vous me dites: "Ça, un chêne? mon oeil!"

jeudi 7 octobre 2010

Polygamie?

Fille d'une mère vietnamienne et d'un père français, elle a encore, quarante ans après, des larmes dans la gorge quand elle se souvient du jour où son père a quitté sa mère pour une autre femme. "Je devais partir avec lui, mon frère restant avec ma mère. J'avais six ans, mais j'ai tout compris, je ne pouvais pas abandonner ma mère dans une telle souffrance. Je me suis cachée chez des voisins, je suis restée avec elle". Très longtemps après, elle a retrouvé son père, fait la paix avec lui, elle prend aujourd'hui soin de lui au quotidien. Mais en me racontant cette histoire, son ancienne rancune affleure Comment avait-il pu faire ça? Pour moi, "ça", c'est l'infidélité, l'autre femme. Je m'étonne: "Ton grand père était polygame, pourtant, tu avais l'air de trouver ça normal?"

Ses yeux s'agrandissent: "Mais ça n'a rien à voir! mon grand père n'aurait jamais abandonné une de ses femmes!"

mercredi 29 septembre 2010

La retraite à 25 ans

Juillet 1968. Les élections ont eu lieu, le soufflé est retombé. J'emballe des biscuits à la chaîne, job de vacances. J'embauche à cinq heures du mat, je sors à treize heures, ne marchant plus droit de fatigue, me couche sans manger, me réveille pour le repas du soir, me recouche. Dans les vestiaires, une affiche de la CGT proclame "Un bilan exaltant, des perspectives nouvelles".

Elle est belle. Une magnifique chevelure noire, abondante. Une peau un peu pâle. Un grand rire. Elle me raconte que pendant la grève, des journalistes sont venus l'interroger sur ses revendications. "Une seule revendication: la retraite à vingt cinq ans!". Elle me fait un clin d'oeil: "J'ai juste vingt cinq ans!"

mardi 28 septembre 2010

Ah, la niche!

Trouvé dans le TGV une belle revue papier glacé, avec cette annonce alléchante:

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Héhé, elle est pas belle la vie? C'est pas l'immeuble squatté par Jeudi Noir, des fois?

dimanche 19 septembre 2010

Semences impropres à la consommation?

Voilà ce qu'on gagne à toujours remettre au lendemain!

Après un été très occupé, il est temps de nettoyer mon jardin des vieilles récoltes, d'enlever les herbes pas toujours sympathiques qui se sont installées en douce, et de semer des engrais verts. Le Biau Germe, mon fournisseur habituel, en propose plusieurs pour la fin de l'été. Ma préférée, à cause de ses jolies fleurs bleues qui plaisent aux abeilles, c'est la phacélie. "Étant d'une famille botanique très différente de nos légumes, c'est une excellent manière de créer une rupture dans le cycle des parasites" me dit le catalogue. J'aime bien ça, chez Biau Germe, ils font ton instruction en plus de te vendre leur camelote, ils associent même parfois des recettes de conserves au descriptif des graines de ceci-cela.

La phacélie, c'est de mars à septembre, il est temps que je me bouge!

Seulement, voilà, je me bouge pas. Et un jour, en passant au Gamm Vert du coin pour un manche d'outil, je vois un très joli paquet de phacélie. Tout vert (tiens, un peu les couleurs de ce blog, (voleurs!), avec des commentaires bisounours: "Brin de Nature", "Semences vertes", "Phacélie engrais vert" "Semences certifiées". Le logo avec les deux flèches qui tournent en rond, je sais bien qu'il veut quasi rien dire, mais il est mignon, non, un peu "yin et yang".

La phacélie cause, comme chez Julien Le Pers, à la première personne: "Je suis une hydrophyllacée au développement rapide. On me sème à la fin de l'été. Je suis un engrais vert. On m'utilise comme fertilisant naturel. Je contribue à l'amélioration de la structure du sol". Ils se paient même le luxe pédagogique de t'expliquer ce qu'est un engrais vert, dans un rond d'un bel orange ensoleillé. Plus écolo tu meurs.

Sales escrocs!

Aujourd'hui, je descends au jardin semer ma phacélie. Et je découvre sur le côté du paquet, pas attractive du tout contrairement au reste, une étiquette blanche mâchurée de petites lettres noires: "Pays de production: Pologne. 50% semences, 50% enrobage". Bon, ils me piquent déjà la moitié des 500 grammes qu'ils ont prétendu me vendre. Puis, encore plus petit (heureusement je suis myope, il me suffit d'ôter mes binocles): "Semences impropres à la consommation humaine ou animale". Ça tombe bien, j'avais pas prévu de la manger, ma phacélie. Mais quand même... qu'est-ce qu'ils ont bien pu foutre comme enrobage pour que ce soit toxique au point de rajouter "Prendre toutes précautions pour éviter la consommation par le gibier, ne pas laisser à la surface du sol".

Et je me rappelle d'un coup que l'apiculteur du village m'a raconté avoir perdu une cinquantaine de ruches parce que son voisin avait semé des graines enrobées. Aucune indemnisation bien que le lien de cause à effet soit établi,. Le voisin était en règle avec la loi, qui interdit l'insecticide vaporisé sur les fleurs, mais l'autorise en enrobage de semences, alors que manifestement ça passe dans les fleurs.

J'ai intérêt à pas remettre au lendemain pour couper ma phacélie avant floraison!

mardi 7 septembre 2010

Entre les deux vierges

Mais non, je vais pas vous parler de virginité (obligatoire) avant le mariage, ni de reconstruction chirurgicale de l'hymen pour faire croire que le paquet cadeau n'a pas été ouvert. Ne fantasmez pas, googliens intégristes de notre sainte laïcité. Petits pervers amateurs de chair fraîche, passez également votre chemin.

Il s'agit d'une vieille expression pour mémoriser la période où la chasse aux herbes vivaces envahissantes doit être la plus intense, étant aussi la plus fructueuse. Entre les deux vierges, c'est entre l'assomption et la nativité de la vierge. C'est purement mnémotechnique, hein, elle s'occupe pas de ça, Sainte Marie Mère de Dieu. Cela commence au 15 août. C'est à cette date que la sainte vierge est montée au ciel. Je vous sens sceptiques, mais je vous assure que je l'ai vue sur son petit nuage, pieds nus écrasant le serpent démoniaque, bras croisés sur la poitrine, regard levé vers le ciel un peu en biais. Elle est montée au ciel, point barre, je veux plus entendre murmurer au fond de la classe, l'infaillibilité pontificale est en jeu, ainsi que l'identité chrétienne de l'Europe. Donc, ça commence au 15 août, et ça se termine le 8 septembre. Demain, quoi. Le 8 septembre, c'est la fête de la nativité de cette même sainte vierge. Les mystères du calendrier liturgique la font naître trois semaines après être montée au ciel. Comme dans les premières salles de "cinéma permanent", quand on pouvait entrer n'importe quand et qu'on était pas obligé de sortir à la fin (ça n'a pas duré, cte blague!), où on pouvait voir Jeanne d'Arc flamber sur le bûcher avant de devenir bergère.

Effectivement, chaque année, vers la mi-août, des indices parfois minuscules, parfois massifs, petit vent coulis entre deux journées de canicule ou vrai temps de cochon qu'on se croirait en novembre, nous font souvenir que l'été n'est pas éternel. Au jardin, pourtant, la fin de quelque chose est toujours le début d'autre chose. Bizarrement, ça me fait le même effet qu'au printemps les premières fleurs: je me mets à préparer l'avenir, je commence à nettoyer le jardin en vue du printemps.

J'ai beau avoir tenté de bannir de mon vocabulaire l'expression "mauvaises" herbes, je dois reconnaître que certaines me donnent du fil à retordre. Commençons par les liserons. J'en ai deux sortes: les "à petites fleurs", qui rampent en étoile autour de leur point de sortie. Ceux-là sont presque sympathiques. ils jouent les couvre-sol, et vous savez qu'un sol ne doit jamais rester nu sous peine de voir sa vie microbienne et sa vie tout court s'appauvrir jusqu'à disparaître. Si j'ai négligé de semer des soucis entre deux rangées de choux, si j'ai oublié de pailler mes tomates, si la distance nécessaire entre deux plants de potirons menace tout un espace de désertification, le liseron à petites fleurs occupe le terrain et empêche par la même occasion des herbes plus tenaces de s'implanter. Ce liseron-là ne nécessite qu'une surveillance distraite, un arrachage à l'occasion sans acharnement particulier.

L'autre liseron, celui à grandes fleurs, est moins raisonnable. Présent partout dans mon jardin dès le printemps, il se déchaîne, va savoir pourquoi, après le 15 août. Il sent venir l'hiver et cherche dès lors à faire le maximum de réserves racinaires. Connaissez-vous la racine du liseron? Jamais vous ne la verrez en entier. Elle monte des profondeurs de la terre, elle est blanche et charnue, et particulièrement cassante. Si vous vous contentez de tirer dessus, vous n'en aurez que quelques centimètres. Il faut y aller à la triandine, fourche-bêche à quatre dents comme son nom ne l'indique pas. La grelinette ne va pas assez profond. Il faut ensuite tirer avec délicatesse pour gagner encore quelques centimètres, sachant que de toutes façons ça repoussera. Moins vite, c'est toujours ça de gagné. Le malheur, c'est que le liseron va souvent, petit malin, se nicher entre les racines d'un cassis, d'un groseillier, et qu'il est particulièrement heureux parmi les framboisiers. Rien d'autre à faire alors que de limiter ses ébats. Je me console en pensant à la magnifique chenille du "sphinx du liseron" que Jardinet et moi avons eu le plaisir d'élever l'an dernier.

Ya pas que les liserons, ya aussi les ronces. Non seulement elles se déchaînent, elles aussi, fin août, mais elles vont à dame. C'est à dire qu'après avoir poussé des tiges démesurées, plusieurs mètres quelquefois, elles cherchent du bout du nez (à l'odeur?) un endroit particulièrement propice à l'enracinement. Et hop, ça repart aussi sec, comme de géants stolons de fraisiers. Heureusement pour moi, elles choisissent des endroits particulièrement meubles d'où il sera facile de les déloger. A condition de faire vite, sinon, en quelques sauts, elles vous colonisent la moitié du jardin. Il m'est déjà arrivé plusieurs fois de perdre en peu de temps l'espace durement gagné l'année précédente. Donc couper, couper, couper, arracher si l'on peut encore, lutter pied à pied, ne jamais gagner mais ne pas perdre non plus.

Dernière coriace, (pour aujourd'hui, y en a d'autres, des envahisseuses coriaces) le chiendent. Bien nommée celle là, un vrai chiendent. Chienlit, comme disait le général à propos des gauchistes de 1968. Le chiendent est bien plus discret. Un simple brin d'herbe au milieu d'un carré fraîchement désherbé. Tiens, d'où sort-il celui là? Quand vous tentez de l'arracher, soit il vous reste entre les doigts, laissant intacte la racine pour d'autres aventures, soit, si vous avez un peu de chance (ou d'expérience), vous l'attrapez, cette maudite racine. Et là, surprise, elle n'est pas verticale, comme la plupart des racines qui se respectent, mais horizontale. Et fameusement solide, on en faisait des brosses à récurer les planchers ou à laver le gros linge. On appelle ça une racine traçante. Et effectivement, vous pouvez la suivre à la trace, jusqu'en bordure de l'allée où se trouve la plante mère. En bordure de l'allée, c'est parce que, jardinière paresseuse, j'ai laissé mes allées principales se faire envahir par l'herbe. Chiendent, pissenlits, trèfle, plantain. Ça n'a pas que des inconvénients, ça évite la bouillasse par temps de pluie, ça limite le ruissellement toujours problématique dans les jardins en pente, c'est plus sympa à regarder. Mais ça nécessite une certaine vigilance, et en particulier de refaire une ou deux fois par an les bordures au pic de terrassier.

Je vous en parle dans un prochain billet.

mercredi 1 septembre 2010

De très vieilles ombres

Après un été bien occupé, je me préparais à revenir vers vous avec plein de billets champêtres. Les récoltes qui se poursuivent, l'air vif qui sent l'automne entre deux journées torrides, Le compost de l'année qui se termine, celui de l'an prochain qui s'étoffe. Les liserons, les ronces, le chiendent qu'il faut tenir en respect plus que jamais "entre les deux vierges". Les papillons qui (pourquoi?) sont différents cette année, un mini élevage de doryphores pour me faire pardonner de "Jardinet".

Je vous aurais raconté mes deux petites princesses, qui se mettaient en route fébrilement au seul mot de "jardin", répétaient "escalier, escalier, encore un escalier", approximaient le mot "graines" devant les pavots desséchés, jouaient rituellement à les faire couler dans leurs mains pour les éparpiller au sol.

Et aussi la mare creusée par le papa de Jardinet, un rêve très ancien, différé faute de courage et qui est en train de devenir réalité.

Bon, je vous écrirai tout cela. Plus tard.

Mais pour l'instant, une date: 4 septembre.

Un rendez-vous: 14h à la Villeneuve de Grenoble.

Un lien: vers une affiche qui est en convergence totale, texte et couleurs, avec ce que je ressens au plus profond de moi.

Et un grand merci à Patrick Chamoiseau, c'est le boulot des poètes de trouver les mots quand ça s'étrangle dans nos gorges.

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